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cette cornue dans un bain de sable ; ajustez-y un récipient ; luttez les jointures, & donnez un feu modéré : il distillera une matiere épaisse, qui est le beurre d’antimoine. Il prend ensuite une consistance huileuse, & comme glacée ; ce qui lui a fait donner le nom d’huile glaciale d’antimoine.

Cette huile est quelquefois si épaisse qu’elle ne coule point, & s’amasse dans le col de la cornue ; alors il en faut approcher un charbon. Si on laisse le mêlange de sublimé & de régule exposé à l’air avant que de distiller, on aura un beurre plus liquide.

Quand on appercevra des vapeurs rouges, il faudra déluter les jointures du récipient, & augmenter le feu. Il passera des vapeurs qui se congeleront dans l’eau qu’on aura mise dans le second récipient : ce sera du mercure coulant revivifié du sublimé corrosif.

Si on réitere la distillation du beurre d’antimoine, il vient plus clair, & l’on a ce que l’on appelle le beurre d’antimoine rectifié. Plus il est rectifié, plus il est clair.

Il est d’une nature très-ignée & corrosive, au point d’être un poison lorsqu’on l’avale : on s’en sert à l’extérieur comme d’un caustique, afin d’arrêter le progrès des gangrenes, des caries, des cancers, &c. Voyez Caustique.

Digéré avec trois fois son poids de très-fine poudre, il fait la teinture de pourpre antimoine, secret infiniment estimé par M. Boyle, comme un souverain vomitif.

Le même beurre se précipite au moyen de l’eau chaude en poudre blanche, pesante, ou chaux appellée mercurius vitæ, & poudre d’algaroth, qui est censé un violent émétique. Voyez Algaroth.

Du beurre d’antimoine se prépare aussi le bésoard minéral, en dissolvant le beurre corrigé avec l’esprit de nitre : ensuite séchant la matiere dissoute, appliquant encore de l’esprit de nitre, & le réitérant une troisieme fois, la poudre blanche qui demeure enfin entretenue presque rouge environ demi-heure, est le bezoardicum minerale. Voyez Besoard.

* Antimoine (Cinabre d’) : prenez trois parties de sublimé corrosif, & deux d’antimoine crud, le tout réduit en poudre & mêlé ; mettez le mêlange dans une cornue dont la moitié reste vuide ; & après y avoir ajusté un récipient, donnez un feu doux d’abord, qui fera distiller le beurre d’antimoine. Quand vous appercevrez les vapeurs rouges, délutez, & changez de récipient : poussez le feu dessus & dessous la cornue, jusqu’à ce qu’elle rougisse, dans l’intervalle de trois heures : laissez ensuite éteindre le feu, & refroidir les vaisseaux. Cela fait, vous trouverez le cinabre d’antimoine sublimé à la partie supérieure de la cornue vers son cou : mettez ce cinabre sur un feu de sable en digestion ; il deviendra plus rouge & plus parfait.

Si vous faites fondre du beurre d’antimoine en l’approchant du feu, & que vous le versiez dans l’eau chaude, il s’y dissoudra, l’eau se troublera & blanchira ; ensuite il se précipitera une espece de poussiere blanche : décantez la liqueur ; lavez la poussiere qui reste au fond dans plusieurs eaux ; faites la sécher, & vous aurez la poudre d’Algeroth, & selon d’autres, d’Algaroth. C’est Victor Algeroth, Medecin de Verone, qui est l’auteur de cette poudre, qu’on appelle aussi mercure de vie & poudre angélique. Elle purge violemment ; & l’on peut y recourir quand les autres émétiques ont été employés sans effet. Sa dose est depuis un grain jusqu’à huit dans les maladies soporeuses, l’apoplexie, l’épilepsie, &c. Voyez à Besoard minéral cette préparation d’antimoine.

* Antimoine (fleur d’) est un antimoine pulvérisé & sublimé dans un aludel ; ses parties volatiles s’attachent au pot à sublimer. Voyez Fleur & Sublimation.

