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bitant un pays ingrat, qui ne produit qu’à force de soins, qui présente peu de ressources pour la fortune, quelle raison plus forte pourroit les déterminer à y rester, que la certitude d’y jouir tranquillement du fruit de leurs travaux dans le sein d’une paix constante, & sous la protection des lois les plus équitables ? Vouloir étendre les droits du prince aux dépens de ceux des peuples, c’est donc travailler également contre des intérêts toûjours inséparables, procurer la dépopulation du pays, & anéantir la condition essentielle portée dans la sentence souveraine qui en 1707, fixa le sort de cette principauté.

On accorde généralement aux Neuchatelois de l’esprit, de la vivacité, des talens : leurs mœurs sont douces & polies ; ils se piquent d’imiter celles des François. Il en est peu, principalement parmi les gens d’un certain ordre, qui n’ayent voyagé ; aussi s’empressent-ils de rendre aux étrangers qui les visitent, des devoirs dont l’expérience leur a fait connoître le prix. Ce pays a produit des savans dans divers genres ; le célebre Ostervald, pasteur de l’église de Neuchatel, connu par ses excellens ouvrages de piété & de morale, & mort en 1747, a été l’un des théologiens les plus profonds, & des orateurs les plus distingués que les protestans ayent eû. Depuis quelques années le commerce fleurit dans ce pays-là & dans sa capitale en particulier ; ses environs présentent un nombre considérable de fabriques de toiles peintes ; on y en fait annuellement 40 à 50 mille pieces. Les vins qui se font aujourd’hui avec beaucoup de soin acquierent la plus grande réputation, & se répandent dans les provinces voisines qui fournissent à leur tour aux Neuchatelois le grain dont ils ont besoin. En un mot, l’industrie animée par la liberté, & soutenue par une paix continuelle, fait chaque jour des progrès marqués. Ce n’est pas non plus un médiocre avantage pour ces peuples, que celui de reconnoître pour leur souverain un roi dont les vertus, les talens, les exploits, fixent aujourd’hui les regards de l’Europe étonnée. L’admiration est chez eux un nouveau garant de la fidélité inviolable qu’ils ont vouée à ce grand prince, quoique par la position de leur pays, ils soient éloignés de sa cour, & privés de son auguste présence, o felices si sua bona norint !

Neuchatel, en allemand Newembourg, & en latin Neocomum, ou Novum castrum, capitale du petit état dont on vient de parler, est une ville médiocre & bien bâtie. Elle s’éleve en amphithéatre sur les bords du lac qui porte son nom : on y compte environ 3000 ames. Son origine est très-ancienne ; le nom de Novum castrum qu’elle porte dans tous les anciens actes, semble annoncer que les Romains en ont été les fondateurs, & que ce fut d’abord une forteresse destinée à assurer leurs conquêtes dans cette partie des Gaules.

Neuchatel n’avoit autrefois qu’une rue fermée par deux portes ; les bourgeois obtinrent de leurs princes dans la suite la permission de bâtir hors de cette enceinte, mais à condition que dans les tems de guerre, ils défendroient le château qui y étoit renfermé. C’est depuis lors qu’ils en ont seuls la garde, & que le prince ne peut y mettre aucune garnison étrangere, non plus que dans le reste du pays. Pour perpétuer ce droit, les bourgeois ont conservé l’usage d’endosser la cuirasse un certain jour de l’année, & d’aller avec cet ancien équipage de guerre saluer dans le château le prince ou son gouverneur, qui ne peut se dispenser de les recevoir. Ce château est le lieu où ce dernier réside, où s’assemble le conseil d’état, où siége le tribunal souverain. Il occupe avec l’église cathédrale bâtie dans le xij. siecle, toute la partie supérieure de la ville. Les annales portent

qu’en 1033, cette ville fut assiégée, prise, & presque entierement ruinée par l’empereur Conrard, & qu’elle a essuyé divers incendies, dont le dernier arriva en 1714. Le Seyon riviere, ou torrent qui a sa source dans le val de Buz, & divise la capitale en deux parties, lui a causé plus d’une fois des dommages considérables par ses débordemens, dont les plus fameux datent de 1579 & de 1750. Neuchatel est une ville municipale ; sa magistrature est composée de deux conseils, dont l’un a 24 membres, & l’autre 40. Le premier forme en même tems le tribunal inférieur de judicature ; les chefs de ces conseils sont quatre maître-bourgeois, qu’on appelle les quatre ministraux. Cette magistrature a seule le droit de police dans la capitale & sa banlieue, de la même maniere que le conseil d’état l’exerce dans le reste du pays. Elle a le port d’armes sur les bourgeois qui ne marchent que par ses ordres & sous sa banniere. Elle jouit enfin de plusieurs droits utiles, tels que le débit du sel dans la ville, le tiers des péages sur les marchandises appartenant à des étrangers, les halles, & le four banal. Le fauxbourg oriental qui s’aggrandit chaque jour, renferme plusieurs maisons bien bâties, fruits du commerce, & de l’abondance qui le suit. On y remarque une maison d’instruction gratuite & de correction, fondée par un négociant. A quelque distance de la ville & sur la hauteur, est l’abbaye de Fontaine-André, occupée autrefois par des Bernardins, mais que la réformation a rendue deserte, & dont les revenus font aujourd’hui partie de ceux du prince.

Neuchatel, lac de, (Géogr.) autrement nommé lac d’Iverdun ; il a plus de sept lieues de longueur depuis Yverdun jusqu’à Saint-Blaise, mais il n’a guere que deux lieues dans sa plus grande largeur, qui est de la ville de Neuchatel à Cudefrin. Ce lac sépare la souveraineté de Neuchatel & le bailliage de Grandson en partie, des terres des deux cantons de Berne & de Fribourg. Il y a beaucoup d’apparence qu’il étoit autrefois plus étendu du côté d’Yverdun & de Saint-Blaise ; il n’est pas profond, & il se gele quelquefois, comme en 1695, cependant il ne se gela point dans le rude hiver de 1709. (D. J.)

NEVERS, (Géog.) ville de France, capitale du Nivernois, avec titre de duché, un ancien château, & un évêché suffragant de Sens. Elle est bâtie en forme d’amphitéâtre sur la Loire, qui y passe sous un pont au bout duquel est une levée du côté de Moulins. Nevers est à 12 lieues N. O. de Moulins, 10 S. E. de Bourges, 30 S. E. d’Orléans, 34 S. O. de Dijon, 55 S. E. de Paris. Long. 20. 49′. 25″. latit. 59. 13.

Nevers n’est point la Noviodunum de César, située dans le pays des Eduens ; son plus ancien nom est celui de Nivernum, qui a été formé à cause de la riviere de Nievre, qui se jette en cet endroit dans la Loire.

Après l’irruption des Barbares, Nevers resta sous la domination de ceux auxquels Autun appartenoit, & ce ne fut qu’ensuite qu’il fut érigé en cité & en ville épiscopale depuis le regne de Clovis. Après le déclin de la race de Charlemagne, les gouverneurs s’étant rendu absolus dans les villes où ils commandoient, le comte Guillaume devint propriétaire du comté de Nevers vers le milieu du x. siecle, sous le regne de Lothaire.

François de Cleves fut le premier duc de Nevers, après que cette ville eut été érigée en duché par François I. Le comté de Nevers est la premiere pairie créée en faveur d’un prince étranger.

On ne compte dans Nevers qu’environ 7000 ames,