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descriptio, Lips. 1704, in-8°. n’est, malgré son titre, qu’une très-mauvaise compilation.

Personne n’ignore que la compagnie hollandoise des Indes orientales est la maîtresse de toute la muscade qui se débite dans le monde. Ses directeurs en reglent le prix en Europe, suivant qu’ils le jugent à propos ; & les diverses chambres en font la vente chacune à leur tour, suivant une espece de tarif, par lequel la chambre d’Amsterdam en doit vendre deux cens quarteaux touté seule, c’est-à-dire, autant que toutes les autres chambres réunies. Le quarteau de muscade pese depuis 550 jusqu’à 600 livres ; son prix est de 75 sols de gros, la livre. (D. J.)

Muscade ou Noix muscade, (Chimie & Mat. méd.) On doit choisir la noix muscade qui est arrondie ou de la figure d’une olive, laquelle est appellée femelle. On estime celle qui est récente, pesante, grasse, & qui, étant piquée avec une aiguille, rend aussi tôt un suc huileux. Geoffroi, Mat. méd.

La noix muscade contient une huile essentielle & une huile par expression, ou un beurre qu’on peut en séparer aussi par décoction. Voyez l’article Huile. Selon l’analyse de Geoffroi, une livre de noix muscade donne dans la distillation une once d’huile essentielle, & une pareille quantité donne, par l’expression, trois onces deux gros de beurre ou d’huile consistante, qui a très bien le goût & l’odeur de la mascade. Geoffroi observe encore qu’une huile épaisse comme du suif qu’on trouve nageante sur l’eau, qui a été employée à la distillation de l’huile essentielle, est presque destituée de parfums. Cette substance ainsi retirée n’est autre chose que la même substance huileuse qu’on retire par l’expression ; que si, par ce dernier moyen, on obtient une huile très-aromatique, au lieu que le produit du premier est presque inodore, c’est que la décoction dissipe l’huile essentielle dans laquelle seule réside le principe aromatique, & que, dans l’expression, l’huile butyreuse s’impregne d’une certaine quantité d’huile essentielle à laquelle elle est réellement miscible.

La noix muscade est un des assaisonnemens connus sous le nom générique d’épiceries ou épices. Voyez Epices. Elle est stomachique, aidant à la digestion, fortifiant les visceres & dissipant les vents ; utile par conséquent pour les tempéramens froids, humides, lâches ; nuisible au contraire aux tempéramens vifs, secs, mobiles ; à-peu-près indifférente à tous par la longue habitude. Sa prétendue vertu de résister au poison n’est plus comptée pour rien depuis que ce n’est plus un être réel qu’un poison froid. Des auteurs graves, parmi lesquels il faut compter Bontius, ont observé que l’usage immodéré de la muscade causoit un assoupissement dangereux. L’huile essentielle de la muscade n’a aucun usage particulier. Voyez Huile essentielle. L’huile par expression, & mieux encore cette même huile retirée par décoction & dégagée par-là du mélange de toute huile essentielle, possede à-peu-près les vertus communes des huiles par décoction. Voyez au mot Huile. On doit lui préférer cependant, pour l’usage intérieur, celles qui sont absolument exemptes du risque de rester chargées d’un principe aussi actif, & d’une vertu aussi différente des qualités propres de l’huile grasse que l’est une huile essentielle. Aussi le beurre de cacao, qui est parfaitement exempt du soupçon d’un pareil mélange, a-t-il exclu avec raison le beurre de muscade de l’usage intérieur ; mais ce dernier est par la même raison plus convenable dans l’usage extérieur, toutes les fois qu’il faut en même tems relâcher & résoudre.

Geoffroi semble dire que l’huile essentielle de muscade & son huile par décoction ont les mêmes vertus, il est même à-peu-près évident que c’est-là son

sentiment ; mais il est certain aussi que cette opinion est une erreur manifeste. L’une & l’autre de ces huiles entrent cependant communément ensemble dans les baumes apoplectiques, hystériques, céphaliques, &c.

J. Rai rapporte une singuliere propriété de l’huile de muscade : c’est de faire croître la gorge, appliqué extérieurement. La noix muscade entre dans un grand nombre de compositions pharmaceutiques cordiales, alexipharmaques, stomachiques, fortifiantes, nervines, &c. (b)

MUSCADIER, s. m. (Botan. exot.) c’est l’arbre des Indes orientales qui porte le macis & la noix muscade. Voyez Macis ou Muscade (noix).

Il y a deux especes de muscadiers : le muscadier cultivé, & le muscadier sauvage. Le muscadier cultivé est nommé arbor nucem moschatam ferens, ou nux moschata, fructu rotundo, par C. B. P. 407. pala, dans Pison, mant. arom. 173.

C’est un arbre de la hauteur du poirier ; ses branches sont flexibles ; son fruit vient entre les branches comme dans le noisetier ; son bois est moëlleux, & son écorce cendrée.

Les feuilles naissent le plus souvent deux à deux, quoiqu’elles ne soient pas exactement opposées. Elles sont d’un verd foncé en-dessus, blanchâtres en-dessous, longues d’une palme, lisses, semblables à celles du laurier, terminées par une grande pointe, sans queue. Elles ont une côte dans le milieu qui s’étend d’un bout à l’autre, d’où sortent des nervures obliques qui vont tantôt par paires, tantôt alternativement, jusqu’à la circonférence. Non-seulement ses feuilles fraîches, froissées entre les mains, répandent une odeur pénétrante, mais même elles sont âcres & aromatiques, étant séches.

Les fleurs sont jaunâtres, à cinq pétales, semblables à celles du cerisier. Il leur succede un fruit arrondi, attaché à un long pédicule, semblable à une noix ou à une pêche, dont le noyau est couvert de trois écorces.

La premiere écorce est charnue, molle, pleine de suc, épaisse d’environ un doigt, velue, rousse, parsemée de taches jaunes & purpurines, ainsi que nos abricots ou nos pêches ; elle s’ouvre d’elle-même dans le tems de la maturité, elle est d’un goût acerbe & astringent.

Sous cette premiere écorce, se trouve une enveloppe réticulaire ou plutôt partagée en plusieurs lanieres, d’une substance huileuse, onctueuse & comme cartilagineuse, d’une odeur aromatique, mélée d’un peu d’amertume ; c’est-là ce qu’on appelle le macis.

A-travers les mailles de cette seconde enveloppe, il en paroît une troisieme qui est une coque dure, mince, ligneuse, cassante, & d’un brun roussâtre. Cette coque contient le noyau qui est ovale, sillonné sans ordre, cendré en-dehors, panaché intérieurement de jaunâtre & de rouge brun, d’une excellente odeur, d’une saveur âcre & suave quoiqu’amere ; c’est là la noix muscade même.

Lorsqu’on fait une incision dans le tronc d’un muscadier, ou que l’on en coupe les branches, il en découle un suc visqueux, d’un rouge pâle comme le sang dissous : ce suc devient bien-tôt d’un rouge foncé, & laisse des marques rouges sur la toile que l’on a de la peine à effacer.

Les muscadiers sont presque toûjours chargés en même tems de fleurs & de fruits, dont on fait la récolte en Avril, en Août, & en Décembre.

On ne cultive ces arbres que dans les trois îles de Banda, nommées Néero, où le gouverneur réside ; 2°. Hogeland, qui est proprement Banda ; & 3°. Puloway, situées à quatre degrés au sud de la ligne & d’Amboine, Ces trois îles sont les plus fertiles de cel-