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donné la description dans son ouvrage intitulé la Statique des végétaux & l’analyse de l’air.

2°. Une autre propriété de l’air, c’est que par son moyen les corps terrestres qui sont en feu, continuent de bruler jusqu’à ce que toutes les parties qui peuvent contenir du feu, soient consumées ; au contraire les vapeurs & les exhalaisons éteignent dans l’instant le feu le plus vif, de même que l’éclat des charbons & du fer ardent. Ces mêmes vapeurs, bien loin d’être nécessaires à la respiration, comme l’air, y nuisent souvent, & quelquefois suffoquent. Témoin l’effet du soufre allumé, & celui de la grotte d’Italie, où un chien est suffoqué en un clin d’œil.

3°. Si l’air n’est pas un fluide différent des vapeurs & des exhalaisons, pourquoi reste-t-il tel qu’il étoit auparavant, après une grosse pluie mêlée d’éclairs & de tonnerre ? En effet, lorsqu’il fait des éclairs, les exhalaisons se mettent en feu, & tombent sur la terre en forme de pluie avec les vapeurs : mais après la pluie, on ne remarque pas qu’il soit arrivé aucun changement à l’air, si ce n’est qu’il se trouve purifié ; il doit donc être différent des exhalaisons terrestres. Mussch. Essai de Phys.

Quant à la nature & la substance de l’air, nous n’en savons que bien peu de chose ; ce que les Auteurs en ont dit jusqu’à présent n’étant que de pures conjectures. Il n’y a pas moyen d’examiner l’air seul & épuré de toutes les matieres qui y sont mêlées ; & par conséquent on ne peut pas dire quelle est sa nature particuliere, abstraction faite de toutes les matieres hétérogenes parmi lesquelles il est confondu.

Le Docteur Hook veut que ce ne soit rien autre chose que l’éther même, ou cette matiere fluide & active, répandue dans tout l’espace des régions célestes ; ce qui répond au medium subtile, ou milieu subtil de Newton. Voyez Éther, Milieu.

Considéré comme tel, on en fait une substance sui generis, qui ne dérive d’aucune autre, qui ne peut être engendrée, qui est incorruptible, immuable, présente en tous lieux, dans tous les corps, &c. D’autres s’attachent à son élasticité, qu’ils regardent comme son caractere essentiel & distinctif ; ils supposent qu’il peut être produit & engendré, & que ce n’est autre chose que la matiere des autres corps, devenue par les changemens qui s’y sont faits, susceptible d’une élasticité permanente. M. Boyle nous rapporte plusieurs expériences qu’il a lui-même faites sur la production de l’air : ce Philosophe appelle produire de l’air, tirer une quantité d’air sensible de corps où il ne paroissoit pas y en avoir du tout, du moins où il paroissoit y en avoir moins que ce qui en a été tiré. Il observe que parmi les différentes méthodes propres à cet effet, les meilleures sont la fermentation, la corrosion, la dissolution, la décomposition, l’ébullition de l’eau & des autres fluides, & l’action réciproque des corps, surtout des corps salins, les uns sur les autres. Hist. de l’air. Il ajoûte que les différens corps solides & minéraux, dans les parties desquels on ne soupçonneroit pas la moindre élasticité, étant plongés dans des menstrues corrosifs, qui ne soient point élastiques non plus, on aura cependant au moyen de l’atténuation des parties, causée par leur froissement, une quantité considérable d’air élastique. Voyez Ibid.

Newton est du même sentiment. Selon ce Philosophe, les particules d’une substance dense, compacte & fixe, adhérentes les unes aux autres par une puissante force attractive, ne peuvent être séparées que par une chaleur violente, & peut-être jamais sans fermentation ; & ces corps raréfiés à la fin par la chaleur ou la fermentation, se transforment en un air vraiment élastique. Voyez l’Optique de Newton. Sur ce principe, il ajoûte que la poudre à canon produit de l’air par son explosion. Ibid.

Voilà donc non-seulement des matériaux pour produire de l’air, mais aussi la méthode d’y procéder : en conséquence de quoi on divise l’air en réel ou permanent, & en apparent ou passager. Car pour se convaincre que tout ce qui paroît air ne l’est pas pour cela, il ne faut que l’exemple de l’éolipile, où l’eau étant suffisamment raréfiée par le feu, sort avec un siflement aigu, sous la forme d’une matiere parfaitement semblable à l’air ; mais bientôt après perd cette ressemblance, surtout au froid, & redevient eau par la condensation, telle qu’elle étoit originairement. On peut observer la même chose dans l’esprit de vin, & autres esprits subtils & fugitifs qu’on obtient par la distillation ; au lieu que l’air réel ne se peut réduire ni par la compression, ni par la condensation ou autre voie, en aucune autre substance que de l’air. Voyez Eolipile.

On peut donc faire prendre à l’eau pour quelque tems l’apparence de l’air : mais elle reprend bientôt la sienne. Il en est de même des autres fluides ; la plus grande subtilisation qu’on y puisse produire, est de les réduire en vapeurs, lesquelles consistent en un fluide extrèmement raréfié, & agité d’un mouvement fort vif. Car pour qu’une substance soit propre à devenir un air permanent, il faut, dit-on, qu’elle soit d’une nature fixe ; autrement elle ne sauroit subir la transmutation qu’il faudroit qui s’y fît ; mais elle s’envole & se dissipe trop vîte. Ainsi la différence entre l’air passager & l’air permanent, répond à celle qui est entre les vapeurs & les exhalaisons, qui consiste en ce que celles-ci sont seches, & celles-là humides, &c. Voyez Vapeur & Exhalaison

La plûpart des Philosophes font consister l’élasticité de l’air dans la figure de ses particules. Quelques-uns veulent que ce soit de petits floccons semblables à des touffes de laine ; d’autres les imaginent tournées en rond comme des cerceaux, ou roulées en spirale comme des fils d’archal, des copeaux de bois, ou le ressort d’une montre, & faisant effort pour se rétablir en vertu de leur contexture ; de sorte que pour produire de l’air, il faut, selon eux, produire des particules disposées de cette maniere, & qu’il n’y a de corps propres à en produire, que ceux qui sont susceptibles de cette disposition. Or c’est dequoi, ajoûtent-ils, les fluides ne sont pas susceptibles, à cause du poli, de la rondeur, & de la lubricité de leurs parties.

Mais Newton, (Opt. p. 371.) propose un système différent : il ne trouve pas cette contexture des parties suffisante pour rendre raison de l’élasticité surprenante qu’on observe dans l’air, qui peut être raréfié au point d’occuper un espace un million de fois plus grand que celui qu’il occupoit avant sa raréfaction. Or comme il prétend que tous les corps ont un pouvoir attractif & répulsif, & que ces deux qualités sont d’autant plus fortes dans les corps, qu’ils sont plus denses, plus solides, & plus compacts ; il en conclut que quand par la chaleur, ou par l’effet de quelqu’autre agent, la force attractive est surmontée, & les particules du corps écartées au point de n’être plus dans la sphere d’attraction, la force répulsive commençant à agir, les fait éloigner les unes des autres avec d’autant plus de force qu’elles étoient plus étroitement adhérentes entre elles, & ainsi il s’en forme un air permanent. C’est pourquoi, dit le même Auteur, comme les particules d’air permanent sont plus grossieres, & formées de corps plus denses que celles de l’air passager ou des vapeurs, le véritable air est plus pesant que les vapeurs, & l’atmosphere humide plus légere que l’atmosphere seche. Voyez Attraction, Répulsion, &c.

Mais, après tout, il y a encore lieu de douter si