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DE L’INOCULATION.

viendrait à un souverain qui néglige dans les choses les petits désavantages particuliers pour s’attacher au bien de la masse, a apprécié l’accroissement qui résulte de l’inoculation pour la vie moyenne de l’homme. Voilà ce qu’on appelle une idée.

Il y a trois vies à distinguer dans un homme : sa vie réelle ou physique, c’est tout le temps de sa durée depuis le moment où il naît jusqu’au moment où il meurt ; sa vie moyenne, c’est la portion de durée qui lui appartiendrait si l’on prenait la somme de toutes les vies et de tous les hommes et que, divisant l’une de ces quantités par l’autre, on assignât à chaque homme la même durée ; et une vie civile, c’est cet intervalle de la vie réelle où l’homme commence à être utile à la société jusqu’au moment de caducité, où il commence à lui être à charge.

M. Bernoulli a supposé que parmi ceux qui n’ont pas eu la petite vérole et qui sont de même âge, la maladie en attaque constamment, chaque année, un huitième, et qu’il périt constamment un huitième de ceux qui sont attaqués. D’après ces suppositions, il détermine la loi de la mortalité causée par la petite vérole naturelle.

Il suppose ensuite que l’inoculation enlève 1 inoculé sur 200, et il déduit de cette supposition, la plus défavorable qu’il était possible de faire, la loi de la mortalité causée par la petite vérole inoculée.

Comparant ensuite les résultats des deux hypothèses, il fixe pour chaque âge le temps de vie qu’on peut se promettre de plus en prévenant la maladie plutôt qu’en l’attendant.

Cette marche est celle d’un homme de tête. A quoi se réduit le travail de M. d’Alembert ? A donner aux x et aux y de M. Bernoulli d’autres valeurs, à rendre ses courbes un peu plus ou un peu moins convexes, et puis c’est tout.

La supposition de M. Bernoulli, dit M. d’Alembert, sur le nombre des personnes de chaque âge qui prennent naturellement ou artificiellement la petite vérole et sur le nombre de ceux qui en meurent dans l’un et l’autre cas est gratuite. — Cela se peut. — Et puis où mène cette spéculation ? à connaître que la vie moyenne des inoculés ou le temps que chacun d’eux peut espérer de vivre surpasse la vie moyenne de ceux qui attendent la maladie. — Il est vrai, et c’est une belle et grande vue poli-