L’Encyclopédie/1re édition/HUILE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 333-340).
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HUILE, s. f. (Chimie, Pharmacie, Mat. medic. Diete.) Le système des connoissances chimiques bien résumé, porte à croire qu’il existe une huile générale universelle, un principe huileux primitif, très-analogue au soufre commun, du même ordre de composition que ce corps, formé même très-probablement des mêmes principes de l’acide vitrioliques & du phlogistique.

Le principe huileux, considéré sous ce point de vûe, ne différera du soufre commun que comme la plûpart des substances végétales & animales different des substances analogues que renferme le regne minéral, le vinaigre radical de l’acide du vitriol, par exemple, c’est-à-dire, par une plus grande atténuation, un degré supérieur de subtilité, une mixtion plus délicate dûe aux élaborations propres à l’œconomie végétale ou animale, & peut-être à la surabondance du principe aqueux qui est particulier à ces deux regnes. L’huile peut être conçûe aussi comme étant au soufre ce qu’une huile rectifiée est à la même huile brute. Ce rapport seroit démontré sans doute, si on réussissoit à porter, par des rectifications, le soufre commun à l’état de ténuité spécifique de l’huile, à décomposer l’huile, & à démontrer ses principes aussi clairement qu’on a démontré ceux du soufre, & enfin à composer de l’huile artificielle, comme on sait produire du soufre par art, & à la former des mêmes principes. Or je crois bien que ces trois problèmes pratiques doivent se ranger parmi les recherches chimiques les plus sublimes, mais non pas parmi les tentatives téméraires, les efforts supérieurs à l’art. Je crois même pouvoir me promettre de fournir cette démonstration complette, si je retrouve le loisir nécessaire pour continuer, sur l’analyse végétale, les travaux que j’avois commencés dans le laboratoire de feu M. le Duc d’Orléans.

Ce qui augmente la difficulté de l’entreprise, c’est que la nature ne présente point de cette huile pure primitive, & que l’art n’est pas parvenu jusqu’à présent à dépouiller les moins composées de tout principe hétérogene, de tout alliage. Celle de toutes les huiles connues qui approche le plus de la simplicité absolue, c’est l’éther des chimistes modernes, ou l’huile retirée de l’esprit-de-vin par l’intermede des acides minéraux. Voyez Ether.

Les diverses huiles que nous connoissons, sont composées de l’huile primitive, & d’un autre principe ou de plusieurs autres principes. Ce sont ces divers principes & leurs différentes proportions qui en constituent les genres & les especes. Cette idée de la composition & des différences essentielles qui distinguent les huiles entre elles, est, ce me semble, plus exacte & plus lumineuse que celle qu’on s’en feroit communément, en considérant chaque espece d’huile comme un composé ou un mixte essentiellement différent, ou n’ayant tout au plus de commun avec les autres especes que la phlogistique ; car il n’est pas égal de dire qu’une telle huile est formée par l’union d’un principe huileux universel, & de plus ou moins d’acide ; ou que cette huile admet plus ou moins d’acide dans sa mixtion ou dans sa composition primordiale. D’après la derniere théorie, que je crois une erreur, on pourra déduire que l’acide est un des principes constitutifs de l’huile, de ce que « si on triture long-tems certaines huiles avec un sel alkali, & qu’on dissolve ensuite cet alkali dans l’eau, il donne des crystaux d’un véritable sel neutre » ; au lieu que d’après la premiere maniere d’envisager notre objet, cette apparition d’un sel neutre n’annoncera qu’un acide étranger à huile, combiné au principe huileux dans celle qui présente ce phénomene, de même qu’une substance comme gommeuse est combinée au principe huileux dans les huiles par expression, ou l’alkali fixe à une huile quelconque dans le savon. Et certes, les compositions aussi intimes que celles d’un corps très-simple, tel qu’est l’huile, ne se détruisent pas par des moyens aussi vulgaires que la trituration avec un sel alkali ; c’est bien une opération d’un autre ordre que de démontrer la composition primitive de l’huile.

On range les diverses huiles sous le petit nombre des classes générales suivantes : on a les huiles essentielles, les huiles grasses, & les huiles empyreumatiques. La seule qualité vraiment générale ou essentielle qui convient à toute huile sans exception, c’est l’inflammabilité & la miscibilité à une autre huile quelconque.

Huiles essentielles. Toutes les parties des végétaux qui sont aromatiques ou odorantes, du moins le plus grand nombre, contiennent une huile subtile, légere, volatile, renfermée dans de petites loges ou vésicules, sensibles même aux yeux nuds dans quelques sujets, comme dans les fleurs d’orange, l’écorce d’orange, de citron, les feuilles de millepertuis, &c. Cette huile est libre, exemte de toute union chimique dans ces petits réservoirs ; il ne faut opérer aucune divulsion chimique pour l’en retirer ; les opérations par lesquelles on l’obtient, sont tout aussi méchaniques, ou, si l’on veut, tout aussi physiques que l’action de vuider une bouteille ; elles ne font point partie de l’analyse végétale. Voyez Distillation & Végétale analyse. Les baumes liquides fournissent aussi une pareille huile : quelques insectes, comme la fourmi, en contiennent aussi.

Cette huile est appellée encore éthérée & aromatique. Le principe odorant dont elle est pénétrée, paroît étrange à sa composition : on peut retirer ce principe des végétaux chargés d’huile essentielle, pur, seul, au moins étendu seulement dans le principe aqueux, libre, volatil, de ces végétaux, & sans qu’un atome d’huile soit entrainé avec lui, en un mot, sous la forme d’eau essentielle, voyez l’art. Eaux distillées. Il paroît aussi que c’est à ce principe que les huiles essentielles doivent leur volatilité ; car dès qu’elles en ont été dépouillées, dès qu’un végétal a donné son eau essentielle, l’huile restée dans ses réservoirs a perdu sa volatilité, un végétal épuisé de sa partie aromatique par une opération qui n’a pas entraîné en même tems son huile essentielle, ne donne plus cette huile par la même opération qui l’enleve toute entiere, lorsqu’elle est chargée du principe aromatique.

