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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/546

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venir de ce que l’exhalaison s’éteint avant d’être entierement consumée (ce qui peut arriver de plusieurs façons que chacun peut aisément imaginer) ; car cela posé, les parties qui restent après l’extinction, doivent s’approcher les unes des autres, à mesure qu’elles se réfroidissent à cause de la pression de l’air environnant, & du peu de résistance de l’air intérieur (voyez ce qu’on a dit sur la grêle), ou même parce que les petits intervalles qu’elles laissent entre elles sont remplis d’une matiere encore plus subtile que l’air le plus subtil, laquelle n’ayant plus cette action que lui donnoit le feu avant de s’éteindre, doit aisément céder à la pression de l’air extérieur. Or il n’en faut pas davantage, pour que des exhalaisons séparées des vapeurs, puissent former un corps dur & solide. C’est ainsi que le plomb rendu liquide par l’action du feu, se durcit en se réfroidissant : encore pour rendre la comparaison plus juste, peut-on supposer que la matiere qui reste & qui a été épargnée par le feu, est sur-tout composée des parties métalliques ?

Je ne m’étendrai pas davantage sur ce détail des effets de la foudre, qui me meneroient trop loin ; & je passe à l’explication de quelques phénomenes que je crois nécessaires pour mieux développer le fond du système.

1°. Les orages se forment le plus souvent sur le soir, & sont ordinairement annoncés par un vent du levant, connu sous le nom du vent dautan.

Parce qu’alors le soleil couchant, donnant à l’air un mouvement vers l’orient, opposé à celui que lui imprime le vent du levant, les nuages s’assemblent & demeurent immobiles au point de concours de ces deux vents, en sorte que les fermens qu’ils portent avec eux, ou ceux qui ont été élevés jusques là par la chaleur du jour, peuvent agir sur eux, sans que leur action soit traversée par aucun mouvement ni des nuages eux-mêmes, ni de l’air qui les soutient.

2°. Il arrive souvent que plusieurs orages se forment au même endroit dans un même jour, quelquefois même le lendemain & les jours suivans ; comme aussi qu’ils se jettent tous du même côté, & suivant exactement la même voie.

C’est une suite du dérangement que la descente du premier orage a laissé dans l’air ; car à mesure qu’il est descendu, il a été remplacé principalement par l’air qu’il avoit au-dessus de lui, lequel ne se trouvant plus soutenu, a dû le suivre & tomber avec lui. Or, dès que le calme commence à se rétablir, cet air ou d’autre encore qui est venu d’ailleurs, & a succédé au premier, n’ayant pas la densité requise pour se maintenir en cet endroit, doit insensiblement se remettre à sa place ; & par ce mouvement tirer à lui l’air environnant ensemble les nuages qui s’y trouvent, lesquels ainsi assemblés & immobiles pourront former un second orage, si la chaleur favorise l’action des fermens qu’ils portent avec eux, ou facilite l’élévation de ceux qui se trouvent répandus au-dessous.

Par la même raison tout l’espace que le premier orage a parcouru en descendant obliquement vers la terre, se trouve rempli d’un air qui n’étant pas à sa place, doit en sortir dès que le calme commence à favoriser son retour : donc les orages qui se forment au même endroit que le premier, trouvant moins de résistance de ce côté, doivent suivre la même voie.

En effet, dès que le second orage élevé par la fermentation arrive au point d’où le premier est parti, la matiere qui le compose doit se répandre dans la voie qu’il a suivie, à cause du peu de résistance qu’elle y trouve, ainsi qu’on vient de le dire ; & ce mouvement ne peut se faire, comme l’on voit, sans que la fermentation en souffre : donc, cæteris paribus,

la fermentation s’affoiblira dans cette partie de l’orage plutôt que dans toute autre. Or, j’ai dit ailleurs que la position de la partie de l’orage, qui est la premiere à s’affoiblir, détermine le point de l’horison vers lequel le corps de l’orage doit être poussé.

3°. On voit quelquefois des orages se diviser en deux parties, dont l’une paroît demeurer immobile, tandis que l’autre s’écarte de la premiere.

Cela vient de ce que la fermentation s’affoiblit dans une partie de l’orage, tandis qu’elle fait du progrès dans la partie voisine : car, cela posé, celle-ci doit s’élever en même-tems que l’autre plongera obliquement en se séparant de la premiere ; & c’est une exception à ce qu’on a dit ailleurs. pp. précédentes, qu’une partie de l’orage qui descend doit entraîner la partie voisine : ce qui ne doit arriver, comme l’on voit, qu’autant que cette derniere est entraînée d’un côté avec plus de force qu’elle n’est élevée de l’autre par l’action de la fermentation.

4°. Les deux parties d’un orage qui se divise prennent quelquefois differentes routes, & vont fondre en même tems l’un d’un côté, & l’autre de l’autre.

Parce que la fermentation s’affoiblit considérablement & en même tems aux deux extrémités opposées de l’orage ; car dans ce cas, chacune des extrémités doit entraîner la partie voisine ; ce qui ne peut se faire sans que l’orage se divise en deux parties, dont l’une plongera d’un côté, & l’autre de l’autre. On voit même que l’égalité ou l’inégalité de ces deux parties doit dépendre de l’égalité ou de l’inégalité de cet affoiblissement qui survient de deux côtés en même tems.

5°. A mesure qu’un orage fond en s’avançant vers nous, il paroît s’étendre de tous côtés, & couvrir une plus grande partie de notre horison.

Premierement, parce que l’angle sous lequel nous le voyons, devient toujours plus grand, à mesure qu’il approche de notre zénith, & même à mesure qu’il descend vers la terre.

En second lieu, parce que la base de l’orage doit en effet s’étendre de tous côtés dès qu’il commence à fondre ; car la couche supérieure de la matiere qui le compose, se trouvant moins soutenue par l’action de la fermentation, doit se répandre vers les extrémités de la couche inférieure, & augmenter ainsi l’étendue de cette partie de sa surface qui est tournée vers nous.

Ce qui n’empêche pas que le volume de la matiere qui fermente ne diminue à mesure que la fermentation tombe, comme on l’a dit ailleurs ; car il suffit pour cela que la solidité du corps de l’orage, ou le produit de sa base par sa hauteur, perde plus par la diminution de la hauteur ou profondeur, qu’elle ne gagne par l’agrandissement de la base.

6°. Il arrive souvent qu’un orage qui a été poussé pendant quelque tems vers un certain point de l’horison, change tout-à-coup de direction, & se jette d’un autre côté.

Cela doit arriver en premier lieu, lorsque la fermentation qui n’a encore diminué que très-peu dans une partie latérale de l’orage, vient à cesser tout-à-coup, ou à diminuer sensiblement dans cette même partie ; car par la même raison que le corps de l’orage s’est jetté sur sa partie antérieure lorsque la fermentation s’est affoiblie en cet endroit, il doit maintenant se jetter sur sa partie latérale, & changer ainsi la direction de son mouvement progressif, & celle de l’air qui le suit & le pousse devant lui.

La même chose doit arriver en second lieu, lorsque quelque obstacle considérable, par exemple, une montagne, se trouve dans le plan perpendiculaire de sa ligne de route ; car l’air pressé par la descente de l’orage contre la partie antérieure de la mon-