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longueur ou la briéveté des rimes, de la richesse du choix, & du mélange des rimes, & enfin de l’assortiment des mots, au son desquels le poëte ne sauroit être trop attentif.

Il est un heureux choix de mots harmonieux,

dit Boileau.

Le nombre est donc ce qui fait proprement le caractere, & pour ainsi dire, l’air d’un vers. C’est par le nombre qui y regne qu’il est doux, coulant, sonore ; & par la privation de ce même nombre, qu’il devient foible, rude, ou dur. Les vers suivans, par exemple, sont très-coulans :

Au pié du mont Adulle, entre mille roseaux,
Le Rhin tranquile & fier du progrès de ses eaux,
Appuyé d’une main sur son urne penchante,
Dormoit au bruit flatteur de son onde naissante.

Au contraire celui-ci est dur ; mais l’harmonie n’en est pas moins bonne rélativement au but de l’auteur.

N’attendoit pas qu’un bœuf pressé de l’éguillon
Traçât à pas tardifs un pénible sillon

Le nombre de la prose est une sorte d’harmonie simple & sans affectation, moins marquée que celle des vers, mais que l’oreille pourtant apperçoit & goûte avec plaisir. C’est ce nombre qui rend le style aisé, libre, coulant, & qui donne au discours une certaine rondeur. Voyez Style.

Par exemple, cette période de l’oraison de Cicéron pour Marcellus est très-nombreuse : nulla est tanta vis, tantaque copia quæ non ferro ac viribus debilitari frangique possit. Veut-on en faire disparoître toute la beauté, & choquer l’oreille autant qu’elle étoit satisfaite, il n’y a qu’à changer cette phrase, nulla est vis tanta & copia tanta quæ non possit debilitari frangique viribus ac ferro.

Le nombre est un agrément absolument nécessaire dans toutes sortes d’ouvrages d’esprit, mais principalement dans les discours destinés à être prononcés. De-là vient qu’Aristote, Quintilien, Cicéron, & tous les autres rhéteurs, nous ont donné un si grand nombre de regles pour entremêler convenablement les dactyles, les spondées, & les autres piés de la prosodie grecque & latine, afin de produire une harmonie parfaite.

On peut réduire en substance à ce qui suit tous les principes qu’ils nous ont tracés à cet égard. 1°. Le style devient nombreux par la disposition alternative, & le mélange des syllabes longues & breves, afin que d’un côté la multitude des syllabes breves ne rende point le discours trop précipité, & que de l’autre les syllabes longues trop multipliées ne le rendent point languissant. Telle est cette phrase de Cicéron : domiti gentes immanitate barbaras, multitudine innumerabiles, locis infinitas, omni copiarum genere abundantes, où les syllabes breves & longues se compensent mutuellement.

Quelquefois cependant on met à dessein plusieurs syllabes breves ou longues de suite, afin de peindre la promptitude ou la lenteur des choses qu’on veut exprimer ; mais c’est plutôt dans les Poëtes que dans les Orateurs, qu’il faut chercher de ces cadences marquées qui font tableau. Tout le monde connoît ces vers de Virgile :

Quadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum,
Luctantes ventos tempestatesque sonoras.

Voyez Cadence.

2°. On rend le style nombreux en entremêlant des mots d’une, de deux, ou de plusieurs syllabes, comme dans cette période de Cicéron contre Catilina : vivis & vivis non ad deponendam, sed ad confirmandam audaciam. Au contraire, les monosyllabes trop

fréquemment répétés, rendent le style desagréable & dur, comme hac in re nos hic non feret.

3°. Ce qui contribue beaucoup à donner du nombre à une période, c’est de la terminer par des mots sonores, & qui remplissent l’oreille, comme celle-ci de Cicéron : qui locus quietis ac tranquillitatis plenissimus fore videbatur, in eo maximæ molestiarum, & turbulentissimæ tempestates extiterunt.

4°. Le nombre d’une période dépend non-seulement de la noblesse des mots qui la terminent, mais de tout l’ensemble de la période, comme dans cette belle période de l’oraison de Cicéron pour Fonteius, frere d’une des vestales : nolite pati, judices, aras deorum immortalium Vestæque matris, quotidianis virginum lamentationibus de vestro judicio commoveri.

5°. Pour qu’une période coule avec facilité & avec égalité, il faut éviter avec soin tout concours de mots & de lettres qui pourroient être desagréables, principalement la rencontre fréquente des consonnes dures, comme : ars studiorum, rex Xerxes ; la ressemblance de la premiere syllabe d’un mot avec la derniere du mot qui le précede, comme res mihi invisæ sunt : la fréquente répétition de la même lettre ou de la même syllabe, comme dans ce vers d’Ennius :

Africa, terribili tremit horrida terra tumultu.

Et l’assemblage des mots qui finissent de même, comme : amatrices, adjutrices, præstigiatrices fuerunt.

Enfin, la derniere attention qu’il faut avoir, est de ne pas tomber dans le nombre poétique, en cherchant le nombre oratoire, & de faire des vers en pensant écrire en prose ; défaut dans lequel Cicéron lui-même est tombé quelquefois ; par exemple, quand il dit : cum loquitur, tanti fletus gemitusque fiebant.

Quoique ces principes semblent particuliers à la langue latine, la plûpart sont cependant applicables à la nôtre ; car pour n’être point assujettie à l’observation des breves & des longues, comme le grec & le latin ; elle n’en a pas moins son harmonie propre & particuliere, qui résulte des cadences tantôt graves & lentes, tantôt légeres & rapides, tantôt fortes & impétueuses, tantôt douces & coulantes, que nos bons orateurs savent distribuer dans leurs discours, & varier selon la différence des sujets qu’ils traitent. C’est dans leurs ouvrages qu’il faut la chercher & l’étudier.

Nombre rentrant, (Horlogerie.) on appelle en Horlogerie nombres rentrans, quand le pignon qui engrene dans une roue, en divise les dents sans reste. Le commun des ouvriers estime que la perfection d’un rouage, consiste dans les nombres rentrans. M. de la Hire est d’un sentiment contraire ; pour moi, je croirois que cela est indifférent, & qu’il n’importe guere que les nombres soient rentrans, ou ne le soient pas, pourvu que les dents d’une roue soient bien égales. (D. J.)

Nombres, & petits filets se levent ensemble, termes de Vénerie ; ce sont les morceaux qui se prennent au-dedans des cuisses & des reins du cerf.

Nombre de Dios, (Géog.) ville ruinée en Amérique, dans la nouvelle Espagne, sur la côte septentrionale de l’isthme de Panama, au nord de la ville de même nom, & à l’orient de Porto-Bello. Ce lieu est tombé en ruines, parce que le havre y est mauvais, & que les Espagnols se sont établis à Porto-Bello, où le havre est merveilleux, & facile à défendre. (D. J.)

NOMBRER, v. act. (Arithm.) c’est exprimer le nombre marqué par un certain assemblage de chiffres. Voyez Numération.

NOMBRIL, s. m. (Anatomie.) autrement dit ombilic, terme dérivé du mot latin umbo, qui signifie la bosse qui s’élevoit au milieu du bouclier des anciens.