La méthode la plus usitée & la plus générale, qu’on emploie pour obtenir les huiles essentielles, est précisément celle qui est décrite à l’art. Eaux distillées, sous le nom de second appareil ou second procédé ; savoir, la distillation de ces matieres avec addition d’eau commune, ou mieux encore d’eau distillée de la même plante, toutes les fois qu’on en a ; & au moins n’en manque-t-on point pour les opérations qui suivent la premiere, quand on fait plusieurs distillations de suite. Cette opération exécutée sur les plantes aromatiques, donne constamment ces deux produits, l’eau distillée, & l’huile essentielle. La seule manœuvre particuliere qu’elle exige donc, relativement à ce dernier produit, c’est celle par laquelle on la sépare de l’eau : la voici. Si on reçoit l’eau mêlée de gouttes d’huile dans les matras ordinaires, on laisse rassembler ces gouttes par le repos, ce qui se fait en fort peu de tems. Si l’huile est plus légere que l’eau, on remplit le matras au point qu’elle s’éleve jusqu’au plus haut de son cou ; alors on verse prestement toute l’huile, & une bonne partie de l’eau contenue sous elle, dans un entonnoir de verre à queue fort étroite, & dont on bouche la petite ouverture inférieure avec le doigt ; on attend que l’huile se soit ramassée au-dessus de l’eau, alors on débouche une partie de l’ouverture inférieure, en retirant tout doucement le doigt, & on laisse échapper l’eau, par un petit filet, jusqu’à la derniere goutte ; on referme l’ouverture dès que l’huile est parvenue sur le doigt, & on la laisse tomber ensuite dans le vaisseau où on veut la serrer. Si l’huile est plus pesante que l’eau, on sépare par inclination la plus grande partie de l’eau, & on verse l’huile, avec ce qui reste d’eau, dans l’entonnoir, &c. Il y a un récipient particulier, destiné à faciliter la séparation des huiles essentielles plus légeres que l’eau : c’est un matras, qui porte en-dehors une espece de chantepleure, ou de tuyau recourbé, qui part du fond du vaisseau, & dont la courbure s’éleve jusqu’à un pouce près de l’embouchure ou goulot du matras. Voyez les Planches de Chimie. Il est clair que lorsque la liqueur reçue dans un pareil vaisseau, s’est élevée dans le cou jusqu’au-dessus du niveau de la courbure du tuyau, la liqueur contenue dans ce vaisseau doit se répandre par le tuyau, & que c’est la couche inférieure de cette liqueur qui doit se vuider la premiere ; ainsi, la liqueur provenue de la distillation, tendant continuellement à élever la liqueur du matras au-dessus de ce niveau, la partie aqueuse de cette liqueur, qui est la dominante, & qui gagne le fond du vaisseau, est vuidée à mesure que le produit de la distillation y est reçu ; & l’huile, qui surnage, se ramasse dans la partie supérieure du vaisseau, en gagne peu-à-peu la partie moyenne, & peut parvenir enfin à le remplir presque tout entier. Quand l’opération, ou le nombre d’opérations qu’on se proposoit d’exécuter de suite est fini, on vuide par le même tuyau l’eau qui peut être restée dans le fond du matras, en l’inclinant doucement. Il est évident qu’un pareil instrument ne peut être employé à la séparation des huiles plus pesantes que l’eau, mais qu’on peut, pour la séparation de celles-là, en composer un sur le même principe, en renversant la disposition du tuyau, la faisant partir du haut du matras, & portant le bec de l’alembic, ou du serpentin, jusqu’au milieu du matras.

L’eau employée dans la distillation des huiles essentielles, ne paroît servir qu’à ramollir les parois des vésicules qui la contiennent, à les disposer ainsi à être facilement rompues par l’huile rarefiée, tendant à l’état d’expansion vaporeuse ou de volatilité, & à borner, à déterminer, d’une maniere invariable, le degré de feu propre à les élever aussi inaltérées qu’il est possible ; peut-être aussi que la vapeur de l’eau qui les accompagne favorise leur volatilité, soit en soutenant leur expansion, leur état de vapeur, par sa chaleur, soit en les entraînant dans son propre tourbillon. Il seroit démontré que l’eau ne concourt point à la distillation des huiles essentielles à ce dernier titre, si une huile essentielle, déja délivrée de ses petites prisons, s’élevoit presqu’entierement dans un appareil où elle seroit renfermée seule dans la cucurbite, & où on lui appliqueroit le même degré de chaleur qu’elle éprouve étant répandue dans de l’eau bouillante. Ce dégré est supérieur à la chaleur du bain-marie. Voyez l’article Feu.)

Les huiles essentielles de citron, de cédra, & de tous les fruits de cette classe, qu’on nous apporte de Toscane & de la côte de Gènes, sous le nom d’essences, sont retirées sans le secours du feu. Les écorces de ces fruits contiennent beaucoup d’huile, & elle est ramassée, en masses assez considérables, dans des vessies très-minces, pour qu’elle en découle abondamment, en perçant ou rompant ces vessies. Il n’est personne qui n’ait pressé entre ses doigts un zeste d’orange ou de citron ; la liqueur qu’on en exprime est de l’huile essentielle. Les Toscans & les Génois expriment ces écorces contre des plateaux de verre, appliqués sur de la glace, ou bien roulent ces fruits sur l’embouchure hérissée de pointes d’un entonnoir, placé sur un vaisseau, où toutes les gouttes sorties des petites blessures infiniment multipliées, vont se ramasser. On retire encore des huiles essentielles de quelques substances aromatiques, des cloux de girofle, par exemple, en les distillant per descensum ; mais cette méthode est imparfaite. Voyez Girofle & Descensum.

