fluides dans les vaisseaux capillaires, &c.
Cette même cause empêche les fluides de transpirer & de s’échapper à travers les pores des vaisseaux qui les contiennent. C’est ce qu’éprouvent les voyageurs à mesure qu’ils montent des montagnes élevées : ils se sentent lâches de plus en plus à mesure qu’ils avancent vers le haut ; & à la longue, il leur vient un crachement de sang ou d’autres hémorrhagies ; & cela parce que l’air ne presse pas suffisamment sur les vaisseaux des poulmons. On voit la même chose arriver aux animaux enfermés sous le récipient de la machine pneumatique : à mesure qu’on en pompe l’air, ils s’enflent, vomissent, bavent, suent, lâchent leur urine & leurs autres excrémens, &c. Voyez Vuide.
2°. C’est à ces deux mêmes qualités de l’air, la pesanteur & la fluidité, qu’est dû le mêlange des corps contigus les uns aux autres, & singulierement des fluides. Ainsi plusieurs liquides, comme les huiles & les sels qui dans l’air se mêlent promptement & d’eux-mêmes, ne se mêleront point, s’ils sont dans le vuide.
3°. En conséquence de ces deux mêmes qualités, l’air détermine l’action d’un corps sur un autre. Ainsi le feu qui brûle du bois s’éteint, & la flamme se dissipe, si l’on retire l’air ; parce qu’alors il n’y a plus rien qui puisse appliquer les corpuscules du feu contre ceux de la substance combustible, & empêcher la dissipation de la flamme. La même chose arrive à l’or en dissolution dans l’eau régale. Ce menstrue cesse d’agir sur le métal dès qu’on a retiré l’air ; & c’est en conséquence de cette faculté déterminante de l’air, que Papin a imaginé le digestoire qui porte son nom. Voyez Digestoire.
C’est aussi pour cela que sur les sommets des plus hautes montagnes, comme sur le Pic de Ténérif, les substances qui ont le plus de saveur, comme le poivre, le gingembre, le sel, l’esprit de vin, sont presque insipides ; car faute d’un agent suffisant qui applique leurs particules sur la langue & qui les fasse entrer dans ses pores, elles sont chassées & dissipées par la chaleur même de la bouche. La seule substance qui y retienne sa saveur est le vin de Canarie ; ce qui vient de sa qualité onctueuse qui le fait adhérer fortement au palais, & empêche qu’il n’en puisse être écarté aisément.
Ce même principe de gravité produit aussi en partie les vents, qui ne sont autre chose qu’un air mis en mouvement par quelque altération dans son équilibre. Voyez Vent.
III. Une autre qualité de l’air d’où résultent un grand nombre de ses effets, & dont nous avons déjà parlé, est son élasticité ; par laquelle il cede à l’impression des autres corps en rétrécissant son volume, & se rétablit ensuite dans la même forme & la même étendue en écartant ou affoiblissant la cause qui l’avoit resserré. Cette force élastique est une des propriétés distinctives de l’air ; les deux autres propriétés dont nous avons parlé plus haut, lui étant communes avec les autres fluides.
Une infinité de preuves nous convainquent que l’air a cette faculté. Si par exemple on presse avec la main une vessie soufflée, on trouve une résistance sensible dans l’air qui y est enfermé ; & si l’on cesse de la comprimer, la partie qui étoit comprimée se tend & se remplit aussitôt.
C’est de cette propriété de l’air que dépend la structure & l’usage de la Machine pneumatique. Voyez Machine pneumatique.
Chaque particule d’air fait un continuel effort pour se dilater, & ainsi lutte contre les particules voisines qui en font aussi un semblable : mais si la résistance vient à cesser ou à s’affoiblir, à l’instant la particule dégagée se raréfie prodigieusement. C’est
ce qui fait que si l’on enferme sous le récipient de la Machine pneumatique de petites balles de verre minces, ou des vessies pleines d’air & bien fermées, & qu’ensuite on pompe l’air, elles y crevent par la force de l’air qu’elles contiennent. Si l’on met sous le récipient une vessie toute flasque, qui ne contienne que très-peu d’air ; lorsqu’on vient à pomper l’air, elle s’y enfle & paroît toute pleine. La même chose arrivera si l’on porte une vessie flasque sur le sommet d’une haute montagne.
Cette même expérience fait voir d’une maniere évidente, que l’élasticité des corps solides est fort différente de la vertu élastique de l’air, & que les corps solides & élastiques se dilatent tout autrement que l’air. En effet, lorsque l’air cesse d’être comprimé, non-seulement il se dilate, mais il occupe alors un plus grand espace, & reparoît sous un plus grand volume qu’auparavant ; ce qu’on ne remarque pas dans les corps solides & élastiques, qui reprennent seulement la figure qu’ils avoient avant que d’être comprimés.
L’air tel qu’il est tout proche de notre globe se raréfie de telle maniere que son volume est toûjours en raison inverse des poids qui le compriment, c’est-à-dire, que si l’air pressé par un certain poids, occupe un certain espace, ce même air pressé par un poids qui ne soit que la moitié du précédent, occupera un espace double de celui qu’il occupoit dans le premier cas. M. Boyle & M. Mariotte ont établi cette regle par des expériences. La même regle a lieu lorsqu’on comprime l’air, comme M. Mariotte l’a fait voir aussi. Cependant il ne faut pas regarder cette regle comme parfaitement exacte ; car en comprimant l’air bien fortement, & le réduisant à un volume quatre fois plus petit, l’effet ne répond plus à la regle donnée par M. Mariotte ; cet air commence alors à faire plus de résistance, & a besoin pour être comprimé davantage ; d’un poids plus grand que la regle ne l’exige. En effet pour peu qu’on y fasse attention, on verra qu’il est impossible que la regle soit exactement vraie : car lorsque l’air sera si fort comprimé que toutes ses parties se toucheront & ne formeront qu’une seule masse solide, il n’y aura plus moyen de comprimer davantage cette masse, puisque les corps sont impénétrables. Il n’est pas moins évident que l’air ne sauroit se raréfier à l’infini, & que sa raréfaction a des bornes ; d’où il s’ensuit que la regle des raréfactions en raison inverse des poids comprimans, n’est pas non plus entierement exacte : car il faudroit suivant cette regle, qu’à un degré quelconque de raréfaction de l’air, on trouvât un poids correspondant qui empêcheroit cette raréfaction d’être plus grande. Or lorsque l’air est raréfié le plus qu’il est possible, il n’est alors chargé d’aucun poids, & il occupe cependant un certain espace.
On ne sauroit assigner de bornes précises à l’élasticité de l’air, ni la détruire ou altérer aucunement. M. Boyle a fait plusieurs expériences pour voir s’il pourroit affoiblir le ressort d’un air extrèmement raréfié dans la Machine pneumatique, en le tenant long-tems comprimé par un poids dont il est étonnant qu’il soûtînt la force pendant un seul instant : & après tout ce tems il n’a point vû de diminution sensible dans son élasticité. M. de Roberval ayant laissé un fusil à vent chargé pendant 16 ans d’air condensé, cet air mis enfin en liberté, poussa une balle avec autant de force, qu’auroit pû faire un air tout récemment condensé.
Cependant M. Hawksbée a prétendu prouver par une expérience qu’il a faite depuis, que le ressort de l’air peut être tellement dérangé par une violente pression, qu’il ne puisse plus se rétablir qu’au bout de quelque tems. Il prit pour cet effet un vaisseau de cuivre bien fort, dans lequel il versa d’abord une