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SUR LA PEINTURE.

y est toujours détruite par la variété des actions et des positions : elle n’existe pas même dans une figure vue de face et qui présente ses deux bras étendus. La vie et l’action d’une figure sont deux choses différentes. La vie est dans une figure en repos. Les artistes ont attaché au mot de mouvement une acception particulière. Ils disent d’une figure en repos, qu’elle a du mouvement, c’est-à-dire qu’elle est prête à se mouvoir.

*

L’harmonie du plus beau tableau n’est qu’une bien faible imitation de l’harmonie de la nature. Le plus grand effort de l’art consiste souvent à sauver la difficulté.

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C’est cet effet[1] qui caractérise en grande partie le technique ou le faire de chaque maître.

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Celui qui demande un tableau, plus il détaille le sujet, plus il est sûr d’avoir un mauvais tableau. Il ignore combien dans le maître le plus habile l’art est borné.

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Que m’importe que le Laocoon des statuaires soit antérieur ou non au Laocoon du poëte ? Il est certain que l’un a servi de modèle à l’autre.

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Tout étant égal d’ailleurs, j’aime mieux l’histoire que les fictions.

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La tête d’un homme sur le corps d’un cheval nous plaît ; la tête d’un cheval sur le corps d’un homme nous déplaira. C’est au goût à créer des monstres. Je me précipiterai peut-être entre les bras d’une syrène ; mais si la partie qui est femme était poisson, et celle qui est poisson était femme, je détournerais mes regards.

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Je crois qu’un grand artiste peut me montrer avec succès

  1. Effort (?)