Propriétés chimiques des huiles essentielles. Elles sont solubles par l’esprit-de-vin, & d’autant plus qu’elles sont plus dures. Elles s’épaississent en vieillissant, & prennent la consistence de baume, & même de résine. Voyez Baume & Résine. On les préserve, autant qu’il est possible, de cet accident, en les gardant dans des vaisseaux exactement fermés, & mieux encore sous l’eau, & dans des lieux frais. Elles peuvent être ressuscitées, du moins en partie, c’est-à-dire rétablies en état d’huile fluide, par la distillation avec l’eau ; elles ont perdu cependant, en s’épaississant, une partie de leur odeur, qui ne se rappelle point par la distillation, ou à la place de laquelle il ne s’en développe point de nouvelle qui la répare. Les huiles essentielles, retirées des divers végétaux, varient considérablement entr’elles, soit par la consistance, soit par la disposition plus ou moins grande à s’épaissir, soit par la gravité spécifique, soit par la couleur, &c. Une différence très-générale, est celle qui distingue les huiles qui sont naturellement concretes, comme le camphre, ou celles qui le deviennent, qui se gèlent à un très léger degré de froid, comme celle d’anis, &c. de celles qui sont très-fluides, & constamment fluides, comme celle de térébenthine, de citron, &c. ces caracteres particuliers, quand ils sont remarquables, sont exposés aux articles particuliers. Une distinction générale, assez singuliere encore, c’est celle qui divise les huiles essentielles en plus légeres que l’eau, & en plus pesantes que ce liquide. Celles qui sont fournies par les plantes de notre pays, de ces climats tempérés, sont toutes, sans exception, plus légeres que l’eau ; & celles qui sont fournies par les végétaux des pays chauds, par tous les bois, écorces, fruits, racines exotiques, par les épiceries, les aromates des Indes, soit occidentales, soit orientales : en un mot, de tous les climats très-chauds, sont plus pesantes que l’eau, à l’exception du camphre. Il y a sur ce point quelques autres variétés, peut-être accidentelles, qui ne sont pas encore bien déterminées.

Toute l’huile qu’on retire des baumes, des résines & des bitumes, par la violence du feu, est très analogue aux huiles essentielles. Voyez Résine & Térébenthine.

Les parties aromatiques des plantes que nous avons exceptées plus haut, de l’observation générale qui attribue de l’huile essentielle à toutes ces substances, sont les fleurs de jasmin, de tubéreuse, de muguet, de jacinthe, de narcisse, & de lys, qui ont toutes entr’elles une analogie sensible. L’essence de jasmin, qu’on trouve communément chez les Parfumeurs, est une huile par expression, de l’excellente huile de ben, imprégnée du parfum du jasmin, par une manœuvre fort simple. Voyez Jasmin.

Usages médicinaux, thérapeutiques & diététiques des huiles essentielles. Les huiles essentielles, récentes, subtiles, très-aromatiques, ont un goût amer, acre, vif, brûlant, qui annonce les vertus suivantes, qu’elles possedent en effet : elles sont, dans l’usage intérieur, cordiales, toniques, échauffantes, diurétiques, sudorifiques, stomachiques, aphrodisiaques ; utiles pour corriger la mauvaise odeur de la bouche, gravem spiritum. On doit les donner toujours sous la forme d’eleosaccharum (Voyez Eleosaccharum), soit pour les rendre miscibles aux humeurs digestives aqueuses, soit pour châtrer leur trop grande activité, par laquelle elles pourroient irriter & même enflammer l’estomac & les intestins. Malgré ce correctif, on ne doit les donner encore qu’aux sujets d’une constitution lâche, peu mobile, peu inflammable. Leur usage externe est plus général ; ces huiles, sur-tout celle qu’on retire de la térébenthine, sous le nom d’esprit, sont éminemment résolutives, antiseptiques, brûlantes, cathæretica ; ces vertus les rendent très-efficaces, pour résoudre les tumeurs molles, indolentes, lymphatiques, & pour dissiper les douleurs des membres. La dissolution de ces huiles dans l’esprit de vin, le baume spiritueux de Fioravanti, par exemple, qui n’est autre chose qu’une pareille dissolution, remplit les mêmes vûes d’une maniere encore plus assurée. Les huiles essentielles, vives, sont employées, presque à titre de spécifique, dans les plaies des membranes, des nerfs, des tendons ; c’est sur-tout dans ces cas qu’on emploie communément l’huile très-subtile, ou esprit de térébenthine. On emploie encore cette huile dans le traitement de la carie ; un brin de coton, imbibé de quelques gouttes d’une huile essentielle très-aromatique, de celle de girofle, par exemple, & introduit dans le creux d’une dent cariée, suspend puissamment la douleur qui accompagne quelquefois la carie des dents.

Une huile essentielle, unie chimiquement au soufre, forme avec lui un composé, connu sous le nom de baume de soufre. Ce composé est un remede, qui doit principalement ses qualités médicamenteuses au soufre. Voyez Soufre.

Une huile essentielle, combinée avec l’alkali fixe ordinaire, forme une espece de savon, appellé par les gens de l’art savon de Starkey. Voyez Savon.

Les esprits volatils, aromatiques, huileux, de Sylvius, doivent leur qualité d’huileux & d’aromatique à des huiles essentielles. Voyez Esprit volatil, Aromatique, Huileux.

Les huiles essentielles fournissent aux Apoticaires une des matieres avec lesquelles ils aromatisent plusieurs préparations pharmaceutiques, comme potions, syrops, gelées, juleps, emplâtres même. Il faut toûjours les employer, sous la forme d’éleosaccharum, dans les liqueurs aqueuses destinées à l’usage intérieur.

C’est encore à des huiles essentielles que plusieurs liqueurs spiritueuses, destinées à l’usage de nos tables, doivent leur parfum. Celles qui joignent à la saveur connue de l’esprit de vin, un goût vif, brûlant, passager, momentané, telles que la bonne eau de cannelle, & l’anis rouge de Bologne, doivent ce piquant à un peu d’huile essentielle : la même saveur est dûe à la même cause dans les diabolini d’Italie.

On parfume la limonade avec l’huile essentielle de l’écorce des citrons même qu’on emploie, dont on forme sur-le-champ un éleosaccharum. Voyez Eleosaccharum.

Huiles grasses. Celles-ci sont encore libres, nues, isolées, ramassées à part dans des petits réservoirs, & elles appartiennent proprement au regne végétal. Les graisses animales ont à la vérité la plus grande analogie avec ces substances, mais elles ne sont pas, dans le langage de l’art, comprises sous la même dénomination. Les huiles grasses sont répandues dans toute la substance des sujets qui les contiennent, au lieu que les cellules des huiles essentielles ne sont placées qu’à la surface, dans l’enveloppe ou membrane extérieure des végétaux pourvus de cette substance.

Les semences appellées émulsives (Voyez Semences émulsives), c’est-à-dire celles qui étant pilées avec de l’eau donnent une liqueur laiteuse, ou une émulsion (Voyez Emulsion), contiennent de l’huile grasse. La semence, proprement dite, de tous les fruits à noyau, ou à coque, de notre pays, tels que celle de noix, d’amande, de pignon, de noisette, de pêche, d’olive, &c. celle de tous les fruits à pepin, c’est-à-dire tous les pepins ; les semences appellées froides, les semences de lin, de toutes les especes de chou, de rave, de navet, de pavot, &c. contiennent une pareille huile. La chair ou pulpe qui recouvre le noyau de l’olive, en contient beaucoup aussi ; c’est une substance jusqu’à présent unique à cet égard. Le jaune d’œuf fournit aussi une huile très-analogue à celles-ci.

