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plets sur des airs connus, que l’orchestre jouoit, que des gens gagés, répandus parmi les spectateurs, chantoient, & que le public accompagnoit souvent en chorus : cette idée donnoit au spectacle une gaieté qui en fit long-tems le mérite. Enfin l’opéra comique, à la sollicitation des comédiens françois, fut tout-à-fait supprimé.

Les comédiens italiens qui, depuis leur retour à Paris en 1716, faisoient une recette médiocre, imaginerent, en 1721, de quitter pour quelque tems leur théâtre de l’hôtel de Bourgogne, & d’en ouvrir un nouveau à la foire : ils y jouerent trois années consécutives pendant la foire seulement ; mais comme la fortune ne les favorisa point dans ce nouvel établissement, ils l’abandonnerent.

On vit encore reparoître l’opéra commique en 1724, mais en 1745, ce spectacle fut entierement aboli. L’on ne jouoit plus à la foire que des scenes muettes & des pantomimes.

Enfin le sieur Monet a obtenu la permission de rétablir ce spectacle à la foire S. Germain de l’année 1752. Il ne consiste que dans le choix d’un sujet qui produise des scenes bouffonnes, des représentations assez peu épurées, & des vaudevilles dont le petit peuple fait ses délices.

Opéra italien, (Spectacle moderne) ce spectacle fut inventé au commencement du xvij. siecle à Florence, contrée alors favorisée de la fortune comme de la nature, & à laquelle on doit la réproduction de plusieurs arts anéantis pendant des siecles, & la création de quelques-uns. Les Turcs les avoient chassés de la Grece, les Médicis les firent revivre dans leurs états. Ce fut en 1646 que le cardinal Mazarin fit représenter en France pour la premiere fois des opéras italiens exécutés par des voix qu’il fit venir d’Italie.

Mais nos premiers faiseurs d’opéra ne connurent l’art & le génie de ce genre de poëme dramatique qu’après que le goût des François eut été élevé par les tragédies de Corneille & de Racine. Aussi nous ne saurions plus lire aujourd’hui sans dédain l’opéra de Gilbert & la Pomone de l’abbé Perrin. Ces pieces écrites depuis 90 ans nous paroissent des poëmes gothiques, composés cinq ou six générations avant nous. Enfin M. Quinault, qui travailla pour notre théâtre lyrique, après les auteurs que j’ai cités, excella dans ce genre ; & Lully, créateur d’un chant propre à notre langue, rendit par sa musique aux poëmes de Quinault l’immortalité qu’elle en recevoit. (D. J.)

Opéra, est aussi un mot consacré en musique pour distinguer les différens ouvrages d’un même auteur. On dit l’opera octava de Corelli, l’opera terza de Vivaldi, &c. On traduit ce mot en françois par œuvre. Voyez Œuvre. L’un & l’autre sont principalement en usage pour la symphonie. (S)

Opéra, terme de jeu ; c’est le repic & le capot au piquet. Celui qui essuie ce coup est opéra. Les quatre coups pic, repic, blanche & capot, repic & capot, dans le même coup, s’appelle grand opéra.

OPERATEUR, s. m. (Chirurgie.) celui qui opere de la main sur le corps de l’homme, pour lui conserver ou lui rétablir la santé. L’opération étant le caractere distinctif de la partie de l’art de guérir, connu sous le nom de chirurgie, l’on n’a souvent cherché dans le chirurgien que la qualité d’opérateur. Nous avons démontre au mot Chirurgie, l’erreur de ceux qui en auroient une si fausse idée. On peut cependant considerer par abstraction, le chirurgien comme opérateur, & déterminer quelles qualités il doit avoir pour exercer avec habileté les opérations, & comment il peut acquerir ces qualités.

