Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/268

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« Eh bien ! mon petit, me voilà, que veux-tu ?

— Je veux qu’on les fasse venir.

— Qui ?

— Tous ceux qui sont dans le château. »

On les fait venir : maîtres, valets, étrangers, commensaux ; Jeanne, Denise, moi avec mon genou malade, tous, excepté une vieille concierge impotente, à laquelle on avait accordé une retraite dans une chaumière à près d’un quart de lieue du château. Il veut qu’on l’aille chercher.

« Mais, mon enfant, il est minuit.

— Je le veux, je le veux.

— Vous savez qu’elle demeure bien loin.

— Je le veux, je le veux.

— Qu’elle est âgée et qu’elle ne saurait marcher.

— Je le veux, je le veux. »

Il faut que la pauvre concierge vienne ; on l’apporte, car pour venir elle aurait plutôt mangé le chemin. Quand nous sommes tous rassemblés, il veut qu’on le lève et qu’on l’habille. Le voilà levé et habillé. Il veut que nous passions tous dans le grand salon et qu’on le place au milieu dans le grand fauteuil de son papa. Voilà qui est fait. Il veut que nous nous prenions tous par la main. Il veut que nous dansions tous en rond, et nous nous mettons tous à danser en rond. Mais c’est le reste qui est incroyable…

Le maître.

J’espère que tu me feras grâce du reste ?

Jacques.

Non, non, monsieur, vous entendrez le reste… Il croit qu’il m’aura fait impunément un portrait de la mère, long de quatre aunes…

Le maître.

Jacques, je vous gâte.

Jacques.

Tant pis pour vous.

Le maître.

Vous avez sur le cœur le long et ennuyeux portrait de la veuve ; mais vous m’avez, je crois, bien rendu cet ennui par la longue et ennuyeuse histoire de la fantaisie de son enfant.