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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/289

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juste et qui déteste Pigalle, avait été à Paris, et à la séance de l’Académie !…

Depuis que les pièces de poésie qui ont concouru ont été imprimées, on a fait ces deux vers à propos de celle de M. de Langeac :


Ordre à nos grands esprits de trouver ces vers beaux.
Signé Louis, et plus bas Phelippeaux.


Eh bien ! mademoiselle, voilà ma question ; et, si une de mes lignes vaut une page des vôtres, où en êtes-vous ? Quand serez-vous quitte ? Mais dormez sur cette dette ; j’ai de la conscience, et je sais qu’un grain d’or vaut une masse de billon.

Il y a quatre jours que Damilaville demeure rue Saint-Honoré ; il y en a trois que Mme Duclos est partie. Elle n’espère plus revoir son ami, et elle s’en est séparée désolée. C’est une belle et bonne âme. Elle a bien souffert. Mme de Meaux y était-elle, son malade la traitait précisément comme une garde. N’y était-elle pas, le ton honnête reprenait. J’allai le voir avant-hier. Il y avait la dame en question, sa fille, le joli doyen, Grimm, d’Alembert, Mme d’Épinay, je ne sais qui encore, et moi.

Chacun de ces oiseaux avait son ramage, et je vous jure que le voisinage de cette volière ne vous aurait pas déplu. On remarqua que la galanterie était en nature ; que les animaux étaient galants ; que l’homme devait avoir sa manière propre de l’être : et puis voilà les mœurs des différents peuples en jeu. Le sauvage, qui se grille avec des allumettes ; le Musulman, qui se taillade avec son couteau ; l’Espagnol, qui se transit sous une gouttière, la guitare à la main ; le Français, qui pirouette, siffle, persifle, montre sa jambe et ses dents. M. le doyen en est pour le physique bien pur, bien dégagé de toute la mauvaise morale de cette passion. C’est une affaire de la part des femmes : témoin ces rustres à larges épaules qui les traitent mal, et dont elles raffolent. Je croyais, moi, que les femmes ne leur restaient que parce qu’elles n’étaient jamais sûres d’en être aimées ; affaire de vanité. Ce texte mène loin, je les y laissai.

Je m’en revenais ; ce vent, à écorner les chèvres, ne soufflait plus ; il faisait doux, le ciel était étoilé, et je m’en réjouissais pour les promenades douces qu’il promettait à mes amies.