On retire l’huile grasse de tous ces sujets en les écrasant, les pilant, les réduisant en pâte, & en exprimant cette pâte, par le moyen d’une presse, ou d’un fort pressoir, pour l’opération en grand. Cette manœuvre est variée, sur les divers sujets, par quelques circonstances de manuel. Voyez les articles particuliers Lin, Navette, Olive. Ce moyen de retirer les huiles grasses, a fait donner à l’espece, dont nous avons seulement parlé jusqu’à présent, le nom d’huiles par expression, en latin olea pressa ou expressa, & c’est-là leur dénomination spécifique & la plus ordinaire.

Il y a une autre espece d’huile grasse, caractérisée par la circonstance de se séparer des corps qui la renferment, par le moyen de l’eau bouillante, ou de la décoction de ces corps. Le cacao, le macis, la muscade, les baies de laurier, contiennent une pareille huile. Voyez ces articles particuliers. Le beurre de cacao est la plus connue de ces huiles, parce qu’elle est la plus employée en Medecine. Les huiles par expression n’abandonnent pas leurs loges, par l’action de l’eau bouillante ; on n’en retire point des semences émulsives par la décoction.

Propriétés chimiques des huiles grasses. Elles sont insolubles par l’esprit-de-vin ; elles contractent une espece d’union, quoique fort imparfaite, avec le vinaigre, & même avec l’eau (ce qui fait soupçonner que l’acide du vinaigre n’entre pour rien dans cette union), si on les bat long-tems ensemble. Elles rancissent facilement, si on les expose à un air chaud, & même quelques-unes, comme celle d’amandes douces, quelque précaution qu’on prenne. Voyez Rancir. Elles sont toutes plus légeres que l’eau ; elles sont fixes, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent être élevées par le feu, sans être considérablement altérées, sans passer à l’état d’huile empyreumatique. Il y a apparence que le caractere spécifique de ces huiles dépend d’une matiere de nature gommeuse ou mucilagineuse, avec laquelle est combiné le principe huileux.

Vertus médicinales, & usages diététiques des huiles grasses. Ce n’est presque que l’huile d’amandes douces qu’on emploie en Medecine pour l’usage intérieur. La bonne huile d’olives vaudroit bien pour le moins autant, & elle a, au-dessus de l’huile d’amandes douces, la faculté d’être peu sujette à rancir. Le beurre de cacao n’est pas employé pour des qualités assez génériques, pour devoir être rangé avec ces huiles par expression ; & d’ailleurs, ce remede est plus magnifique qu’utile, du moins que nécessaire.

Les huiles par expression, représentées dans l’usage ordinaire par l’huile d’amandes douces, sont le souverain adoucissant, relâchant, lubréfiant, émollient, béchique, sédatif, le plus benin des purgatifs, en un mot, la suprême ressource, le grand cheval de bataille, comme on s’exprime vulgairement, de cette pratique de Medecine, appellée dans l’art, & par les gens du monde, anodine, tempérante, calmante, qui voit partout des spasmes, des éréthysmes, des incendies, &c. Cette drogue remplit quelquefois très-utilement, il est vrai, les indications d’adoucir, de relâcher, d’appaiser les douleurs des entrailles, de lâcher très-doucement le ventre ; mais plus souvent encore, c’est un remede inutile, infidele, & même pernicieux.

Les huiles par expression, prises à très-haute dose sans mesure, fournissent une des ressources les plus assurées pour défendre l’estomac & les intestins contre l’action des poisons corrosifs.

L’huile d’olive est la seule huile par expression, que nous mêlons à nos alimens à titre d’assaisonnement. Voyez Olive.

L’usage extérieur des huiles grasses pures est fort rare. On emploie communément à leur place des huiles composées, dont nous parlerons à la fin de cet article. Ces huiles entrent dans la composition de plusieurs onguens, linimens, &c.

Les huiles par expression, unies à l’un & l’autre alkali fixe, forment des savons employés en Medecine & dans divers arts. Voyez Savon.

Huiles empyreumatiques. Le principe huileux est un des matériaux universels de la composition de tout végétal ou animal, de tout corps organisé, du tissu des Sthaliens. L’huile est aussi un des principes généraux de l’ancienne analyse, de celle qui s’exécute par la violence du feu sur tous ces corps ; un des principes de Paracelse, ou plûtôt de Basile Valentin, ou d’Isaac le Hollandois, (Voyez dans l’historique du mot Chimie, les morceaux qui regardent ces auteurs) ; le soufre de ces Chimistes, de Willis, de Boyle, & de ceux de leurs sectateurs qui n’ont pas désigné par ce mot le phlogistique pur.

Toute huile qui ayant été réellement combinée dans un corps quelconque, en est extraite, dégagée par la violence du feu, est une huile empyreumatique. Nous avons excepté d’avance les huiles retirées par ce moyen des baumes, des résines & des bitumes. On l’appelle aussi fœtide, parce que le corps à la décomposition duquel elle est dûe, a fourni en même-tems un principe salin, le plus souvent alkali volatil, d’une odeur forte & desagréable, dont cette huile est empreinte, & auquel elle doit vraisemblablement sa mauvaise odeur. Les huiles empyreumatiques sont communément aussi noires & épaisses : elles doivent ces deux qualités, sur-tout la premiere, à une quantité considérable de matiere charbonneuse qu’elles ont entraînée avec elles. Voyez Végétale analyse & Substances animales.

Non seulement les tissus, c’est-à-dire les végétaux & les animaux entiers, ou leurs parties entieres, mais encore les huiles grasses, les graisses, tous les sucs animaux, & toutes les substances végétales solubles par l’eau, excepté les sels purs, telles que la matiere extractive, le corps muqueux, le tartre, &c. tous ces sujets, dis-je, donnent dans la distillation analytique de l’huile empyreumatique, & une huile empyreumatique chargée d’alkali-volatil, excepté celle qui provient de la distillation du lait & du corps muqueux. Voyez Lait & Muqueux.

