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car l’usage du vélin n’étoit point encore trouvé. Les couleurs dont on se servoit étoient en petit nombre, presque toutes ayant trop de corps, & ne pouvant produire cette riche variété de teintes si essentielle à la vigueur du coloris, ainsi qu’à l’harmonie. Voyez Mélanges, Teintes, Ton. Mais à mesure que la Peinture a étendu ses découvertes, on a senti la nécessité d’admettre le mélange du blanc dans les couleurs, pour avoir des teintes de dégradation, comme dans les autres peintures. Des artistes intelligens ont travaillé à augmenter le nombre des couleurs simples, & à les rendre plus légeres : enfin les plus habiles se sont permis l’usage du blanc indifféremment dans toutes les couleurs de fond, de draperies, &c. qui en demandent, en exceptant cependant les chairs & semblables parties délicates dans lesquelles, pour mieux conserver la touche caractéristique de l’objet, l’art défend d’employer le blanc dans les mélanges. Cette seconde maniere de peindre associe naturellement la miniature aux autres genres de peinture, par la liberté & la facilité qu’elle a de multiplier ses tons, si ce n’est, comme on l’a dit, dans certaines parties que l’habile peintre doit sentir, & dans lesquelles il ne faut pas moins qu’une extrème pratique de l’art pour réussir, & que l’on ne s’apperçoive pas de la grande disette où nous sommes de couleurs legeres. On a presqu’entierement abandonné la premiere maniere, du-moins peu de peintres s’en servent aujourd’hui, & il ne lui est resté que le nom de peinture à l’épargne, voyez Peinture à l’épargne ; parce qu’en effet elle épargne le blanc de la matiere sur laquelle on peint, pour en former des blancs ou des grands clairs assoupis à la vérité par les couleurs locales.

Van Dondre en Hollande, Torreutius & Hufnagel en Flandre, Volfak en Allemagne, ont été les premiers à quitter cette maniere seche & peinée, pour ne plus peindre que de pleine couleur, comme à l’huile, excepté le nud.

La peinture en miniature florissoit depuis longtems en Hollande, en Flandres, en Allemagne, qu’elle n’étoit encore en France qu’une sorte d’enluminure : on ne faisoit guere que des portraits entierement à l’épargne ou à gouache, & que l’on pointilloit avec beaucoup de patience. Une fois enrichis de la nouvelle découverte, les Carriera, les Harlo, les Macé firent bientôt sentir dans leurs ouvrages que la miniature peut avoir ses Rigauld ou ses Latour ; mais il lui manquoit encore la plus belle partie, c’est-à-dire des maîtres qui peignissent l’Histoire. L’académie royale de Peinture, toujours attentive à tout ce qui peut contribuer à la gloire de la Peinture, attendoit avec empressement ce second succès pour se l’associer. On lui doit cette même justice, qu’ébranlée sans doute par l’effort d’émulation de quelques artistes de ce genre, elle a de nos jours encouragé la miniature, en l’admettant au nombre de ses chef-d’œuvres. C’est reconnoître qu’elle est susceptible de rendre en petit les plus grandes choses. Elle peut donc briller par la belle composition (ce qui feroit son principal mérite), par un coloris frais & vigoureux, & par un bon goût de dessein ? Il n’est point d’amateur qui n’en accepte l’augure ; & il y a lieu d’espérer que la miniature aura ses Rubens ou ses Vanloo.

Quant à ce qui concerne la pratique de cet art, voyez Peinture en miniature, Palette, Pinceaux, Pointillé, Touche, Vélin, à la fin de cet article.

De la palette. La palette qui sert à la miniature est un morceau d’ivoire d’environ six pouces de long, plus ou moins, & de trois ou quatre pouces de large ; l’épaisseur n’y fait rien, non plus que la forme, qui est arbitraire : on en fait communément de car-

rées ou d’ovales. D’autres ont jusqu’à quatre lignes

d’épaisseur, & portent sur leur superficie, tout autour du bord, des petites fossettes creusées en forme sphérique du diamettre, d’environ demi-pouce, & espacées également. On met une couleur dans chaque fossette ; mais cette palette est moins propre que la premiere. On applique les couleurs autour de celle-ci & sur le bord, assez près les unes des autres ; & pour cela, si les couleurs qui sont dans les coquilles sont seches, on y met un peu d’eau nette, & on les détrempe avec le bout du doigt, ensuite on porte ce doigt plein de couleur sur le bord de la palette, appuyant un peu & retirant à soi : on fait de même de chaque couleur. Ceux qui aiment l’ordre dans leur palette, la chargent suivant la gradation naturelle ; c’est-à-dire, commençant par le noir, les rouges foncés jusqu’aux plus clairs, de même des jaunes ; ensuite les verds, les bleus, les violets & les laques, ces quatre dernieres commencent par leurs plus claires. Le milieu de la palette reste pour faire les mélanges & les teintes dont on a besoin, soit avec le blanc que l’on met à portée, ou sans blanc ; par ce moyen on a toutes ses couleurs sous sa main. On se sert encore de palettes de nacre ou d’un morceau de glace, sous laquelle on colle un papier blanc. Toutes les matieres poreuses en général ne valent rien à cet usage ; les palettes de marbre blanc ou d’albâtre sont très-bonnes.

De la peinture en miniature. Quoique la miniature n’embrasse pas généralement tous les détails qui se rencontrent dans les objets qu’elle imite, elle a néanmoins des difficultés qui s’opposent à ses succès : telles sont la petitesse des objets, la précision & la liberté dans leurs contours, le grand fini sans perdre du côté de la vigueur. En outre, le choix des matieres sur lesquelles on a dessein de peindre, & qui ont quelquefois leurs inconvéniens, l’apprêt & le choix des couleurs, & la touche, sans compter qu’il est toujours très-difficile d’annoncer la grande maniere, dans un tableau qui perd déja de son effet à deux ou trois pas de distance.

On peint en miniature sur le vélin, l’ivoire, l’albâtre, le marbre blanc, les coques d’œufs ; enfin, sur toutes les matieres blanches naturellement, & solides, ou du-moins qui ne se laissent point pénétrer par les couleurs, & de plus qui n’ont aucun grain : ces qualités ne se trouvent pas toutes dans chacune des matieres ci-dessus, quelques-unes d’entr’elles demandent des préparations pour recevoir mieux les couleurs.

On emploie plus ordinairement le vélin & l’ivoire, à raison de leur peu d’épaisseur qui trouve place dans les plus petits cadres, & de la grande douceur de leur surface.

Le vélin pour être bon, exige plusieurs conditions, voyez Vélin. L’ivoire doit être choisi très blanc, sans veines apparentes, fort uni, sans être poli, & en tablette très-mince, parce que plus il est épais, plus son opacité le fait paroître roux. Avant que de peindre dessus, il est nécessaire d’y passer légerement un linge blanc, ou un peu de corton imbibé de vinaigre blanc, ou d’eau d’alun de roche, & de l’essuyer aussi-tôt : cette préparation dégraisse l’ivoire, lui ôte son grand poli, s’il en a, & la légere impression de sel qui reste encore dessus, fait que les couleurs s’y attachent mieux, de l’eau sallée pourroit suffire. On colle ensuite derriere l’ivoire un papier blanc de la même grandeur seulement aux quatre coins, ou tout autour, avec de la gomme : la même préparation sert aussi pour le marbre blanc, l’albâtre & les coques d’œufs qu’il faut amolir auparavant pour les redresser.

Les couleurs. Les couleurs propres à la miniature ne sont pas toutes les mêmes que celles dont on se