L’Encyclopédie/1re édition/ODEUR

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ODEUR, s. f. (Physique.) sensation dont le siége est dans l’intérieur du nez, & qui est produite par des particules très-subtiles, qui s’échappant des corps, viennent frapper le siége de cette sensation.

L’intérieur du nez est revêtu d’une membrane appellée pituitaire ; elle est composée en grande partie des fibres du nerf olfactif. Voyez Nerf. Ces fibres ébranlées par l’action des corpuscules odorans, produisent la sensation de l’odorat. On peut voir un plus grand détail sur cette membrane dans les livres d’Anatomie, & dans les articles anatomiques de ce Dictionnaire, qui y ont rapport, comme Nez, Membrane pituitaire. On perd le sentiment de l’odorat dans les engorgemens de cette membrane, comme dans les rhumes de cerveau.

Les sensations de l’odorat & du goût, ont beaucoup de rapport entre elles ; non-seulement les organes de l’un & de l’autre sont voisins, & se communiquent, mais on peut même regarder l’odorat comme une espece de goût ; ordinairement le premier des sens avertit le second de ce qui pourroit lui être desagréable. Voyez Gout.

Le principal objet de l’odorat consiste vraissemblablement dans les sels volatils ; ces corpuscules capables d’ébranler l’organe de l’odorat, sont d’une extreme divisibilité ; c’est ce que l’expérience journaliere démontre. Un morceau d’ambre ou de muse mis successivement dans plusieurs chambres, les remplit d’odeur en un instant ; & cette odeur subsiste très-longtems sans qu’on apperçoive de diminution sensible dans le poids de ce morceau d’ambre, ni par conséquent dans la substance. Quand on met dans une cassolette de verre une liqueur odorante, & que la liqueur commence à bouillir, il en sort une vapeur très-forte qui se répand en un instant dans toute la chambre, sans que la liqueur paroisse avoir rien perdu de son volume. Voyez l’article Divisibilité, & la premiere leçon de l’Introductio ad veram physicam de Keill, où la divisibilité de la matiere est prouvée par des calculs tirés de la propagation même des odeurs. (O)

Voici un abregé de ce calcul : il y a, dit M. Keill, plusieurs corps dont l’odeur se fait sentir à cinq piés à la ronde : donc ces corps répandent des particules odorantes au-moins dans toute l’étendue de cette espace ; supposons qu’il n’y ait qu’une seule de ces parties dans chaque quart de pouce cubique. Cette supposition est vraissemblablement fort au-dessous de la vérité, puisqu’il est probable qu’une émanation si rare n’affecteroit point l’odorat ; on trouvera dans cette supposition, qu’il y a dans la sphere de cinq piés de rayon 57839616 particules échappées du corps, sans que ce corps ait perdu sensiblement de sa masse & de son poids.

M. Boyle a observé que l’assa fœtida exposée à l’air, avoit perdu en six jours une huitieme partie de grain de son poids ; d’où M. Keill conclut qu’en une minute elle a perdu de grain, & par un calcul auquel nous renvoyons, il fait voir que chaque particule est d’un pouce cube.

Dans ce calcul, on suppose les particules également distantes dans toute la sphere de cinq piés de rayon ; mais comme elles doivent être plus serrées vers le centre, (voyez Qualité) en raison inverse du quarré de la distance, M. Keill recommence son calcul d’après cette supposition, & trouve qu’en ce cas il faut multiplier par 21 le nombre de particules 57839616 ci-dessus trouvé ; ce qui donne 1214631-936 ; il trouve de plus que la grandeur de chaque particule est de pouce. Voyez les articles Divisibilité & Ductilité. Voyez aussi Ecoulemens, Emanations, &c. (O)

1°. Du mélange de deux corps, qui par eux-mêmes n’ont aucune odeur, on peut tirer une odeur d’urine, en broyant de la chaux vive avec du sel ammoniac.

2°. Au moyen du mélange de l’eau commune, qui par elle même ne sent rien avec un autre corps sans odeur, il peut en résulter une bien mauvaise odeur : ainsi le camphre dissous dans l’huile de vitriol, n’a point d’odeur ; mais si on y mêle de l’eau, il répand aussi-tôt une odeur très-forte.

3°. Les corps composés peuvent répandre des odeurs qui ne ressemblent en rien à l’odeur des corps simples dont ils sont composés. Ainsi l’huile de térébenthine mêlée avec une double quantité d’huile de vitriol, & ensuite distillée, ne répand qu’une odeur de soufre après la distillation. Mais si on met sur un feu plus violent ce qui est resté dans la retorte, il en résultera une odeur semblable à celle de l’huile de cire.

