Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/190

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ami, je vous supplie de le rendre fidèlement à madame de Vertillac.

Monsieur Hardouin.

Doucement, modérez-vous, et voyons à tête reposée s’il n’y aurait pas quelque moyen de finir votre peine.

Monsieur de Crancey.

Elle passe pour avoir eu du goût pour vous : on croit même qu’une assez longue suite de successeurs ne vous a pas fait oublier : priez, suppliez, ordonnez ensuite, car on acquiert ce droit avec les femmes. Que mon sort se décide et promptement, ou je ne réponds de rien.

Monsieur Hardouin.

Il faut y penser… J’y pense, et plus j’y pense, plus la chose me paraît difficile.

Monsieur de Crancey.

Quoi ? cette heureuse fécondité en expédients qui vous a fait tant de réputation…

Monsieur Hardouin.

Et de haines.

Monsieur de Crancey.

Cessera-t-elle pour votre ami ?

Monsieur Hardouin.

Je suis devenu pusillanime, scrupuleux.

Monsieur de Crancey.

Je vois ce que c’est : vous avez encore des vues sur madame de Vertillac, comme elle pourrait bien en avoir sur vous, et vous craignez…

Monsieur Hardouin.

Je crains les reproches de ma conscience, les vôtres ; mon âme est devenue timorée, je ne me reconnais pas. Ah ! si j’étais ce que je fus autrefois ! Et puis, je ne vois que des gens qui veulent la chose et qui ne veulent pas les moyens.

Monsieur de Crancey.

Je n’en suis pas.

Monsieur Hardouin.

Et vous me donneriez carte blanche ?