Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IX.djvu/254

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244 RÉPONSE DE M. PETIT. sur les fibres, cette partie prend de volume en se fortifiant. Cela se fait presque toujours un peu aux dépens des autres parties, ce qui fait une double cause de disproportion entre les membres d’un même corps. Le fainéant, l’homme oisif en général est, toutes choses égales d’ailleurs, mieux et plus régulièrement conformé, parce que chez lui il n’y a pas de raison pour [que les sucs nourriciers se portent en plus grande abondance d’un côté que de l’autre. Si cependant une conformation régulière est si rare même chez ces sortes de personnes, c’est qu’en venant au monde, ils en ont apporté une vicieuse, laquelle est due à la mère, à sa manière de s’habiller, aux attitudes qu’elle s’est habituée de prendre, etc. ; c’est que ceux qui auraient en naissant le corps bien proportionné, ce qui est excessivement rare, perdraient bientôt cet avantage par l’effet du maillot, des corps baleinés, des attitudes, etc.

Si un homme travaille beaucoup de ses bras, il aura les mains grosses, le bras volumineux, le dos voûté, peu de ventre, les jambes grêles, etc. ; s’il marche, s’il danse, ses cuisses, ses jambes deviendront fort grosses ; s’il monte à cheval, il prendra du ventre, etc. ; ainsi la proportion changera en raison du genre de travail, de la conformation première, de l’attitude dans laquelle le travail se fera, etc. Je m’arrête : intelligenti pauca. Je crois vous en avoir assez dit pour vous faire sentir que la simple observation de ce qui se passe chez les hommes éclairera mieux un artiste que l’anatomie et la physiologie ne pourraient le faire. J’ai peut-être tort sur ce point, tu videbis ; moi je sais que j’ai grande raison de vous aimer, de vous estimer, de vous respecter.

Signé : A. Petit, D. M. P. Paris, 22 juillet 1771.