Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IX.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE.

sans savoir ce qu’il fait. Sa pendule sonne, il regarde l’heure qu’il est ; il se hâte d’écrire plusieurs lettres qui doivent partir par la poste du jour. Ses lettres écrites, il s’habille, il sort, il va dîner rue Royale, butte Saint-Roch. La rue est embarrassée de pierres, il serpente entre ces pierres, il s’arrête court. Il se rappelle que ses lettres sont restées sur sa table, ouvertes, non cachetées et non dépêchées. Il revient sur ses pas, il allume sa bougie, il cachette ses lettres, il les porte lui-même à la poste. De la poste il regagne la rue Royale, il entre dans la maison où il se propose de dîner, il s’y trouve au milieu d’une société de philosophes ses amis. On parle de la liberté, et il soutient à cor et à cri que l’homme est libre. Je le laisse dire ; mais à la chute du jour, je le tire en un coin et je lui demande compte de ses actions. Il ne sait rien, mais rien du tout de ce qu’il a fait, et je vois que, machine pure, simple et passive des différents motifs qui l’ont mû, loin d’avoir été libre, il n’a pas même produit un seul acte exprès de sa volonté. Il a pensé, il a senti, mais il n’a pas agi plus librement qu’un corps inerte, qu’un automate de bois qui aurait exécuté les mêmes choses que lui.

système agissant a rebours.

C’est que rien n’est plus contraire à la nature que la méditation habituelle ou l’état de savant. L’homme est né pour agir ; le mouvement vrai du système n’est pas de se ramener constamment de ses extrémités au centre du faisceau, mais de se porter du centre aux extrémités des filets. Tous les serviteurs ne sont pas faits pour demeurer dans l’inertie ; alors les trois grandes opérations sont suspendues : la conservation, la nutrition et la propagation. L’homme de la nature est fait pour penser peu et agir beaucoup ; l’homme de la science, au contraire, pense beaucoup et se remue peu. On a très-bien remarqué qu’il y avait dans l’homme une énergie qui sollicitait de l’emploi, mais celui que l’étude lui donne n’est pas le vrai, puisqu’elle le concentre et qu’elle est accompagnée de l’oubli de toutes les choses animales.

vie et mort.

Tant que le principe vital n’est pas détruit, le froid le plus