La théorie du dégagement de l’huile empyreumatique, celle de sa composition chimique, & celle des produits & des phénomenes de son analyse, appartiennent au traité général de l’analyse des corps, dont elle est un principe si essentiel. Voyez Substances animales & Végétale Analyse, surtout ce dernier article.

Les huiles empyreumatiques sont considérablement atténuées, deviennent limpides, volatiles, perdent en très-grande partie, & même absolument leur odeur étrangere & desagréable, par des rectifications répetées, qu’on exécute communément à feu nud & sans intermede : les premieres distillations demandent en effet un degré de feu assez fort, mais les huilles empyreumatiques parviennent enfin par ces opérations répetées, à un état de volatilité qui les rend capables de s’élever, du moins en grande partie, avec l’eau bouillante, & même par la chaleur du bain-marie. Dans cet état, elles ont toutes les propriétés chimiques des huiles essentielles. La rectification des huilles empyreumatiques est considérablement hâtée par l’addition de la chaux-vive ou de l’alkali-fixe ; mais ces intermedes, sur-tout le premier, en détruisent une partie très-considérable. Voyez Chaux (Chymie.)

Usages médicinaux des huiles empyreumatiques ; huiles animale de Dippelius, huile de cade ; huile de tartre ; huile des philosophes ; huile de papier. Ce sont à peu près toutes les huiles empyreumatiques employées, ou du moins le plus employées en Medecine ; la premiere, destinée à l’usage intérieur, est une huile empyreumatique animale, communément celle de corne de cerf, rectifiée par quarante ou cinquante distillations successives, & vantée comme un spécifique éprouvé contre l’épilepsie. Si cette vertu est confirmée par des observations décisives, ces observations ne sont pas encore publiques. Les quatre autres s’emploient extérieurement, quoiqu’assez rarement, à titre de très-puissant résolutif. L’huile de cade est retirée de l’oxycedre, ou grand genevrier. Voyez Genevrier, (Chimie & Mat. méd.) L’huile des philosophes, ou de briques, de l’huile d’olive. Voyez Olive.

Rapport (habitus) des huiles en général avec quelques autres substances.

L’huile est immiscible à l’eau, aux sels neutres & aux acides végétaux & animaux vulgaires, tels que le tartre, le vinaigre & l’esprit de fourmi ; aux sucs aqueux végétaux, à la gomme, au mucilage, au corps doux (excepté qu’il ne soit dans un état éminemment concret, comme le sucre), à la lymphe & à la gelée animale.

L’huile est miscible au soufre, aux baumes, aux résines, aux graisses, aux bitumes, au phosphore de Kunckel ; elle s’unit au sucre & au jaune d’œuf, & devient miscible aux liqueurs aqueuses par l’intermede de ces substances ; elle dissout le cuivre & le plomb, principalement les chaux de ces métaux, & sur-tout celles de plomb ; elle se combine avec les sels alkalis sous la forme de savon. Voyez Savon. Les acides minéraux agissent puissamment sur elle, principalement le vitriolique & le nitreux ; car l’acide du sel marin les attaque à peine, du moins dans les mélanges ordinaires. L’acide vitriolique, médiocrement concentré & aidé d’une foible chaleur, se combine avec l’huile la plus pure, c’est-à-dire l’huile essentielle, ou l’huile empyreumatique rectifiée. Ce mélange produit un corps concret de nature résineuse, & d’un rouge brun plus ou moins foncé. L’acide vitriolique concentré éprouve même à froid avec la même huile une violente effervescence, accompagnée d’épaisses fumées & de chaleur considérable, & se combine avec en un corps noirâtre, résineux, cassant. L’effervescence est plus prompte & plus violente, si on a exposé le mélange à l’action du feu. Voyez Résine artificielle à l’article Résine. L’acide nitreux produit avec l’huile dans les mêmes circonstances des effets semblables. Le phénomene le plus remarquable de l’action mutuelle des acides vitrioliques ou nitreux, & des huiles, c’est l’inflammation spontanée, ou excitée sans le concours d’aucune chaleur étrangere. Ce phénomene singulier mérite d’être considéré avec quelque détail.

Inflammation des huiles. Les expériences successives de Glauber, de Beccher, de Borrichius, de Boyle, de Tournefort, de Homberg, de Rouviere, de François Hoffman, de Geoffroy le cadet, & enfin de M. Rouelle, nous ont appris que toutes les huiles sans exception, aussi bien que les baumes liquides, étoient inflammables lorsqu’on les mêloit à froid au double de leur poids d’un acide, composé de parties égales d’esprit de nitre bien concentré, & d’huile de vitriol.

Ces proportions varient dans les expériences de ces auteurs. Ils augmentent la dose de l’acide composé, & la proportion de l’acide nitreux dans l’acide composé à mesure que l’huile, mise en expérience, est plus difficile à enflammer. La proportion que nous venons d’assigner est pourtant assez géneralement efficace ; car les huiles d’une médiocre inflammabilité prennent feu mêlées à partie égale d’acide nitreux, & à une demi-partie d’acide vitriolique.

Cet acide composé est l’instrument général de l’inflammation de toutes les huiles, & des substances éminemment huileuses, telles que les baumes liquides ; mais il n’est nécessaire que pour produire ce phénomene dans les plus rebelles de ces substances. Beccher a dit (Physica subterranea, sect. V, cap. iij, n°. 106.) que l’huile de vitriol & l’esprit de vin, l’un & l’autre très-rectifiés, prenoient feu dès l’instant qu’ils étoient mêlés ; & même que si on éteignoit ce feu en bouchant le vaisseau qui contenoit le mélange, il se rallumoit dès qu’on le débouchoit. Homberg assure avoir enflammé par l’huile de vitriol déphlegmée autant qu’il est possible, l’huile de térébenthine, épaisse comme du syrop, & de couleur rousse, qui passe la derniere dans la distillation. Mém. de l’Acad. royale des Scien. 1701. Borrichius rapporte, Acta medica & philosophica Hafnienasium ann. 1761. que l’esprit de nitre récent enflamme l’huile de térébenthine nouvellement tirée.

L’inflammation de l’esprit-de-vin par l’huile de vitriol est aujourd’hui généralement contestée ; & beaucoup de chimistes doutent de celle de l’huile épaisse de térébenthine par l’acide du vitriol seul.