Suivant Celse, qui a fait de la Chirurgie le plus bel éloge, les fonctions de cet art ne seroient dévo-

lues qu’à de jeunes gens. Il faut, dit-il expressément, que le chirurgien soit jeune, ou du moins

peu avancé en âge, ce qui ne doit sans doute s’entendre que des éleves : car Hippocrate qui a cultivé la Chirurgie avec tant de soins & de succès, & tous ceux qui dans l’antiquité l’ont enrichie de leurs découvertes, n’étoient sûrement pas dans la premiere jeunesse, lorsqu’ils s’immortalisoient en contribuant par leurs travaux aux progrès d’une science & d’un art qui exige tant d’expérience & d’études. Le chirurgien, continue Celse, doit avoir la main ferme, adroite & jamais tremblante ; qu’il se serve de la gauche comme de la droite ; qu’il ait la vûe claire, perçante ; qu’il soit courageux, & ne s’abandonne point à la compassion, animo intrepidus, immisericors. Les interpretes ont souvent mal rendu ce dernier terme, en le traduisant par ceux d’impitoyable & d’insensible. Un chirurgien ne peut assez adoucir, par la sensibilité qu’il marque au malade, les douleurs qu’il est obligé de lui faire sentir. Celse, cet auteur si élégant, & qui a écrit avec tant de précision, semble avoir prévu le mauvais sens qu’on pouvoit prêter à son expression ; car il l’a commentée par deux ou trois phrases dont le résultat est de dire que le chirurgien doit opérer sans s’émouvoir, & comme si les plaintes du malade ne faisoient aucune impression sur lui, ce que ne rendent point les termes d’insensible ou d’impitoyable.

Pour envisager la Chirurgie du côté des opérations, nous distinguerons deux sortes d’opérations : 1°. les opérations reglées qu’on peut apprendre sur les cadavres ; & secondement celles que nous appellons cas de Chirurgie, qui sont toutes des opérations singulieres ; telles sont toutes celles dont le hasard fournit les occasions, qu’on n’apprend point par le même exercice, & qu’on n’est en état de pratiquer que par les lumieres de l’esprit acquises par l’étude. Les premieres, c’est-à-dire les opérations qu’on peut essayer sur les cadavres, sont en très-petit nombre ; telles sont le trépan, l’amputation des membres, la lithotomie, l’empyeme, & quelques autres. Le tems qu’il faut pour acquérir la facilité d’exercer ces opérations sur les corps morts, est fort borné. Un chirurgien qui a appris l’Anatomie, & qui sait diriger un scalpel pour dégraisser un muscle, chose qui est très-facile, a beaucoup plus d’adresse qu’il n’en faut pour faire une amputation ou toute autre opération. N’y a-t-il pas des paysans, des manœuvres grossiers, qui font avec la plus grande dextérité sur des animaux, des opérations qui passent pour les plus délicates, & qui le sont en effet ? Celles qu’on estime les plus difficiles, ne sont qu’une dissection grossiere & fort aisée, en ne les regardant que du côté du manuel, & de la dextérité qu’on requiert pour les pratiquer. Ce n’est pas par l’exercice continuel qu’on devient bon opérateur ; les mains sont toujours suffisamment disposées pour exécuter ce que l’intelligence prescrit. Il seroit ridicule de penser qu’un habile chirurgien qui, par exemple, n’auroit pas fait l’opération du trépan depuis 4 ans, fût moins en état de la faire, qu’un médiocre qui l’auroit pratiquée depuis 3 mois. On sait que les grandes opérations ne sont pas journalieres hors des hôpitaux ; & dans les hôpitaux mêmes, on n’est pas surpris d’être plusieurs années sans trouver l’occasion d’en pratiquer la plus grande partie. De plus, quand les opérations seroient plus fréquentes dans les hôpitaux, on sait qu’il n’y a qu’un très-petit nombre de spectateurs qui puissent voir l’opérateur, souvent en l’incommodant beaucoup, & toujours en s’incommodant eux-mêmes, & s’empêchant mutuellement de rien voir distinctement.

D’ailleurs que peut-on apprendre en voyant opérer ? Si l’on y fait sérieusement réflexion, on réduira