Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

3°. Quand on a à refrapper les mêmes touches dans une note longue ou une tenue, que ce soit plûtôt au commencement de la mesure ou du tems fort, que dans un autre moment : en un mot, il faut ne rebattre qu’en bien marquant la mesure.

4°. Rien n’est si désagréable que ces traits de chant, ces roulades, ces broderies, que plusieurs accompagnateurs substituent à l’accompagnement. Ils couvrent la voix, gâtent l’harmonie, embrouillent le sujet, & souvent ce n’est que par ignorance qu’ils font les habiles mal-à-propos, pour ne savoir pas trouver l’harmonie propre à un passage. Le véritable accompagnateur va toûjours au bien de la chose, & accompagne simplement. Ce n’est pas que dans de certains vuides on ne puisse au défaut des instrumens placer quelque joli trait de chant : mais il faut que ce soit bien à propos, & toûjours dans le caractere du sujet. Les Italiens jouent quelquefois tout le chant au lieu d’accompagnement ; & cela fait assez bien dans leur genre de musique. Mais quoi qu’ils en puissent dire, il y a souvent plus d’ignorance que de goût dans cette maniere d’accompagner.

5°. On ne doit pas accompagner la Musique Italienne comme la Françoise. Dans celle-ci il faut soûtenir les sons, les arpéger gracieusement du bas en haut ; s’attacher à remplir l’harmonie, à joüer proprement la basse : car les Compositeurs François lui donnent aujourd’hui tous les petits ornemens & les tours de chant des dessus. Au contraire, en accompagnant de l’Italien, il faut frapper simplement les notes de la basse, n’y faire ni cadences, ni broderie, lui conserver la marche grave & posée qui lui convient : l’accompagnement doit être sec & sans arpéger. On y peut retrancher des sons sans scrupule ; mais il faut bien choisir ceux qu’on fait entendre. Les Italiens font peu de cas du bruit ; une tierce, une sixte bien adaptée, même un simple unisson, quand le bon goût le demande, leur plaisent plus que tout notre fracas de parties & d’accompagnement : en un mot, ils ne veulent pas qu’on entende rien dans l’accompagnement, ni dans la basse, qui puisse distraire l’oreille du sujet principal, & ils sont dans l’opinion que l’attention s’évanoüit en se partageant.

6°. Quoique l’accompagnement de l’orgue soit le même que celui du clavecin, le goût en est différent. Comme les sons y sont soûtenus, leur marche doit être plus douce & moins sautillante. Il faut lever la main entiere le moins qu’on peut, faire glisser les doigts d’une touche à l’autre sans lever ceux qui, dans la place où ils sont, peuvent servir à l’accord où l’on passe ; rien n’est si désagréable que d’entendre sur l’orgue cette espece d’accompagnement sec & détaché, qu’on est forcé de pratiquer sur le clavecin. Voyez le mot Doigter.

On appelle encore accompagnement toute partie de basse ou autre instrument, qui est composée sur un chant principal pour y faire harmonie. Ainsi un solo de violon s’accompagne du violoncelle ou du clavecin, & un accompagnement de flûte se marie fort bien à la voix ; cette harmonie ajoûte à l’agrément du chant : il y a même par rapport aux voix une raison particuliere pour les faire toûjours accompagner de quelques instrumens : car quoique plusieurs prétendent qu’en chantant on modifie naturellement sa voix selon les lois du tempérament, cependant l’expérience nous montre que les voix les plus justes & les mieux exercées, ont bien de la peine à se maintenir long tems dans le même ton quand rien ne les y soûtient. A force de chanter on monte ou l’on descend insensiblement, & en finissant, rarement se trouve-t-on bien juste dans le même ton d’où l’on étoit parti. C’est en vûe d’empêcher ces variations que l’harmonie d’un instrument est employée pour maintenir toûjours la voix dans

le même diapason, ou pour l’y rappeller promptement lorsqu’elle s’en égare. V. Basse continue. (S)

Accompagnement se dit, en Peinture, des objets qui sont ajoûtés, ou pour l’ornement, ou pour la vraissemblance. Il est naturel que dans un tableau représentant des chasseurs, on voie des fusils, des chiens, du gibier, & autres équipages de chasse : mais il n’est pas nécessaire pour le vraissemblable qu’on y en mette de toutes les especes ; lorsqu’on les y introduit, ce sont des accompagnemens qui ornent toûjours beaucoup un tableau. On dit d’un tableau représentant des chasseurs : il faudroit à ce tableau quelque accompagnement, comme de fusils, gibier, &c. On dit de beaux accompagnemens. Cette chose accompagne bien cette partie, ce groupe, &c. (R)

ACCOMPAGNER, terme de Soierie, c’est l’action de passer l’accompagnage. Voyez Accompagnage.

ACCOMPLISSEMENT, s. m. signifie l’exécution, l’achevement, le succès d’une chose qu’on se proposoit de faire ou qu’on a entreprise.

Ce mot vient du latin ad & complere, remplir.

L’accomplissement des Prophéties de l’ancien Testament dans la personne du Sauveur, démontre assez clairement qu’il étoit le Messie. V. Prophétie.

L’accomplissement d’une Prophétie peut se faire, ou directement, ou par accommodation.

Car une même Prophétie peut avoir plusieurs accomplissemens en différens tems : telle est, par exemple, celle que Jesus-Christ fait touchant la ruine de Jérusalem, laquelle doit avoir un second accomplissement dans le tems qui précédera immédiatement le jugement dernier.

Ce principe n’est pas universel, & pourroit même être dangereux à bien des égards, en retombant dans le système de Grotius sur l’accomplissement des Prophéties. Il faut donc dire que l’accomplissement du sens littéral d’une Prophétie est son accomplissement direct, & que l’accomplissement du sens figuré d’une Prophétie est son accomplissement par accommodation. Ce n’est qu’entant que les Prophéties ont été accomplies à la lettre dans la personne de Jesus-Christ, qu’elles prouvent qu’il est le Messie. Quant à l’accomplissement d’accommodation, il ne fait preuve qu’autant qu’il est contenu ou clairement indiqué dans les Ecritures, ou constamment enseigné par la tradition ; car on n’ignore pas jusqu’où peut aller sur cette matiere le fanatisme & le déreglement d’imagination, quand on veut interpréter le sens des Prophéties, & en fixer l’accomplissement à sa fantaisie. Les systèmes extravagans de Joseph Mede & du Ministre Jurieu sur celles de l’Apocalypse, & le succès ridicule qu’ont eu leurs visions, devroient bien guérir les Théologiens de cette manie. Ceux qui sont persuadés que l’esprit humain n’est pas plus capable par lui-même de fixer l’accomplissement d’une Prophétie, que de prédire l’avenir d’une maniere sûre & circonstanciée, s’en tiendront toûjours à cette regle : Omnis Prophetia scripturæ propriâ interpretations non fit. Voyez Sens littéral, Sens figuré, Prophétie, Semaines, &c.

Nous ajoûtons cependant qu’il y a des Prophéties qui s’accomplissent en partie dans un premier sens, & par rapport à un certain objet, & qui n’ont leur parfait accomplissement que dans un autre. Telles sont les prédictions de la ruine de Jérusalem, & quelques-unes de celles de l’Apocalypse. (G)

ACCON, s. m. petit bateau à fond plat dont on se sert dans le pays d’Aunix pour aller sur la vase, après que la mer s’est retirée. (Z)

ACCORD, s. m. en Droit, soit en matiere civile, soit en matiere criminelle, signifie un accommodement entre les parties contestantes, au moyen de ce que l’une des deux parties fait des offres que l’autre