Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

te extérieure, bien différente de l’obligation morale, qui par elle-même a la force de pénétrer la volonté & de la fléchir par un sentiment intérieur ; en sorte que l’homme est porté à obéir de son propre mouvement, de son bon gré, & sans aucune violence.

Il convient donc de distinguer deux sortes d’obligations : l’une interne & l’autre externe. J’entends par obligation interne, celle qui émane de notre propre raison considérée pour la regle primitive de notre conduite, & en conséquence de ce qu’une action a en elle-même de bon ou de mauvais. L’obligation externe sera celle qui vient de la volonté de quelque être, dont on se reconnoît dépendant, & qui commande ou défend certaines choses sous la menace de quelque peine : ces deux obligations ne sont point opposées entr’elles ; car comme l’obligation externe peut donner une nouvelle force à l’obligation interne, aussi toute la force de l’obligation externe dépend en dernier ressort de l’obligation interne ; & c’est de l’accord & du concours de ces deux obligations que résulte le plus haut degré de nécessité morale, le lien le plus fort ou le motif le plus propre à faire impression sur l’homme, pour le déterminer à suivre constamment certaines regles de conduite, & à ne s’en écarter jamais.

On pourroit donc regarder, avec Cumberland, l’obligation morale, comme un acte du législateur, par lequel il donne à connoître que les actions conformes à sa loi sont nécessaires pour ceux à qui il les prescrit. Une action est regardée comme nécessaire à un agent raisonnable, lorsqu’il est certain qu’elle fait partie des causes absolument nécessaires pour parvenir à la félicité qu’il recherche naturellement, & par conséquent nécessairement. Ainsi nous sommes obligés à rechercher toujours & en toute occasion le bien commun, parce que la nature même des choses nous montre que cette recherche est absolument nécessaire pour la perfection de notre bonheur, qui dépend naturellement de l’attachement à procurer le bien de tous les êtres raisonnables.

L’obligation d’avancer le bien commun, comme une fin nécessaire, étant une fois établie, il s’ensuit que l’obligation commune de tous les hommes à suivre les maximes de la raison sur les moyens nécessaires pour le bonheur de tous, est suffisamment connue. Or toutes les maximes sont renfermées dans la proportion générale sur la bienveillance de chaque être raisonnable envers tous les autres. D’où il paroît clairement qu’une guerre de tous contre tous, ou la volonté que chacun auroit de nuire à tout autre, tendant à la ruine de tout, ne sauroit être un moyen propre à les rendre heureux, ni s’accorder avec les moyens nécessaires pour cette fin ; & par conséquent ne peut être ni ordonné ni permis par la droite raison. (D. J.)

Obligation ; (Jurisprudence.) signifie en général un lien de droit ou d’équité, & quelquefois de l’un & de l’autre, par lequel quelqu’un est tenu de faire ou de donner quelque chose.

Il y a des obligations purement naturelles, d’autres purement civiles, d’autres naturelles & civiles tout ensemble.

Les Romains distinguoient encore les obligations civiles des obligations prétoriennes.

Les diverses sortes d’obligations seront expliquées dans les subdivisions qui suivront cet article.

L’obligation procede de quatre causes ; savoir, d’un contrat, ou d’un quasi-contrat, d’un délit, ou quasi-délit. Voyez Contrat, Délit, Quasi-contrat, Quasi-délit

Les obligations ou contrats se forment en quatre manieres ; re, verbis, litteris, & solo consensu. Voyez Contrat.

On dit en droit que l’obligation est la mere de l’ac-

tion, parce qu’en effet toute action est produite par

une obligation ; & quand il n’y a point d’obligation, il n’y a point d’action. Mais il y a des obligations qui ne produisent point d’action ; les obligations naturelles, les obligations sans cause, les obligations contre les bonnes mœurs. Voyez Action.

On entend quelquefois par obligation l’écrit qui contient l’engagement ; & quand ce terme est pris dans ce sens, on entend ordinairement par obligation un contrat passé devant notaire, portant promesse de payer une somme qui est exigible en tout tems, ou du moins au bout d’un certain tems. Voyez aux Institutes les titres de obligationibus quibus modis re contrahitur obligatio ; de verborum obligationibus ; de litterarum obligat. de obligat. quæ in consensu ; de obligat. quæ ex delicto nascuntur. (A)

Obligation accessoire, est celle qui est ajoutée à l’obligation principale pour procurer au créancier plus de sûreté ; telles sont les obligations des gages, & les hypothéques relativement à l’obligation personnelle qui est la principale ; telles sont aussi les obligations des cautions & fidéjusseurs, lesquelles ne sont qu’accessoires relativement à l’obligation du principal obligé. Les obligations accessoires cessent lorsque l’obligation principale est acquittée. Voyez l’art. 132. des Placités du parlement de Rouen, voyez Obligation prncipale.

Obligation authentique, est celle qui est contractée devant un officier public, ou qui résulte d’un jugement.

Obligation en brevet, est celle qui est passée devant notaire sans qu’il en reste de minute chez le notaire, mais dont l’original est remis au créancier. Voyez Brevet.

Obligation causée, est celle dont la cause est exprimée dans l’acte, comme cela doit être pour la validité de l’obligation, mais toute obligation sans cause est nulle.

Obligation civile, est celle qui descend de la loi, mais qui peut être détruite par quelque exception péremptoire, au moyen de laquelle cette obligation devient sans effet ; telle est l’obligation que l’on a extorquée de quelqu’un par dol ou par violence. Pour former une obligation valable, il faut que l’obligation naturelle concoure avec la civile, auquel cas elle devient mixte. Voyez Obligation mixte & Obligation naturelle.

Obligation conditionnelle, est un engagement qui n’est contracté que sans condition : par exemple, si navis ex Asia venerit ; elle est opposée à l’obligation pure & simple.

Obligation confuse, est celle qui est éteinte en la personne du créancier par le concours de quelque qualité ou obligation passive qui anéantit l’action ; telle est l’obligation que le défunt avoit droit d’exercer contre son héritier, laquelle se trouve confuse en la personne de celui-ci par le concours des qualités de créancier & de débiteur qui se trouvent réunies en sa personne.

Obligation ad dandum, est un contrat par lequel on s’engage à donner quelque chose ; ce qui peut tenir de deux sortes de contrats spécifiés au droit romain, do ut des, facio ut des. Voyez les Institutes, liv. XII. tit. 14. (A)

Obligation écrite ou par écrit, est celle qui est rédigée par écrit, soit sous seing privé, ou devant notaire, ou qui résulte d’un jugement, à la différence de celles qui sont verbales, ou qui résultent d’un délit ou quasi-délit.

Obligation éteinte, est celle qui ne subsiste plus, soit qu’elle ait été acquittée par un payement, ou par quelque compensation, soit qu’elle soit présumée acquittée par le moyen de la prescription, ou