Casseneuve dit qu’elle est aussi difficile à découvrir que la source du Nil. Il y a peu de langues en Europe à laquelle quelque étymologiste n’en ait voulu faire honneur. Mais ce qui paroît de plus vraissemblable à ce sujet, c’est que ce mot est François d’origine.
Bollandus définit l’alleu, prædium, seu quævis possessio libera jurisque proprii, & non in feudum clientelari onere accepta. Voyez Fief.
Après la conquête des Gaules, les terres furent divisées en deux manieres, savoir en bénéfices & en alleus, beneficia & allodia.
Les bénéfices étoient les terres que le Roi donnoit à ses Officiers & à ses Soldats, soit pour toute leur vie, soit pour un tems fixe. Voyez Bénéfice.
Les alleus étoient les terres dont la propriété restoit à leurs anciens possesseurs ; le soixante-deuxieme titre de la Loi Salique est de allodis : & là ce mot est employé pour fonds héréditaire, ou celui qui vient à quelqu’un, de ses peres. C’est pourquoi alleu & patrimoine sont souvent pris par les anciens Jurisconsultes pour deux termes synonymes. Voyez Patrimoine.
Dans les Capitulaires de Charlemagne & de ses successeurs, alleu est toûjours opposé à fief : mais vers la fin de la deuxieme race les terres allodiales perdirent leurs prérogatives ; & les Seigneurs fieffés obligerent ceux qui en possédoient à les tenir d’eux à l’avenir. Le même changement arriva aussi en Allemagne. Voyez Fief & Tenure.
L’usurpation des Seigneurs fieffés sur les terres allodiales alla si loin, que le plus grand nombre de ces terres leur furent assujetties ; & celles qui ne le furent pas, furent du moins converties en fiefs : delà la maxime que, nulla terra sine Domino, nulle terre sans Seigneur.
Il y a deux sortes de franc-alleu, le noble & le roturier.
Le franc-alleu noble est celui qui a justice, censive, ou fief mouvant de lui ; le franc-alleu roturier est celui qui n’a ni justice, ni aucunes mouvances.
Par rapport au franc-alleu, il y a trois sortes de Coûtumes dans le Royaume ; les unes veulent que tout héritage soit réputé franc, si le Seigneur dans la justice duquel il est situé, ne montre le contraire : tels sont tous les pays de droit écrit, & quelques portions du pays coûtumier. Dans d’autres le franc-alleu n’est point reçû sans titre ; & c’est à celui qui prétend posséder à ce titre, à le prouver. Et enfin quelques autres ne s’expliquent point à ce sujet ; & dans ces dernieres on se regle par la maxime générale admise dans tous les pays coûtumiers, qu’il n’y a point de terre sans Seigneur, & que ceux qui prétendent que leurs terres sont libres, le doivent prouver, à moins que la Coûtume ne soit expresse au contraire.
Dans les Coûtumes même qui admettent le franc-alleu sans titre, le Roi & les Seigneurs sont bien fondés à demander que ceux qui possedent des terres en franc-alleu aient à leur en donner une déclaration, afin de connoître ce qui est dans leur mouvance, & ce qui n’y est pas. (H)
ALLEVURE, s. f. (Commerce.) petite monnoie de cuivre, la plus petite qui se fabrique en Suede : sa valeur est au-dessous du denier tournois ; il faut deux allevûres pour un roustique. Voyez Roustique.
ALLIAGE, s. m. (Chimie.) signifie le mêlange de différens métaux. Alliage se dit le plus souvent de l’or & de l’argent qu’on mêle séparément avec du cuivre ; & la différente quantité de cuivre qu’on mêle avec ces métaux, en fait les différens titres.
L’alliage de l’or & de l’argent se fait le plus souvent pour la monnoie & pour la vaisselle.
L’alliage de la monnoie se fait pour durcir l’or & l’argent, & pour payer les frais de la fabrique de la monnoie, & pour les droits des Princes. L’alliage de la vaisselle se fait pour durcir l’or & l’argent.
L’alliage est différent dans les différentes Souverainetés, par la différente quantité de cuivre avec laquelle on le fait. L’alliage de la monnoie d’argent d’Espagne differe de celui des monnoies des autres pays, en ce qu’il se fait avec le fer.
Tout alliage durcit les métaux ; & même un métal devient plus dur par l’alliage d’un métal plus tendre que lui : mais l’alliage peut rendre, & il rend quelquefois les métaux plus ductiles, plus extensibles ; on le voit par l’alliage de la pierre calaminaire avec le cuivre rouge, qui fait le cuivre jaune. De l’or & de l’argent sans alliage ne seroient pas aussi extensibles que lorsqu’il y en a un peu.
L’alliage rend les métaux plus faciles à fondre, qu’ils ne le sont naturellement.
L’alliage des métaux est quelquefois naturel lorsqu’il se trouve des métaux différens dans une même mine, comme lorsqu’il y a du cuivre dans une mine d’argent.
Le fer est très-difficile à allier avec l’or & l’argent : mais lorsqu’il y est une fois allié, il est aussi difficile de l’en ôter.
L’alliage du mercure avec les autres métaux se nomme amalgame. Voyez Amalgame. Lorsqu’on allie le mercure en petite quantité avec les métaux, qu’il ne les amollit point, & qu’au contraire il les durcit, on se sert aussi du terme d’alliage, pour signifier ce mêlange du mercure avec les métaux ; & cet alliage se fait toûjours par la fusion, au lieu que l’amalgame se fait souvent sans fusion. Voyez Allier, Mercure. (M)
Tout le monde connoît la découverte d’Archimede sur l’alliage de la couronne d’or d’Hieron, Roi de Syracuse. Un ouvrier avoit fait cette couronne pour le Roi, qui la soupçonna d’alliage, & proposa à Archimede de le découvrir. Ce grand Géometre y rêva long-tems sans pouvoir en trouver le moyen ; enfin étant un jour dans le bain, il fit réflexion qu’un corps plongé dans l’eau perd une quantité de son poids égale au poids d’un pareil volume d’eau. Voyez Hydrostatique. Et il comprit que ce principe lui donneroit la solution de son probleme. Il fut si transporté de cette idée, qu’il se mit à courir tout nud par les rues de Syracuse en criant, εὐρήκα, je l’ai trouvé.
Voici le raisonnement sur lequel porte cette solution : s’il n’y a point d’alliage dans la couronne, mais qu’elle soit d’or pur, il n’y a qu’à prendre une masse d’or pur, dont on soit bien assûré, & qui soit égale au poids de la couronne, cette masse devra aussi être du même volume que la couronne ; & par conséquent ces deux masses plongées dans l’eau doivent y perdre la même quantité de leur poids. Mais s’il y a de l’alliage dans la couronne, en ce cas la masse d’or pur égale en poids à la couronne, sera d’un volume moindre que cette couronne, parce que l’or pur est de tous les corps celui qui contient le plus de matiere sous un moindre volume ; donc la masse d’or plongée dans l’eau, perdra moins de son poids que la couronne.
Supposons ensuite que l’alliage de la couronne soit de l’argent, & prenons une masse d’argent pur égale en poids à la couronne, cette masse d’argent sera d’un plus grand volume que la couronne, & par conséquent elle perdra plus de poids que la couronne étant plongée dans l’eau : cela posé, voici comme on résout le problème. Soit P le poids de la couronne, x le poids de l’or qu’elle contient, y le poids de l’argent, p le poids que perd la masse d’or dans l’eau,