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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/264

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Saint-Michel prochaine. Le prince la garde jusqu’à ce temps parce qu’elle est remplie d’effets qui lui appartiennent et à l’impératrice, parce qu’il a donné asile à une artiste prussienne, qui est venue de Berlin se faire recevoir à l’Académie[1]. Je ne vous dirai rien de son talent. Vous en jugerez vous-même par un tableau qui s’achemine vers Pétersbourg. Le sujet est un petit satyre qui surprend Antiope. Cette femme s’est mise au-dessus de tous préjugés. Elle s’est dit à elle-même : Je veux être peintre, je ferai donc pour cela tout ce qu’il faut faire ; j’appellerai la nature, sans laquelle on ne sait rien ; et elle a courageusement fait déshabiller le modèle. Elle a regardé l’homme nu. Vous vous doutez bien que les bégueules de l’un et l’autre sexe ne s’en sont pas tues. Elles les a laissé dire et elle a bien fait : qu’en pensez-vous, mademoiselle Collot ? Voilà une lettre de M. Collin, avec un certificat de vie qu’il m’a renvoyé. Le papier cachant l’empreinte du cachet et le cachet cachant la signature, il est sans autorité. J’ai reçu le manuscrit il y a longtemps, mais je vous jure, mon ami, que je n’en ai pas encore lu la première ligne. Ce n’est point par négligence de ma part ; ce n’est pas plus le désir qu’il soit supprimé. Si j’avais pris ce dernier parti, je vous l’aurais dit avec ma franchise ordinaire. Je le confiai au prince de Galitzin, qui me dit, il est vrai, qu’il y avait par-ci par-là des choses méprisantes, injurieuses, dures, qu’un ami ne disait jamais à son ami. Je le communiquai ensuite à Naigeon qui me le rendit en jetant feu et flammes. Je n’en crus ni le littérateur ni l’homme du monde. Je pensai, comme je pense encore, que ces honnêtes gens-là avaient la peau un peu trop tendre, qu’une petite égratignure suffisait pour les faire crier et je me réservai le droit d’en juger par moi-même, lorsque mes occupations, qui s’étaient accumulées pendant ma maladie, me laisseraient un quart d’heure à donner à cette lecture. Ne vous fâchez donc point, ne soyez pas impatient. Après avoir attendu si longtemps, vous m’accorderez bien encore un moment. Je compte aller passer quelques beaux jours à la campagne. Là, je reverrai cette dispute. S’il y a dans mes papiers la moindre chose qui puisse vous blesser, je la supprimerai. S’il y a dans les vôtres des choses que vous n’avez pas pu me dire sans manquer

  1. Mme Therbouche, dont il est maintes fois question dans les Salons.