Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/453

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STUKELY.

Sans ressource ! cela est bientôt dit. Un moment. Jarvis est riche ; il tient de vous ce qu’il a. Voyez, ne pourrait-on pas… ? Ce n’est pas ici le moment d’être délicat.

BEVERLEY.

Mais est-ce jamais celui d’être vil ? J’oserais dépouiller l’honnête vieillard ? et mon ami le souffrirait ! N’en rougirait-il pas pour moi ? Non, non, n’y pensons pas. Qu’il jouisse du peu qu’il a, qu’il mange du pain et qu’il soit vêtu.

STUKELY.

Adieu donc, mon ami.

BEVERLEY.

Vous êtes bien pressé. À quand ?

STUKELY.

Que sais-je ? Se revoir pour s’affliger, se l’aire des reproches, se dire, « c’est moi qui vous ai perdu, c’est moi, » entendre les propos d’un M. Leuson… À propos de ce monsieur, je ne sais pour qui il me prend. Ne manquez pas de le confirmer dans ses soupçons ; car il en a de fort étranges ; allez, voyez-le : dites-lui que j’ai fait votre perte ; c’est un discours dont il vous saura gré.

BEVERLEY.

Eh non, mon ami. Il ne s’agit pas de cela. Nous nous sommes embarqués sur un même vaisseau ; nous avons essuyé la même tempête ; nous nous sommes brisés contre le même écueil. Si l’un de nous a des reproches à se faire, c’est moi seul.

STUKELY.

Et ces reproches à quoi servent-ils ? à quoi mènent-ils ? J’espérais de vous un retour plus solide. Tant qu’il m’est resté une ombre de crédit, un pouce de terre, j’ai vendu, j’ai emprunté pour vous ; et à présent qu’il faudrait tenter la fortune, que mon cœur me présage du succès, je suis abandonné ; il faut que j’aille mendier, et cela, puisqu’il faut trancher le mot, lorsqu’il vous reste encore des effets.

BEVERLEY.

Des effets ? quels ? Nomme-les et les prends.

STUKELY.

N’y a-t-il pas là des diamants, des bijoux ?