Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/592

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’attribut, y est pris universellement ; or ce même terme est sujet de la majeure : donc il doit être universel, & par conséquent rendre la majeure universelle.

Des dix modes concluans, les quatre affirmatifs sont exclus par la premiere regle de cette figure.

O. A. O. est exclu par la seconde, qui est que la majeure doit être universelle.

E. A. O. est exclu pour la même raison qu’en la premiere figure, parce que le petit terme est aussi sujet dans la mineure.

Il ne reste donc de ces dix modes que ces quatre,

2 généraux, E. A. E.
2 particuliers, E. I. O.
A. E. E.
A. O. O.

On a compris ces quatre modes sous ces mots artificiels,

Ce Nulle figure n’est indivisible ;
Sa Toute pensée est indivisible :
Re. Donc nulle pensée n’est figure.
 
Ca Tout ce qui excite la malice des hommes est blâmable ;
Mes Aucune vertu n’est blâmable :
Tres. Donc aucune vertu n’excite la malice des hommes.
 
Fes Nulle vertu n’est contraire à l’amour de la vérité ;
Ti Il y a un amour de la paix qui est contraire à l’amour de la vérité :
No. Donc il y a un amour de la paix qui n’est pas une vertu.
Ba Toute vraie science est utile ;
Ro Plusieurs subtilités des philosophes ne sont pas utiles :
Co. Donc plusieurs subtilités des philosophes n’appartiennent pas à la vraie science.

Il y a encore deux regles pour la troisieme figure.

I. regle. La mineure doit être affirmative. On le démontre de la même maniere que dans la premiere figure.

II. regle. L’on n’y peut conclure que particulierement, car la mineure étant toujours affirmative, le petit terme qui en est l’attribut y est particulier : donc il ne peut être universel dans la conclusion où il est sujet, parce que ce seroit conclure le général du particulier contre la seconde regle générale.

Des dix modes concluans, A. E. E. & A. O. O. sont exclus par la premiere regle de cette figure.

A. A. A. & E. A. E. sont exclus par la seconde.

Il ne reste donc que ces six modes,

3 affirmatifs, A. A. I. 3 négatifs, E. A. O.
A. I. I. E. I. O.
I. A. I. O. A. O.

C’est ce qu’on a réduit à ces six mots artificiels :

Da La divisibilité de la matiere à l’infini est incompréhensible ;
Rap La divisibilité de la matiere à l’infini est très certaine :
Ti. Il y a donc des choses très-certaines qui sont incompréhensibles.
 
Fe Nul homme n’est un ange ;
Lap Tout homme pense :
Ton. Donc quelque chose qui pense n’est pas un ange.
 
Di Certains avares sont riches,
Sa Tous les avares ont des besoins :
Mis. Donc certains riches ont des besoins.
 
Da Tout serviteur de Dieu est roi ;
Ti Il y a des serviteurs de Dieu qui sont pauvres ;
Si. Il y a donc des pauvres qui sont rois.
 
Bo Il y a des coleres qui ne sont pas blamables ;
Car Toute colere est une passion :
Do. Donc il y a des passions qui ne sont pas blamables.
 
Fe Rien de ce qui est pénétrable n’est corps ;
Si Quelque chose de pénétrable est étendu :
Son. Donc quelque chose d’étendu n’est point corps.

La quatrieme figure est si peu naturelle, qu’il est assez inutile d’en donner les regles. Les voilà néanmoins, afin qu’il ne manque rien à la démonstration de toutes les manieres simples de raisonner.

Premiere regle. Quand la majeure est affirmative, la mineure est toûjours universelle ; car le moyen est pris particulierement dans la majeure affirmative. Il faudra donc qu’il soit pris généralement dans la mineure, & que par conséquent il la rende universelle, puisqu’il en est le sujet.

Seconde regle. Quand la mineure est affirmative, la conclusion est toûjours paticuliere ; car le petit terme est attribut dans la mineure, & par conséquent il y est pris particulierement quand elle est affirmative ; d’où il s’ensuit (par la seconde regle générale) qu’il doit être aussi particulier dans la conclusion dont il est le sujet ; ce qui la rend particuliere.

Troisieme regle. Dans les modes négatifs la majeure doit être générale ; car la conclusion étant négative, le grand terme y est pris généralement. Il faut donc (par la seconde regle générale) qu’il soit pris aussi généralement dans les prémices : or il est le sujet de la majeure ; il faut donc que la majeure soit générale.

Des dix modes concluans, A. I. I. & A. O. O. sont exclus par la premiere regle A. A. A. & E. A. E. sont exclus par la seconde ; O. A. O. par la troisieme. Il ne reste donc que ces 5, deux affirmatifs,

A.A.I. I.A.I. trois négatifs, A. E. E.
E. A. O.
E. I. O.

Ces cinq modes se peuvent renfermer dans ces mots artificiels, barbatipt ou calentes, dibatis, sespamo, fresisomorum, en ne prenant que les trois premieres syllabes de chaque mot. Voici un exemple d’un argument dans cette figure, pour faire voir combien peu la conclusion est naturelle.

Ca Tous les maux de la vie sont des maux passagers ;
len Tous les maux passagers ne sont point à craindre :
tes. Donc nul des maux qui sont à craindre, n’est un mal de cette vie.

Mode, anciennement Mœufs, s. m. (Grammaire.) Divers accidens modifient la signification & la forme des verbes, & il y en de deux sortes : les uns sont communs aux verbes & aux autres especes de mots déclinables ; tels sont les nombres, les cas, les genres & les personnes, qui varient selon la différence des mêmes accidens dans le nom ou le pronom qui exprime le sujet déterminé auquel on applique le verbe. Voyez Nombre, Cas, Genre, Personne, Concordance, Identité.

Il y a d’autres accidens qui sont propres au verbe, & dont aucune autre espece de mot n’est susceptible : ce sont les tems & les modes ; les tems sont les différentes formes qui expriment dans le verbe les différens rapports d’existence aux diverses époques que l’on peut envisager dans la durée. Ainsi le choix de ces formes accidentelles dépend de la vérité des positions du sujet, & non d’aucune loi de Grammaire ; & c’est pour cela que dans l’analyse d’une phrase le grammairien n’est point tenu de rendre compte pourquoi le verbe y est à tel ou tel tems. Voyez Tems.

Les modes semblent tenir de plus près aux vûes de la Grammaire, ou du-moins aux vûes de celui qui parle. Perizonius, not. l. sur le chap. xiij. du liv. I.