Tous les chimistes qui avoient répété le procédé de Borrichius, l’avoient fait sans succès, lorsqu’enfin M. Rouelle publia en 1747, dans les Mémoires de l’académie des Sciences, des expériences, par lesquelles non-seulement il prouve la réalité du phénomene annoncé par Borrichius, mais même fixe le succès de cette expérience par un manuel fondé sur des observations très-ingénieuses, & sur la meilleure théorie chimique. Ce manuel consiste à appliquer à un charbon rare, spongieux, sec, embrasé, qui s’éleve au sein du mélange pendant la plus vive effervescence, quelques gouttes d’acide nitreux. Cette application se fait quelquefois par hasard, & presque toûjours dans les huiles les plus propres à s’enflammer ; & alors l’inflammation se fait d’elle-même : c’est pour cela que les arbitres, qui n’avoient découvert ni cette cause ni le moyen de l’appliquer a volonté, ont réussi assez constamment sur les huiles de cette derniere classe.

Nous avons déja parlé plusieurs fois d’une différence observée entre les différentes huiles, relativement à des degrés d’inflammabilité. Les éminemment inflammables sont les huiles essentielles pesantes, denses, des substances végétales aromatiques des Indes ; certaines huiles empyreumatiques, & les baumes liquides viennent ensuite ; les huiles essentielles très-subtiles, telles que l’huile de térébenthine, de cédra, de lavande, sont plus difficiles à s’enflammer que toutes les précédentes ; enfin, les plus difficiles absolument, les plus difficiles de toutes les huiles, sont les huiles par expression ; & les éminemment difficiles dans cette classe, sont les plus douces ou les plus mucilagineuses, telles que celles d’amandes douces, d’olive, de fêne & de navette.

Ce sont ces dernieres huiles seulement que M. Rouelle n’a pu enflammer par l’acide nitreux seul, lors même qu’il l’a porté jusqu’à un degré de concentration auquel il est vraisemblable qu’on ne l’avoit pas porté avant lui. Il a été obligé de concentrer encore davantage l’acide nitreux qu’il a employé, en le mêlant, à parties égales de bon acide vitriolique ; car il est connu en Chimie que l’acide vitriolique a plus de rapport avec l’eau que l’acide nitreux : le premier doit donc l’enlever au dernier, lorsqu’on les applique intimement l’un à l’autre en les mêlant. Voilà du moins la théorie qu’adopte M. Rouelle. Il prétend que l’acide vitriolique ne contribue d’ailleurs en rien à la production de la flamme ; d’où il est aisé de conclure qu’il regarde comme impossible l’inflammation des huiles par l’acide vitriolique seul. Pour moi je doute peu de la vérité du phénomene rapporté par Homberg, & je n’apperçois dans la bonne théorie, dans l’ensemble des faits chimiques fondamentaux, rien qui puisse justifier le doute qu’on pourroit concevoir sur le fait, & encore moins qui puisse porter à le regarder comme impossible.

Pour donner une idée complette de toute la manœuvre nécessaire dans l’exécution du procédé de l’inflammation des huiles en général, voici celui de M. Rouelle sur la plus difficile de toutes les huiles, sur l’huile d’olive. « Je prends de l’huile d’olive, de l’acide nitreux le plus concentré, nouvellement fait, & de l’acide vitriolique concentré, de chacun une demi-once. Je mêle d’abord ensemble l’acide nitreux & l’acide vitriolique, & je les verse sur l’huile, qui est contenue dans une capsule ou segment de balon : ces matieres sont un instant sans agir ; mais le mouvement s’excite bientôt, & elles entrent dans une violente effervescence ; alors ayant à la main une fiole, où il y a une demi-once du même acide nitreux concentré, j’en verse environ un tiers sur les matieres : ce nouvel acide accélere considérablement l’effervescence : les vapeurs qui s’élevent sont beaucoup plus considérables & plus blanches. Un instant après je verse dessus l’autre tiers de l’acide nitreux ; pour lors le mouvement s’accélere, & l’effervescence acquiert une rapidité étonnante ; les vapeurs redoublent & sont très-blanches ; & je verse le reste de l’acide nitreux sur le charbon embrasé : il paroît tout-d’un-coup scintillant, & l’huile s’enflamme. Les espaces de tems pour verser ainsi les portions d’acide nitreux, doivent être momentanés, cependant sans précipitation ».

Les doses absolues employées dans cette expérience sont suffisantes ; mais en général, l’inflammation réussit d’autant mieux, qu’en emploie des quantités absolues plus considérables ; mais sur les huiles très-inflammables, l’expérience réussit à deux gros, & même à un de chaque matiere.

Huiles pharmaceutiques, ou par infusion & décoction. On fait infuser ou bouillir dans l’huile d’olive un grand nombre de substances végétales & quelques substances animales, comme les petits chiens, les lésards, les crapaux, les vers de terre, le castor, &c. On passe ensuite ces huiles, ou même on les garde sur le marc. Ces compositions sont destinées à l’usage extérieur, & elles sont, pour la plûpart, des préparations monstrueuses, parce que l’huile n’a aucune action sur la plus grande partie des matieres végétales qu’on y fait entrer ; & la décoction altere inutilement la nature de l’huile. Les vertus vraies ou prétendues de ces diverses huiles sont rapportées aux articles particuliers. Voyez, par exemple Chien, Lézard, Iris, Rose, Camomille, Mélilot, Mucilage, &c. (b)

Huile d’antimoine, d’arsenic, de Jupiter, de Mars, de Mercure, de Saturne, de Vénus. Ce sont des noms qu’on a donnés à des liqueurs épaisses, denses, approchant, quoique d’une maniere fort éloignée, de la consistence de l’huile commune, & qui sont des dissolutions des substances métalliques, dont chacune porte le nom dans divers acides. Voyez les articles particuliers des ces substances métalliques.

Huile de chaux. C’est le nom ordinaire du sel neutre, formé par l’union de l’acide marin & de la chaux, lorsqu’il est sous la forme d’une liqueur concentrée. Voyez Chaux (Chimie.)

Huile de tartre, huile de tartre par défaillance. On appelle communément ainsi le sel de tartre ou alkali-fixe ordinaire en état de défaillance ou deliquium. Voyez Tartre.

Huile de vitriol. C’est le nom vulgaire de l’acide vitriolique concentré. Voyez Vitriol. (b)

Falsification des huiles essentielles. Les huiles essentielles peuvent être falsifiées par le mélange d’une huile par expression, par celui d’un esprit de vin, ou par celui d’autres huiles essentielles.

