tement ces signes extérieurs d’après le modèle idéal le mieux conçu est le plus grand comédien.
Celui qui laisse le moins à imaginer au grand comédien est le plus grand des poètes.
J’allais le dire. Lorsque, par une longue habitude du théâtre, on garde dans la société l’emphase théâtrale et qu’on y promène Brutus, Cinna, Mithridate, Cornélie, Mérope, Pompée, savez-vous ce qu’on fait ? On accouple à une âme petite ou grande, de la mesure précise que Nature l’a donnée, les signes extérieurs d’une âme exagérée et gigantesque qu’on n’a pas ; et de là naît le ridicule.
La cruelle satire que vous faites là, innocemment ou malignement, des acteurs et des auteurs !
Comment cela ?
Il est, je crois, permis à tout le monde d’avoir une âme forte et grande ; il est, je crois, permis d’avoir le maintien, le propos et l’action de son âme, et je crois que l’image de la véritable grandeur ne peut jamais être ridicule.
Que s’ensuit-il de là ?
Ah, traître ! vous n’osez le dire, et il faudra que j’encoure l’indignation générale pour vous. C’est que la vraie tragédie est encore à trouver, et qu’avec leurs défauts les anciens en étaient peut-être plus voisins que nous.
Il est vrai que je suis enchanté d’entendre Philoctète dire si simplement et si fortement à Néoptolème, qui lui rend les flèches d’Hercule qu’il lui avait volées à l’instigation d’Ulysse : « Vois quelle action tu avais commise : sans t’en apercevoir, tu condamnais un malheureux à périr de douleur et de faim. Ton vol est le crime d’un autre, ton repentir est à toi. Non, jamais tu n’aurais pensé à commettre une pareille indignité si tu avais été seul. Conçois donc, mon enfant, combien il importe à ton