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contiennent les panneaux, doivent former des compartimens de moulures & de quadres, proportionnés, séparés par d’autres plus étroits, que l’on nomme pilastres ; en observant d’éviter les petites parties, défaut fort commun autrefois, où l’on employoit tous les bouts de bois ; de sorte qu’il y avoit des panneaux si petits qu’ils étoient élégis à la main sans aucun assemblage ; & les plus grands étoient de mairrain, de cinq à six lignes d’épaisseur : mais maintenant que l’on tient le bois plus long & plus épais, on assemble plusieurs ais l’un contre l’autre, à clef, fig. 9. ou à rainure & languette, fig. 13. que l’on colle ensemble. On les assemble aussi à rainure & languette dans leurs bâtis ; mais bien loin d’y être collés, ils y sont placés à l’aise, afin que si ceux sur-tout qui ont beaucoup de largeur, venoient à se tourmenter, ils ne pussent se tendre ni s’éclater.

Des lambris en particulier. Sous le nom de lambris, on comprend les différens compartimens de menuiserie servant à revêtir les murailles, tel que dans l’intérieur des appartemens, les portes à placards, simples & doubles, les armoires, buffets, cheminées, trumeaux de glaces, tablettes de bibliotheques, & dans la plupart des églises, des retables, tabernacles, crédences d’autels, bancs, formes, confessionnaux, œuvres, chaires de prédicateurs, tribunes, porches, &c. On les réduit à deux especes principales, l’une qu’on appelle lambris d’appui, & l’autre lambris à hauteur de chambre, ou seulement lambris de hauteur.

La premiere ne se place que dans le pourtour intérieur des salles, chambres & pieces tapissées, & n’ont que deux piés & demi à trois piés & demi de hauteur. Ils servent à revêtir les murs au-dessous des tapisseries pour les garantir de l’humidité des planchers & du dossier des sieges.

La seconde sert à revêtir les murs des appartemens dans toute leur hauteur depuis le dessus du carreau ou du parquet jusqu’au dessous de la corniche.

La continuité & ressemblance des mêmes panneaux dans un même lambris, tel qu’on le pratiquoit autrefois, ne produisoit rien de fort agréable aux yeux : on y a introduit peu-à-peu des tableaux, pilastres, &c. de distance à autre, disposés symmétriquement & correspondans à leurs parties opposées, le choix des moulures & des ornemens que l’on y distribue maintenant à propos & avec délicatesse, ne concourent pas moins à en augmenter la richesse & l’agrément, jusqu’à le disputer même avec les plus beaux ouvrages de ciselure les plus recherches. Les formes des quadres que l’on insere dans les panneaux se varient à l’infini, selon le goût des décorateurs ; mais il faut leur donner peu de relief, ainsi qu’aux parties de lambris qui forment des avant-corps, & il est fort désagréable de voir des ressauts trop marqués dans une même continuité de lambris. On avoit coutume autrefois de diviser les panneaux dans leur hauteur, par des especes de frises[1] : ce que l’on peut faire cependant lorsque les planchers des pieces sont d’une trop grande élévation, & on ne connoissoit alors que les formes quarrées. Mais depuis que la menuiserie s’est perfectionnée, on a reconnu que les grands panneaux faisolent un plus bel effet ; & il n’y a plus maintenant de forme, quelqu’irréguliere qu’elle soit tant sur les plans que sur les élévations, que l’on ne puisse exécuter facilement ; on s’étudie même tous les jours à en imaginer de nouvelles : tellement que quelques-uns sont tombés dans un défaut opposé de trop chantourner leurs panneaux, au point

qu’ils placent ces frivolités jusque dans les pieces qui demandent le plus de gravité ; mais ce qui augmente encore la richesse de ces nouveaux lambris, ce sont les glaces que l’on y insere, & que l’on place sur des trumeaux en face des croisées, des cheminées, & sur les cheminées même.

La fig. 30. est une portion de lambris, dans laquelle il se trouve trois especes de portes A, B & C dont nous parlerons ci après. Ce lambris est distribué de panneaux D & de pilastres E de différentes especes, selon la grandeur & l’usage des pieces où ils doivent être placés. Lorsqu’il s’agit des principales, comme sallons, salle de compagnie, cabinets, chambres à coucher, &c. on décore leurs extrémités haut & bas d’ornemens de sculpture, comme on le voit d’un côte de cette figure. On y en place quelquefois dans le milieu de ces mêmes panneaux & pilastres, lorsqu’ils sont longs & étroits, & cela pour interrompre leur trop grande longueur. Mais lorsqu’il s’agit de pieces peu importantes, comme vestibules, antichambres, garde-robe, &c. on y supprime la sculpture, comme on le voit de l’autre côte de la même fig. F sont des panneaux d’appui, D des panneaux de hauteur, G des pilastres d’appui, E des pilastres de hauteur, H des panneaux dus dessus de portes, où l’on place très souvent des tableaux, camayeux, paysages, &c. Q est une espece de platebande ou moulure qui regne autour des pieces, & qui couronne le lambris d’appui, ainsi que la plinthe ou espece de socle R qui lui sert de base ; & S une corniche qui se fait quelquefois en bois, avec plus ou moins de sculpture, selon l’importance du lieu, mais le plus souvent en plâtre, pour plus d’économie.

Les lambris d’appui se mesurent à la toise courante, en les contournant par-tout, sans avoir égard à la hauteur, & les lambris de hauteur à la toise superficielle, en multipliant la hauteur par le pourtour.

Des moulures. Le choix des moulures, leurs proportions & leurs exécutions, sont trois choses absolument nécessaires pour la perfection des lambris. La premiere, qui dépend de la capacité du décorateur, consiste à n’employer que les moulures relatives à cet art, & qui ont ordinairement plus de délicatesse que celles de la pierre, tant parce qu’elles se soutiennent mieux, que parce qu’elles sont plus près des yeux des spectateurs. Celles qui y sont le plus particulierement affectées, sont les baguettes, fig. 15. boudins, fig. 16. quart de ronds, fig. 17. caret, fig. 18. talons, fig. 19. doussines, fig. 20. bec-de-corbins, fig. 21. &c. qui en quelque situation qu’ils soient, se présentent toûjours avantageusement, & qui pour cette raison réussissent toûjours dans la composition des profils des quadres qui se voyent de différens côtés ; leur proportion demande aussi beaucoup de précision de la part du décorateur ; car il est essentiel qu’elles soient d’une grandeur convenable à celle des quadres & des panneaux auxquels elles servent de bordure, que les plus délicates ne se trouvent pas trop petites ; car lorsqu’elles sont couvertes de plusieurs couches de peinture, elles se confondent, & ne font plus qu’un amas de profils qu’on ne peut distinguer, & dont on ne peut voir la beauté : que les profils des chambranles des portes ayent beaucoup plus de saillie que ceux des quadres de leurs vanteaux, rien ne rendant la Menuiserie plus massive, que lorsque ce qui est contenu a plus de relief que ce qui contient.

La troisieme, qui est l’exécution, & qui n’a pas moins besoin de l’attention du même décorateur, dépend plus particulierement de l’ouvrier, raison pour laquelle il faut choisir le plus habile, & exiger de lui qu’il les pousse[2] avec beaucoup de pro-

  1. Le mot frise, tiré de l’architecture, est la partie de l’entablement entre l’architrave & la corniche.
  2. En terme de menuiserie on ne dit point faire une mou-