Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/146

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Sainte-Thérèse est folle ; si cela lui arrive encore, je l’enfermerai.

— Ah ! chère mère lui dis-je, ne l’enfermez jamais.

— Cela dépendra de sa conduite : elle m’a promis qu’elle serait meilleure ; et j’y compte. Et vous, chère Suzanne, comment vous portez-vous ?

— Bien, chère mère.

— Avez-vous un peu reposé ?

— Fort peu.

— On m’a dit que vous aviez été au chœur ; pourquoi n’êtes-vous pas restée sur votre traversin ?

— J’y aurais été mal ; et puis j’ai pensé qu’il valait mieux…

— Non, il n’y avait point d’inconvénient. Mais je me sens quelque envie de sommeiller ; je vous conseille d’en aller faire autant chez vous, à moins que vous n’aimiez mieux accepter une place à côté de moi.

— Chère mère, je vous suis infiniment obligée ; j’ai l’habitude de coucher seule, et je ne saurais dormir avec une autre.

— Allez donc. Je ne descendrai point au réfectoire à dîner ; on me servira ici : peut-être ne me lèverai-je pas du reste de la journée. Vous viendrez avec quelques autres que j’ai fait avertir.

— Et sœur Sainte-Thérèse en sera-t-elle ? lui demandai-je.

— Non, me répondit-elle.

— Je n’en suis pas fâchée.

— Et pourquoi ?

— Je ne sais, il me semble que je crains de la rencontrer.

— Rassurez-vous, mon enfant ; je te réponds qu’elle a plus de frayeur de toi que tu n’en dois avoir d’elle. »

Je la quittai, j’allai me reposer. L’après-midi, je me rendis chez la supérieure, où je trouvai une assemblée assez nombreuse des religieuses les plus jeunes et les plus jolies de la maison ; les autres avaient fait leur visite et s’étaient retirées. Vous qui vous connaissez en peinture, je vous assure, monsieur le marquis, que c’était un assez agréable tableau à voir. Imaginez un atelier de dix à douze personnes, dont la plus jeune pouvait avoir quinze ans, et la plus âgée n’en avait pas vingt-trois ; une supérieure qui touchait à la quarantaine, blanche,