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DE L’INOCULATION.

moyenne, ne suffit pas pour déterminer à l’inoculation. Dans la supposition imaginaire que j’ai faite, le risque de l’opération est grand, mais l’accroissement de la vie moyenne est énorme. Dans le cas réel, si le risque de l’opération est petit, l’accroissement de la vie moyenne n’est presque rien. — D’accord, mais c’est que vous ne le considérez pas multiplié autant de fois qu’il y a d’hommes sauvés par l’inoculation, et c’est que vous avez supposé le rapport du risque de la petite vérole naturelle au risque de la petite vérole inoculée de 300 à 7 ; au lieu qu’à peine est-il de 1/100, de 1,500 à 1.

On a trop confondu, dit M. d’Alembert, l’intérêt public avec l’intérêt particulier. — Cela se peut, mais celui qui apprend aux hommes à séparer ces deux intérêts est un bon géomètre, à la bonne heure, mais un très-mauvais citoyen. — Dans l’hypothèse précédente, dit M. d’Alembert, il est évident que l’État gagnerait en sacrifiant un citoyen sur cinq. La société serait assurée de conserver les autres jusqu’à cent ans. Mais aucun législateur serait-il en droit d’obliger à l’inoculation ? — Question ridicule à Lacédémone et partout où l’esprit dominant est le sacrifice du bien particulier au bien général, partout où l’on sait ce que c’est que vertu. Est-ce un cas bien rare que cent mille hommes se battent contre cent mille hommes et qu’en un moment il en reste vingt mille de chaque côté sur le champ de bataille ? Or, je demande à M. d’Alembert si le législateur n’aurait pas le droit de lui faire prendre, à lui, l’épée et le mousquet dans le cas où il s’agirait de la défense de l’État ?

Au reste, de la manière dont M. d’Alembert parle du risque de l’inoculation, on voit qu’il ne sait ce que c’est que l’opération, et qu’il n’a jamais vu inoculer.

Après avoir exposé ses difficultés contre l’inoculation, il parle en sa faveur avec assez de franchise. Il avoue que si le rapport ou risque de la petite vérole naturelle, est au risque de l’inoculée comme 3,000, même comme 1,500, ou 1,200 à 1, — Or c’est ainsi qu’il est, — la probabilité du risque de mourir de l’inoculée est si faible que tout homme sensé doit la négliger.

Cependant il semble revenir sur ses pas, en disant qu’on n’a jusqu’à présent fait aucun calcul exact des avantages et désavantages de l’inoculation ; qu’on n’a pas assez distingué