Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/345

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de ce cheval vous importe peu, puisque cela n’a jamais été la question ; ou que si l’on veut absolument que le statuaire de ce mauvais cheval ait eu de bonnes raisons pour n’en pas faire un meilleur, vous y consentez de bon cœur ; et l’on se contentera ou l’on ne se contentera pas de cette réponse. Mais je suis sûr qu’il n’y aura qu’une voix sur la beauté du vôtre, quoique vous n’ayez omis aucun des moyens de partager les avis. Ah ! mon ami, que vous avez bien fait de vous en tirer aussi supérieurement ! car on ne vous eût pas pardonné la médiocrité ; et si vous voulez être de bonne foi, vous conviendrez qu’il faut plus de logique et plus de justice qu’on en a ordinairement pour ne s’y pas croire autorisé. J’oubliais de vous dire aussi que j’ai trouvé le plâtre que vous avez du cheval antique fort bien moulé, et qu’on y voit jusqu’aux moindres détails.

Je croyais n’avoir plus rien à ajouter à ce qui précède ; je me suis trompé. Sachez qu’on trouve assez singulier à Paris et à Pétersbourg que vous ayez confié à votre élève l’exécution d’une partie aussi intéressante de votre monument que la tête du héros.

Tous ceux qui en parlent si indiscrètement aiment mieux blâmer une chose très-sage que de se rappeler qu’elle est justifiée par l’exemple de plusieurs statuaires anciens. Le point essentiel est qu’un ouvrage soit le mieux qu’il est possible. Hé bien ! Mlle Collot sait mieux faire le portrait que vous. Pourquoi non ? Un bon peintre d’histoire se tirerait difficilement d’un portrait comme La Tour, qui, de son côté, ne tenterait pas une composition historique : chacun a son talent, d’autant plus restreint qu’il est grand.

Vous aviez fait mon buste ; Mlle Collot le fit une seconde fois après vous : vous fûtes curieux de comparer votre travail avec le sien. Voilà les deux bustes exposés sous vos yeux : le vôtre vous paraît médiocre en comparaison du sien ; vous prenez un marteau, et vous brisez votre ouvrage. Allez, mon ami, celui qui est capable de cet acte de justice est né pour beaucoup d’autres procédés que la multitude n’appréciera jamais bien.

Et ce pauvre Lossenko qui a dessiné votre monument, et qui disait qu’il fallait l’avoir copié pour en sentir tout le mérite, il n’est donc plus ! Quoique je n’aie pas eu le temps de le con-