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vie, par leur habitude aux odeurs fortes dont ils sont sans cesse entourés, usent l’organe de leur odorat ; mais il est toûjours vrai que s’ils l’ont beaucoup moins fin que les animaux, ce n’est point à l’abus qu’ils en font que l’on doit en attribuer la cause, c’est dans le défaut de l’organe qu’il la faut chercher. La nature ne l’a point perfectionné dans l’homme, comme dans la plûpart des quadrupedes. Voyez le nombre de leurs cornets en volute, le merveilleux tissu du réseau qui les accompagne, & vous conclurez de la distance qui doit se trouver entre l’homme & la bête pour la finesse de l’odorat ! Considerez de quelle étendue sont les os spongieux dans les brutes ; comme leur cerveau est plus petit que celui de l’homme, cet espace qui manque vient augmenter leur nez : car la multiplicité des plis & des lames rend la sensation plus forte ; & c’est cette augmentation qui en fait la différence dans les bêtes mêmes. L’odorat est le seul organe par lequel elles savent distinguer si sûrement, & sans expérience sur tant de végétaux dont les montagnes des Alpes sont couvertes, ceux qui sont propres à leur nourriture, d’avec ceux qui leur seroient nuisibles. La nature, dit Willis, a moins perfectionné dans l’homme les facultés inférieures, pour lui faire cultiver davantage les supérieures ; mais si telle est la vocation de l’homme, on doit avouer qu’il ne la remplit guere. (Le chevalier de Jaucourt.)

Odorat, (Séméiotiq.) les signes que l’odorat fournit, n’ont pas jusqu’ici beaucoup enrichi la séméiotique, & attiré l’attention des praticiens. Hippocrate observateur si scrupuleux & si exact à saisir tout ce qui peut répandre quelque lumiere sur la connoissance & le pronostic des maladies, ne paroît avoir tiré aucun parti de l’odorat : ce signe ne doit être ni bien étendu, ni bien lumineux. Riviere & quelques autres praticiens, assurent avoir observé que la perte totale de l’odorat, étoit dans le cas de foiblesse extrème, signe d’une mort très-prochaine ; que les malades qui trouvoient une odeur forte & désagréable à la boisson, aux alimens & aux remedes, enfin à tout ce qu’on leur présentoit, étoient dans un danger pressant ; que ceux pour qui toutes les odeurs étoient fétides, avoient des ulceres dans le nez ou dans les parties voisines, ou l’estomac farci de mauvais sucs, ou toutes les humeurs sensiblement alterées. (m)

ODORIFÉRANT, se dit des choses qui ont une odeur forte, agréable & sensible à une certaine distance, voyez Odeur. Le jasmin, la rose, la tubéreuse, sont des fleurs odoriférantes. Voyez Parfum.

ODOWARA, (Géog.) petite ville du Japon dans l’île de Niphon, à 3 journées d’Iedo. Ce n’est que dans cette ville & à Méaco, qu’on prépare le cachou parfumé, au rapport du P. Charlevoix.

ODRISÆ, (Géog. anc.) ancien peuple de Thrace, qui devoit y tenir un rang considérable, puisque les Poëtes ont appellé la Thrace Odrisiæ tellus. La capitale de ce peuple se nommoit Odryssus, Odrysse ; ensuite Odrestiade, à-présent Adrianople.

Cette capitale de la Thrace est célebre par la naissance de Thamyris, poëte & musicien, dont l’histoire & la fable ont tant parlé. Ce fut la plus belle voix de son siecle, si nous en croyons Plutarque, qui ajoute qu’il composa un poëme de la guerre des Titans contre les dieux. Ce poëme existoit encore lorsque Suidas travailloit à son dictionnaire. Homere parle du défi que Thamyris fit aux muses, & de la punition de son audace. Pausanias dit que Thamyris perdit la vûe, non en punition de sa dispute contre les muses, mais par maladie. Pline prétend qu’il fut l’inventeur de la musique qu’on nommoit dorique. Platon a feint, suivant les principes de la métempsyco-

se, que l’ame de Thamyris passa dans le corps d’un

rossignol. (D. J.)

