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VOYAGE

Rome. Le malade part pour Rome, d’où on l’envoie à Paris, d’où on l’envoie à Vienne, d’où on l’envoie je ne sais où, d’où on l’envoie à Londres où il arrive guéri. Les eaux les plus éloignées sont les plus salutaires, et le meilleur des médecins est celui après lequel on court et qu’on ne trouve point.

Si le voyage ne guérit pas, il prépare bien l’effet des eaux par le mouvement, le changement d’air et de climat, la distraction. Celui des eaux de Bourbonne est quelquefois très-prompt ; quelquefois aussi il est lent, et ne se fait sentir que plusieurs mois après qu’on en a quitté le lieu. C’est un espoir qui reste à ceux qu’elles n’ont pas soulagés. Ils se flattent de rencontrer au coin de leur foyer la santé qu’ils sont venus chercher ici. Que les hommes s’en imposent facilement sur ce qui les intéresse ! Les eaux de Bourbonne commencent souvent par accroître le malaise, un malade perd et recouvre alternativement l’espoir de guérir.

Elles se prennent en boisson, en douches et en bains. On use aussi des boues tirées du fond des bains.

Combien un homme éclairé sous la direction duquel seraient ces bains et les autres du royaume y tenterait d’expériences ! On fait à l’imitation de nature des bains purement artificiels. Combien l’art et la nature combinés n’en fourniraient-ils pas par l’intermède des sels mêlés aux eaux et par la variété des plantes qu’on y ferait pourrir ! Combien de qualités diverses ne pourrait-on pas donner aux boues ! Mais il faudrait que l’art cédât à la nature tout l’honneur des guérisons. Les bains seraient décriés, si l’on venait à soupçonner que l’industrie de l’homme eût quelque part à leur effet. On croirait ne quitter un médecin qu’on aurait à sa porte que pour en aller chercher un plus éloigné. O hommes ! O race bizarre !

Les eaux de Bourbonne, prises en boisson, passent pour purgatives, et le sont, pour fondantes, pour altérantes et pour stomachiques.

Quand elles cessent de purger, on les aide par un purgatif approprié à la maladie. On ordonne la panacée mercurielle dans les obstructions. La manne simple suffit dans d’autres cas.

On les boit le matin ; leur effet est de provoquer la sueur ; mais c’est, je crois, en qualité d’eaux chaudes.

Si l’on s’endort après les avoir bues, il est ordinaire qu’il