4°. Il y a plusieurs odeurs qu’on ne tire des corps que par l’agitation & le mouvement. Ainsi le verre, les pierres, &c. qui ne répandent point d’odeur, même quand elles sont échauffées, en répandent cependant une forte, quand on les frotte, & qu’on les agite d’une maniere particuliere : principalement le bois d’hêtre quand on le travaille au tour, laisse une espece d’odeur de rose.

5°. Un corps dont l’odeur est forte étant mêlée avec un autre qui ne sent rien, peut perdre tout-à-fait son odeur. Ainsi si on répand de l’eau-forte dont on n’a pas bien ôté le phlegme, sur du sel de tartre, jusqu’à ce qu’il ne fermente plus, la liqueur, lorsqu’elle est évaporée, laisse un crystal sans odeur, qui ressemble beaucoup au sel de nitre ; mais en le brûlant il répand une très-mauvaise odeur.

6°. Du mélange de deux corps, dont l’un sent très-mauvais, & l’autre ne sent pas bon, il peut résulter une odeur aromatique très-gracieuse : par exemple, du mélange de l’eau forte ou de l’esprit de nitre avec l’esprit-de-vin inflammable.

7°. L’esprit-de vin, mêlé avec le corps qui a le moins d’odeur, peut former une odeur aromatique bien agréable. Ainsi l’esprit-de-vin inflammable, & l’huile de vitriol de Dantzic mêlés ensemble en égale quantité, & ensuite digérés, & enfin distillés, donnent un esprit d’une odeur bien gracieuse.

8°. Le corps le plus odoriférant peut dégénérer en une odeur puante, sans y rien mêler. Ainsi si on garde dans un vase bien fermé, l’esprit dont il est parlé dans la premiere expérience, elle se changera aussi-tôt en une odeur d’ail.

9°. De deux corps dont l’un n’a point d’odeur, & l’autre en a une mauvaise, il peut résulter une odeur agréable, semblable à celle du musc : par exemple, en jettant des perles dans l’esprit de vitriol : car quand les perles sont dissoutes, le tout répand une fort bonne odeur.

On employe souvent les odeurs dans les maladies hystériques & hypocondriaques ; ce sont, par exemple, l’assa fœtida, le camphre, &c.

Les odeurs sont pernicieuses aux uns, & sur-tout aux femmes : cependant cela varie selon les tems & les modes. Autrefois qu’en cour les odeurs étoient proscrites, les femmes ne les pouvoient supporter ; aujourd’hui qu’elles sont à la mode, elles en sont infatuées ; elles se plaisent à se parfumer & à vivre avec ceux qui sont parfumés.

Les odeurs ne produisent donc pas toujours l’effet qu’on leur a attribué depuis long-tems, qui est de donner des vapeurs ; puisqu’aujourd’hui toutes les femmes sont attaquées de vapeurs, & que d’ailleurs elles aiment si fort les odeurs ; qui plus est, c’est qu’on ordonne aujourd’hui le musc pour l’épilepsie, les mouvemens convulsifs, & les spasmes. Il faut donc que l’on lui reconnoisse quelque chose d’antispasmodique.

Il faut convenir que les odeurs fortes, disgracieuses, & fétides, tels que le castoreum, l’assa fœtida, la savate brûlée, & autres de cette nature, sont excellentes dans les accès de vapeurs, de quelque maniere qu’elles produisent leur effet. Cela ne peut arriver, qu’en remettant les esprits dans leur premier ordre, & en leur rendant leurs cours ordinaires. Voyez Musc.

Odeur, (Critique sacrée.) ce mot signifie figurément plusieurs choses dans l’Ecriture : par exemple, 1°. un sacrifice offert à Dieu : Non capiam odorem cætuum vestrorum, Amos, v. 21. je n’accepterai point les victimes que vous m’offririez dans vos assemblées. Odoratus est Dominus odorem suavitatis, Genese, viij. 21. Dieu agréa le sacrifice de Noé. 2°. Il signifie une mauvaise réputation, Exode, v. 21. Jacob se plaint pareillement à ses fils, de ce que par le meurtre de Sichem, ils l’avoient mis en mauvaise odeur, chez les Cananéens. 3°. Odor ignis, l’odeur du feu, se met pour la flamme même, quoniam odor ignis non transuiset per eos, ils n’avoient point senti l’activité du feu, Daniel, iij. 94. 4°. Le mot bonne odeur, veut dire une chose excellente : sicut balsamum aromatisans odorem dedi, Ecclés. xxiv. 20. J’ai répandu une bonne odeur, l’odeur d’un baume précieux ; cette bonne odeur étoit celle de la doctrine & des préceptes de la loi. (D. J.)