Les huiles essentielles des aromates des Indes, que les Hollandois nous vendent très-cher, sortent rarement de leurs boutiques sans quelque falsification. L’huile de cannelle, celle de girofle, de macis & de muscade, sont ordinairement mêlées d’huile d’amandes ou d’huile de ben. Cette fraude se découvre aisément : on n’a qu’à tenter de dissoudre dans l’esprit-de-vin une huile ainsi falsifiée ; car, comme l’esprit-de-vin est le menstrue des huiles essentielles, & qu’il ne touche point aux huiles par expression, il enlevera toute l’huile essentielle, & laissera au fond du vaisseau dans lequel on fera l’expérience, l’huile par expression très-pure, très-reconnoissable, & souvent en une quantité très-considérable.

Des fripons plus adroits mêlent l’huile de cannelle ou de girofle avec une quantité très-considérable d’esprit-de-vin : ce mélange peut être porté jusqu’à parties égales de chaque liqueur ; & il retient encore, à cette proportion, la couleur & l’odeur qui sont propres à ces huiles essentielles. Il n’est pas plus difficile de reconnoître cette fraude que la précédente. Si on noye d’une grande quantité d’eau une huile essentielle fourrée d’esprit-de-vin, on produit une liqueur laiteuse ; au lieu que ces mêmes huiles nagent sur l’eau, & s’en séparent sans la blanchir lorsqu’elles ne renferment point d’esprit-de-vin.

La troisieme espece de falsification, qui consiste à mêler une huile essentielle de vil prix à une autre huile essentielle plus chere, ne peut avoir lieu que pour les huiles qui ont une odeur forte, & capable de couvrir celle de l’huile qu’on y mêle, qui est toûjours celle de térébenthine. Les huiles des plantes à fleurs labiées de notre pays, telles que le thim, la menthe, l’origan, la sauge, le romarin, la lavande, &c. sont très-propres à être ainsi falsifiées. Mais cette fraude se découvre bientôt, & par l’action seule du tems ; car l’odeur spécifique & agréable des huiles de ces plantes se dissipe lorsqu’on les a gardées un certain tems, & l’odeur forte de l’huile de térébenthine perce & se fait reconnoître aux moins expérimentés. Mais il y a un moyen plus prompt & plus abregé pour produire dans ces huiles mélangées l’altération qui développe & fait dominer l’odeur de l’huile de térébenthine. On n’a qu’à imbiber de ces huiles des morceaux de linge ou de papier, & les approcher d’un corps chaud, des parois d’un fourneau, par exemple ; alors l’odeur plus subtile & plus douce de l’huile de lavande, de thym, &c. se dissipe la premiere, & il ne reste bientôt plus que l’odeur forte de l’huile de térébenthine. On peut ajoûter à cette épreuve deux signes assez démonstratifs de cette derniere falsification : le premier se déduit de ce que les huiles falsifiées par l’huile de térébentine sont plus limpides & plus fluides que ces huiles pures ; & le second, de ce que les étiquettes appliquées assez ordinairement sur le bouchon des fioles qui contiennent ces huiles, sont effacées en tout ou en partie par les exhalaisons de l’huile de thérébentine ; propriété qui est particuliere à cette derniere huile, & que n’ont pas au moins les huiles des plantes dont nous parlons.

On prétend encore que certains Artistes distillent les plantes qui ne donnent qu’une très-petite quantité d’huile essentielle, avec des substances très chargées d’huile par expression, la rue, par exemple, avec les semences de pavot ; & que dans cette opération, une assez bonne quantité d’huile par expression, qui est naturellement fixe, est enlevée dans la distillation par le secours de l’huile essentielle. Mais cette prétention a besoin d’être confirmée par des expériences ; & si elle se trouve fondée, il restera à savoir encore si l’huile par expression enlevée dans cette distillation, a changé de nature, & quel est son nouvel état. Voyez Frid. Hoffmann, Observat. physico-chimic. Lib. I, obs. ij.

Huile des Métaux, (Chimie) c’est ainsi que quelques chimistes ont appellé le phlogistique, ou la partie inflammable qui entre dans la combinaison des métaux. Voyez l’article Phlogistique.

Huile d’Onction, (Hist. sacr.) c’est celle que Moyse avoit composée pour l’onction & la consécration du roi, du souverain sacrificateur, & de tous les vaisseaux sacrés, dont on se servoit dans la premiere maison de Dieu.

Nous apprenons dans l’exode, chap. 30, que cette huile étoit faite de myrrhe, de cinnamome, de calamus aromaticus & d’huile d’olive, le tout confi par artifice de parfumeur.

Moyse ordonna aux israëlites de garder précieusement cette huile de génération en génération ; voilà pourquoi elle étoit déposée dans le lieu très saint.

Chaque roi n’étoit pas oint, mais seulement le premier de la famille, tant pour lui-même, que pour tous les successeurs de sa race ; il ne falloit pas d’autre onction, à moins qu’il ne s’élevât quelque difficulté touchant la succession, auquel cas celui qui l’avoit obtenue, quoiqu’il fût de la même famille, recevoit l’huile d’onction pour mettre fin à toute dispute, personne n’étant en droit, après cette cérémonie, de lui contester son titre : ce fut le cas de Salomon, de Joas & de Jéhoahaz ; mais chaque souverain sacrificateur étoit oint à sa consécration, ou lorsqu’il entroit en charge, & il en étoit de même du prêtre qui alloit à la guerre en sa place.

Les vaisseaux & les ustensiles qu’on oignoit avec l’huile d’onction, étoient l’arche de l’alliance, l’autel des parfums, la table des pains de proposition, le chandelier d’or, l’autel des holocaustes, le lavoir & les vases qui en dépendoient.

Comme Moyse consacra toutes ces choses par l’huile d’onction à l’érection du tabernacle, aussi lorsque quelqu’une venoit à être détruite, à s’user, ou à se perdre, elle pouvoit, tant que cette huile subsista, être rétablie & réparée, en faisant & consacrant d’autres ustensiles à la place, qui acquéroient la même sainteté que les premiers, au moyen de l’existence de l’huile d’onction ; mais malheureusement cette huile ayant péri avec le premier temple, & manquant dans le second temple, ce triste accident causa un défaut de sainteté dans toutes les autres choses qui y appartenoient. En vain, les Juifs, à leur retour de Babylone, & après le rétablissement de leur temple, eurent un arche, un autel des parfums, une table des pains de proposition, un chandelier d’or, un autel des holocaustes, un lavoir avec les vases qui y appartenoient, & le tout plus beau que dans le premier temple, cela ne servit de rien ; en vain, ils mirent toutes ces choses dans leur premiere place, & les appliquerent aux mêmes usages ; le manque d’huile d’onction rendit le tout défectueux.

