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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/257

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si l’impératrice… mais pourquoi non? Est-ce que les souverains n’ont point d’âme ?

Adieu, mon ami. Tout est dit. Portez-vous bien. Je vous embrasse de tout mon cœur. Embrassez MlleCollot pour moi, pour l’ami Grimm, pour l’ami Naigeon, pour beaucoup d’autres que j’ajouterais, si je ne craignais de vous fatiguer vous et elle de tant de baisers.

Il y a quelques jours que nous allâmes dîner dans la chaumière de la rue d’Anjou, le prince Galitzin, un M. de la Rivière que vous serez bien aise de connaître, Grimm et moi. La chaleur du jour nous chassa de dessous le berceau, et nous fit chercher le frais dans le petit atelier. En y entrant, je m’arrêtai tout court, et, tendant mes deux bras vers l’endroit où je l’avais vu travailler, je dis : « Où est-elle à présent ? où est-elle ? que fait-elle ? elle est bien sans doute où elle est, mais nous ne serions pas trop fâchés de la posséder un moment ici. »

Bonjour, mon ami ; bonjour mon amie. N’oubliez pas un homme qui vous chérit si tendrement.

À propos, mademoiselle Collot, je suis obsédé de monsieur votre père. Dites-moi comment vous désirez que j’en use avec lui ?

Tenez, mon ami, tout bien considéré, je crois que nous n’enverrons point Greuze en Russie. C’est un excellent artiste, mais une bien mauvaise tête. Il faut avoir ses dessins et ses tableaux et laisser là l’homme. Et puis sa femme est d’un consentement unanime, et quand je dis unanime, je n’en excepte ni le sien ni celui de son mari, une des plus dangereuses créatures qu’il y ait au monde.

Je ne désespérerais pas qu’un jour Sa Majesté Impériale ne l’envoyât faire un tour en Sibérie. Je vous dis clairement ici ce que je vous ai fait entendre plus haut.

Mlle Collot doit avoir reçu les emplettes que nous avons faites pour elle. En est-elle contente ? Nous serions bien fâchés qu’elle nous cassât aux gages.

J’aurais bien envie de vous causer ici un petit mot de Mme Geoffrin, mais cela me mènerait trop loin.

Votre bon ami l’amateur, M. de La Live, est devenu fou furieux. L’en auriez-vous cru menacé ? Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’on dit que c’est d’avoir trop fréquemment aimé sa femme.