ODYSSÉE, s. f. (Belles-lettres.) poëme épique d’Homere, dans lequel il décrit les aventures d’Ulysse retournant à Itaque après la prise de Troie. Voyez Epique. Ce mot vient du grec Ὀδυσσεία, qui signifie la même chose, & qui est dérivé d’Ὀδυσσεύς, Ulysse.

Le but de l’iliade, selon le P. le Bossu, est de faire voir la différence de l’état des Grecs réunis en un seul corps, d’avec les Grecs divisés entre eux ; & celui de l’odyssée est de nous faire connoître l’état de la Grece dans ses différentes parties. Voyez Iliade.

Un état consiste en deux parties, dont la premiere est celle qui commande, la seconde celle qui obéit. Or il y a des instructions nécessaires & propres à l’une & à l’autre ; mais il est possible de les réunir dans la même personne.

Voici donc, selon cet auteur, la fable de l’odyssée. Un prince a été obligé de quitter son royaume, & de lever une armée de ses sujets, pour une expédition militaire & fameuse. Après l’avoir terminée glorieusement, il veut retourner dans ses états, mais malgré tous ses efforts il en est éloigné pendant plusieurs années, par des tempêtes qui le jettent dans plusieurs contrées, différentes par les mœurs, les coutumes de leurs habitans, &c. Au milieu des dangers qu’il court, il perd ses compagnons, qui périssent par leur faute, & pour n’avoir pas voulu suivre ses conseils. Pendant ce même tems les grands de son royaume, abusant de son absence, commettent dans son palais les désordres les plus criants, dissipent ses trésors, tendent des pieges à son fils, & veulent contraindre sa femme à choisir l’un d’eux pour époux, sous prétexte qu’Ulysse étoit mort. Mais enfin il revient, & s’étant fait connoître à son fils & à quelques amis qui lui étoient restés fideles, il est lui-même témoin de l’insolence de ses courtisans. Il les punit comme ils le méritoient, & rétablit dans son île la paix & la tranquillité qui en avoient été bannis durant son absence. Voyez Fable.

La vérité, ou pour mieux dire la moralité enveloppée sous cette fable, c’est que quand un homme est hors de sa maison, de maniere qu’il ne puisse avoir l’œil à ses affaires, il s’y introduit de grands désordres. Aussi l’absence d’Ulysse fait dans l’odyssée la partie principale & essentielle de l’action, & par conséquent la principale partie du poëme.

L’odyssée, ajoute le P. le Bossu, est plus à l’usage du peuple que l’iliade, dans laquelle les malheurs qui arrivent aux Grecs viennent plutôt de la faute de leurs chefs que de celle des sujets ; mais dans l’odyssée le grand nom d’Ulysse représente autant un simple citoyen, un pauvre paysan, que des princes, &c. Le petit peuple est aussi sujet que les grands à ruiner ses affaires & sa famille par sa négligence, & par conséquent il est autant dans le cas de profiter de la lecture d’Homere que les rois mêmes.

Mais, dira-t-on, à quel propos accumuler tant de fictions & de beaux vers pour établir une maxime aussi triviale que ce proverbe : Il n’est rien tel que l’œil du maître dans une maison. D’ailleurs pour en rendre l’application juste dans l’odyssée, il faudroit qu’Ulysse pouvant se rendre directement & sans obstacles dans son royaume, s’en fût écarté de propos déliberé ; mais les difficultés sans nombre qu’il rencontre lui sont suscitées par des divinités irritées contre lui. Le motif de la gloire qui l’avoit conduit au siege de Troie, ne devoit pas passer pour condamnable aux yeux des Grecs, & rien ce me semble ne paroît moins propre à justifier la volonté du proverbe, que l’absence involontaire d’Ulysse. Il est vrai que les sept ans qu’il passe à soupirer pour Ca-