Ajoutons aussi, qu’outre ce défaut d’huile, le second temple fut encore privé de cinq choses qui constituoient la gloire principale du premier ; savoir, 1o. de l’arche de l’alliance, qui étoit un petit coffret de bois de cédre, de trois piés neuf pouces de long, sur deux piés trois pouces de large, & deux piés trois pouces de haut. Il renfermoit la cruche où étoit la manne, & la verge d’Aaron qui avoit fleuri ; le propitiatoire faisoit le couvercle de ce coffre. 2o. Il manquoit au second temple le Schekinna, c’est-à-dire, la présence divine se manifestant dans une nuée qui reposoit sur le propitiatoire. 3o. Il manquoit l’urim & le thummin, qui étoit quelque chose que nous ignorons, & que Moyse mit dans le pectoral du souverain sacrificateur. Exode 28, 30, Lévitiq. 8, 8. On sait que le pectoral étoit une piece d’étoffe en double de la grandeur de quelques pouces en quarré, dans laquelle piece d’étoffe étoient enchassées douze pierres précieuses gravées des noms des douze tribus. 4o. Il manquoit au second temple le feu sacré qui fut éteint lors de la destruction du premier temple ; ensorte qu’on ne vit plus que du feu commun dans le second temple. 5o. L’esprit de prophétie y manquoit, ce qui pourtant ne doit pas être entendu à la rigueur ; car Aggée, Zacharie & Malachie prophétiserent encore.

Il ne faut donc pas être surpris que toutes ces choses, outre l’huile d’onction, manquant dans le second temple, les vieillards, lorsqu’on en posoit les fondemens, versassent des larmes au souvenir du premier ; mais tout cela fut abondamment réparé, lorsque, pour me servir des termes des prophetes, le desir des nations, le seigneur qu’elles cherchoient entra dans son temple ; lors, dis-je, que J. C. le véritable Schékinna, honora le dernier temple de sa présence ; & à cet égard, la gloire de la seconde maison l’a emporté de beaucoup sur celle de la premiere. (D. J.)

Huile de Cade, (Hist. des Drog.) huile fétide, rousse ou noire, empyreumatique, qui se tire du tronc & des rameaux de l’oxycédre & du genevrier en arbre que l’on brûle dans quelques fours destinés à cet usage. Cette huile appliquée en liniment à l’extérieur, est puissamment résolutive ; on s’en sert dans les provinces, pour les ulceres qui viennent aux brebis & aux moutons, après qu’on les a tondus. Les maréchaux s’en servent aussi pour la gale & les ulceres des chevaux. En Languedoc, on fait beaucoup d’huile de cade, semblable à celle du genevrier à baies rougeâtres ; on en tire de l’huile, en distillant son bois par la cornue. (D. J.)

Huile de Médie, (Pharmac. anc.) autrement dite huile des Medes, ou huile de Médée, en latin oleum medicum, nom que les anciens ont donné à une huile célebre qui avoit la propriété de brûler dans l’eau, malgré tout ce qu’on pouvoit faire pour l’éteindre. On l’appella huile de Médie, parce qu’on la recevoit de ce pays-là ; d’autres la nommerent huile de Médée, parce qu’ils imaginerent que c’étoit avec cette huile que la fille d’Hécate avoit brûlé la couronne de sa rivale.

Ammien Marcellin raconte que, si l’on trempe une fleche dans cette huile, & qu’on la tire avec un arc contre quelque corps imflammable, le tout prend feu immédiatement sans possibilité de l’éteindre avec de l’eau.

Le poison de Pharos, venenum pharicum de Nicandre, passoit pour être la même chose que l’huile de Médie ; & tout ce qu’il en dit convient parfaitement au récit que font d’autres auteurs, des propriétés de l’huile de Médée, de sorte qu’on ne peut douter que ces deux liqueurs ne soient la même chose.

Quelques uns prétendent qu’on tiroit cette huile d’une plante ; mais Pline assure positivement que c’étoit un minéral bitumineux, liquide, de la nature du naphte, ce qui est très-apparent, parce que les huiles minérales sont les substances les plus inflammables que nous connoissions. Babylone est fameuse chez plusieurs auteurs, pour fournir cette liqueur ; il est certain que le naphthe s’y trouve abondamment. Strabon dit qu’elle en produit deux especes, l’une blanche, & l’autre noire. La blanche étoit vraisemblablement ce qu’on nommoit l’huile de Médie, ou de Médée ; mais on ne doit pas douter que les anciens n’ayent extrêmement exagéré les effets, les propriétés & les vertus qu’ils lui ont attribuées ; l’hyperbole leur est familiere dans tous les récits qu’ils nous ont fait des choses étrangeres à leurs pays, en quoi nous les avons assez bien imités. (D. J.)

Huile grasse, (Peinture.) est celle que les Peintres mêlent dans leurs couleurs pour les faire sécher. Cette liqueur est composée d’huile de noix ou de lin, & de litarge qu’on fait bouillir ; puis on laisse reposer la litarge au fond du vase, & ce qui surnage est l’huile grasse. Voyez Litarge.

L’huile est aussi employée dans les différens ouvrages d’Horlogerie, pour donner plus de mobilité aux pieces & en retarder l’usure ; car ses particules étant autant de petits rouleaux, elles diminuent considérablement le frottement, en remplissant les intervalles qui se trouvent toujours entre les parties des corps, quelque polis qu’ils soient ; & elles empêchent ces parties d’engrener aussi avant les unes dans les autres. Il est d’une grande conséquence, dans les montres surtout, que l’huile que l’on emploie soit bien pure & bien fluide. Voyez l’article Tigeron, où l’on explique la maniere dont les horlogers s’y prennent pour conserver l’huile aux parties d’une montre ou pendule, &c. où elle est nécessaire. (T)

Huile, (Relieure.) les Relieurs-doreurs se servent d’huile pour mettre sur le dos des livres qui sont prêts à dorer ; ils ont une éponge très-fine attachée à une petite palette de bois, avec laquelle ils prennent l’huile & en frottent légérement tous les endroits à dorer.