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ESSAI SUR LA PEINTURE.

Un portrait peut avoir l’air triste, sombre, mélancolique, serein, parce que ces états sont permanents ; mais un portrait qui rit est sans noblesse, sans caractère, souvent même sans vérité, et par conséquent une sottise. Le ris est passager. On rit par occasion ; mais on n’est pas rieur par état.

Je ne saurais m’empêcher de croire qu’en sculpture une figure qui fait bien ce qu’elle fait, ne fasse bien ce qu’elle fait, et par conséquent ne soit belle de tous côtés. La vouloir également belle de tous côtés, c’est une sottise. Chercher entre ses membres des oppositions purement techniques, y sacrifier la vérité rigoureuse de son action, voilà l’origine du style antithétique et petit. Toute scène a un aspect, un point de vue plus intéressant qu’aucun autre ; c’est de là qu’il faut la voir. Sacrifiez à cet aspect, à ce point de vue, tous les aspects, ou points de vue subordonnés ; c’est le mieux.

Quel groupe plus simple, plus beau que celui du Laocoon et de ses enfants ? Quel groupe plus maussade, si on le regarde par la gauche, de l’endroit où la tête du père se voit à peine, et où l’un des enfants est projeté sur l’autre ? Cependant le Laocoon est jusqu’à présent le plus beau morceau de sculpture connu.




CHAPITRE VI.


Mon mot sur l’architecture.

Il ne s’agit point ici, mon ami, d’examiner le caractère des différents ordres d’architecture ; encore moins de balancer les avantages de l’architecture grecque et romaine avec les prérogatives de l’architecture gothique ; de vous montrer celle-ci étendant l’espace au dedans par la hauteur des voûtes et la légèreté de ses colonnes ; détruisant au dehors l’imposant de la masse par la multitude et le mauvais goût des ornements ; de faire valoir l’analogie de l’obscurité des vitraux colorés, avec la nature incompréhensible de l’être adoré et les idées sombres de