Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/454

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BEVERLEY.

Et cette main rapace s’en saisirait !… Ma femme !… Ah pauvre femme !… il est décidé qu’il ne te restera rien !… Ses diamants… Et je pourrais lui donner ce dernier chagrin !

STUKELY.

Ce n’est ni vous, ni moi. C’est la nécessité. Allons, mon ami, un peu de courage. Encore un effort, et la fortune est nôtre. Je me sens là des espérances, une inspiration.

BEVERLEY.

Imaginez, s’il se peut, quelque autre moyen.

STUKELY.

Et pourquoi rejeter celui que je vous propose ?

BEVERLEY.

Permettez que je ne cesse pas tout à fait d’être homme.

STUKELY.

Soyez ce qu’il vous plaira, j’y consens ; et que l’ami qui vous a servi périsse de misère.

BEVERLEY.

Mais…

STUKELY.

N’en parlons plus. Laissons à la vanité ses colifichets ; qu’elle s’en pare, qu’elle se montre, et qu’on se rie de lui voir des diamants pendus aux oreilles et point de pain chez elle.

BEVERLEY.

Ma femme ne tient point à ces sottises-là. Si je lui en ouvrais la bouche, je suis sûr qu’au premier mot je les aurais… Mon ami demande-t-il encore les diamants de ma femme ? Il les aura… Il aurait pu se dispenser de parler d’elle un peu légèrement. Il ne la connaît pas. La franchise et l’innocence sont sa parure la plus précieuse, la parure qu’elle ne quittera jamais. Le reste, je vous l’ai dit, elle n’y tient tout au plus que comme à des bagatelles qui satisfont la vanité de son époux, mais dont elle sait se départir dans le besoin. Stukely, vous ne la connaissez pas… Où nous retrouverons-nous ?

STUKELY.

Il n’importe. J’ai changé d’avis ; nous nous retrouverons dans la première prison où il vous plaira de me déposer. Je suis prêt