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ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE.

ENTENDEMENT.

Des générations de l’entendement ; du jugement ; du raisonnement ; de la formation des langues.

On éprouve une sensation, on a une idée ; on produit un son ou représentatif de cette sensation, ou commémoratif de cette idée.

Si la sensation ou l’idée se représente, la mémoire rappelle et l’organe rend le même son.

Avec l’expérience, les sensations, les idées et les sons se multiplient.

Mais comment la liaison s’introduit-elle entre les sensations, les idées et les sons de manière non pas à former un chaos de sensations, d’idées et de sons isolés et disparates, mais une série que nous appelons raisonnable, sensée ou suivie ?

Le voici. Il y a dans la nature des liaisons entre les objets et entre les parties d’un objet. Cette liaison est nécessaire. Elle entraîne une liaison ou une succession nécessaire de sons correspondants à la succession nécessaire des choses aperçues, senties, vues, flairées ou touchées.

Exemple. On voit un arbre et le mot arbre est inventé.

On ne voit point un arbre sans voir très-immédiatement et très-constamment ensemble des branches, des feuilles, des fleurs, une écorce, des nœuds, un tronc, des racines ; et voilà, aussitôt que le mot arbre est inventé, d’autres signes qui s’inventent, s’enchaînent et s’ordonnent ; une suite de sensations, d’idées et de mots liés et suivis.

On regarde et l’on flaire un œillet et l’on en reçoit une odeur forte ou faible, agréable ou déplaisante ; et voilà une autre série de sensations, d’idées et de mots.

De là naît la faculté de juger, de raisonner, de parler, quoiqu’on ne puisse pas s’occuper de deux choses à la fois.

Le type de nos raisonnements les plus étendus, leur liaison, leur conséquence, est nécessaire dans notre entendement, comme l’enchaînement, la liaison des effets, des causes, des objets, des qualités des objets, l’est dans la nature.

L’expérience journalière des phénomènes forme la suite des