C’est de plus un puissant vomitif, d’une singuliere, efficacité dans les cas de manie, & le grand remede à quoi plusieurs sont redevables de leur grande réputation.

On fait une autre sorte de fleur de régule d’antimoine avec le sel antimonial sublimé comme devant ; ce qui fait un remede tant soit peu plus doux que le précédent. Van-Helmont nous donne aussi une préparation de fleurs d’antimoine purgatives. V. Diaphorétique minéral.

Antimoine (Fleurs de régule martial d’). Ces fleurs sont sudorifiques & diaphorétiques ; on en fait usage dans les fievres malignes & éruptoires, & toutes les fois qu’il est besoin de pousser par la peau. On les ordonne aussi dans les fievres intermittentes peu de tems avant l’accès. La dose est de dix grains.

Mais souvent ce remede excite le vomissement, & n’est pas si sûr qu’on le pense. (N)

Antimoine (Fleurs fixes d’), ou purgatif de Van-Helmont. Prenez dix-huit grains d’antimoine diaphorétique, seize grains de résine de scammonée, sept grains de creme de tartre ; faites du tout une poudre menue.

Cette poudre se prend sans la mêler avec aucun acide ; & si elle faisoit trop d’effet, on modéreroit son action par le moyen d’un acide. On doit la donner avant l’accès des fievres intermittentes, & ménager si bien le tems, que son opération finisse un instant avant le tems que l’accès a coûtume de venir. Elle guérit toûjours la fievre quarte, si l’on en croit Van-Helmont, avant la quatrieme prise, & toutes les fievres intermittentes & continues. Mais ses effets ne sont pas si surprenans que ce Chimiste l’a fait accroire. (N)

* Antimoine (La céruse ou chaux d’) est le régule distillé avec de l’esprit de nitre dans un fourneau de sable ; ce qui demeure après que toutes les fumées sont épuisées, est une poudre blanche, qui étant doucement lavée, est la céruse que l’on cherche. Elle est diaphorétique, & plusieurs la mettent sur le même pié que le bésoard minéral.

* Antimoine revivifié, antimonium ressuscitatum, se prépare avec des fleurs d’antimoine, & le sel ammoniac digéré en vinaigre distillé, ensuite exhalé, & le demeurant adouci par l’ablution : il est émétique, quelquefois sudorifique, & bon dans les cas de manie.

Toutes ces préparations d’antimoine, quelque âpre qu’il soit tout seul, peuvent néanmoins être gouvernées de sorte qu’elles n’operent que peu ou insensiblement. L’effet n’en sera apperçû que quand elles auront passé dans les plus petits vaisseaux ; & c’est alors qu’elles ont la vertu de combattre la goutte, la vérole & les écrouelles, &c. Voyez Purgatif.

Antimoine (Magistere d’). Le magistere ou précipité d’antimoine fait par l’esprit de nitre, étant bien édulcoré par plusieurs effusions d’eaux bouillantes, purge & fait vomir comme le kermès, à la dose de trois ou quatre grains ; & le même magistere fait avec l’eau régale ordinaire, étant de même bien lavé, purge par les selles à la même dose ; & donné à la dose d’un grain, il agit comme diaphorétique. Ce remede a été donné avec succès dans les hôpitaux à de petits enfans attaqués de maladies d’obstruction & de fievre ; ils en ont été soulagés & guéris en prenant ce remede à la dose d’un grain, & le répétant selon le besoin.

Le kermès minéral est un vrai magistere d’antimoine, ou une précipitation du soufre doré ; & ce kermès bien rectifié, n’est pas différent de l’antimoine dissous par un alkali quelconque, dont on aura eu soin de séparer la partie réguline. Voyez Kermés minéral.

Antimoine en poudre & en tablettes. Prenez de l’antimoine de Hongrie, marqué de belles aiguilles, &