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leurs pensées pour des révélations, & ce qui leur arrivoit pour des miracles.

Ces directeurs étant nourris de la méthode & des subtilités de la scholastique qui régnoit alors, ne manquerent pas de l’appliquer à l’oraison mentale, dont ils firent un art long & pénible, prétendant distinguer exactement les divers états d’oraison & les degrés du progrès dans la perfection chrétienne. Et comme c’étoit la mode depuis long tems de tourner toute l’Ecriture à des sens figurés, faute d’en entendre la lettre, ces docteurs y trouverent tout ce qu’ils voulurent ; ainsi se forma la Théologie mystique que nous voyons dans les écrits de Rusbroc, de Taulere, & des auteurs semblables. A force de subtiliser, ils employoient souvent des expressions outrées, & avançoient des paradoxes auxquels il étoit difficile de donner un sens raisonnable. Ces excès produisirent les erreurs des faux Gnostiques, celles des Béguarres & des Béguines, & dans le dernier siecle, celle de Molinos & des Quiétistes. L’autre effet de la spiritualité outrée est le fanatisme, tel que celui de Grégoire Palamas & des moines grecs du mont Athos dans le quatorzieme siecle. La vraie oraison mentale doit être simple, solide, courte, & tendant directement à nous rendre meilleurs. (D. J.)

ORAL, adj. (Gramm.) Dans l’usage ordinaire, oral veut dire qui s’expose de bouche ou de vive voix ; & on l’emploie principalement pour marquer quelque chose de différent de ce qui est écrit : la tradition orale, la tradition écrite.

En Grammaire, c’est un adjectif qui sert à distinguer certains sons ou certaines articulations des autres élémens semblables.

Un son est oral, lorsque l’air qui en est la matiere sort entierement par l’ouverture de la bouche, sans qu’il en reflue rien par le nez : une articulation est orale, quand elle ne fait refluer par le nez aucune partie de l’air dont elle modifie le son. Tout son qui n’est point nasal est oral ; c’est la même chose des articulations.

On appelle aussi voyelle ou consonne orale, toute lettre qui représente ou un son oral ou une articulation orale. Voyez Lettre, Voyelle, Nasal. (B. E. R. M.)

Oral, s. m. terme de Liturgie ; c’étoit un voile ou une coëffe que portoient autrefois les femmes religieuses. Le concile d’Arles de 1234 nomme oral, le voile qu’il ordonne aux Juives de porter quand elles vont par la ville ; enfin aujourd’hui on appelle de ce nom une espece de grand voile que le pape met sur sa tête, qui se replie sur ses épaules & sur sa poitrine quand il dit la messe. (D. J.)

Orale, loi, (Théolog. judaïq.) c’est la loi traditionnelle des Juifs, qui leur est parvenue, à ce qu’ils prétendent, de bouche en bouche jusqu’au rabbi Judas Haccadosh, c’est-à-dire le saint, qui vivoit quelque tems après Adrien, & qui écrivit cette loi dans le livre nommé la Misna. Voyez Misna.

On sait que les Juifs reconnoissent deux sortes de lois : la loi écrite, qui est celle que nous avons dans l’Ecriture ; & la loi orale ou traditionnelle. Ils pensent que ces deux lois ont été données à Moïse sur le mont Sinaï, l’une par écrit, & l’autre de bouche ; & que cette derniere a passé de main en main d’une génération à l’autre par le moyen de leurs anciens. Ils se croient obligés d’observer l’une & l’autre loi, mais sur tout la loi orale, qui, disent-ils, est une explication complette de la loi écrite, supplée tout ce qui y manque, & en leve toutes les difficultés. Mais ces traditions que les Juifs estiment tant, n’ont aucun fondement solide, aucune authenticité pour les garantir ; elles ne sont en effet que la production de la fertile invention des Talmudistes, & n’offrent

à l’esprit qu’un amas de miseres, de fables & d’inepties. Voyez Talmud. (D. J.)

ORAN, (Géog.) forte & importante ville d’Afrique, sur la côte de Barbarie, au royaume de Trémécen, avec plusieurs forts & un excellent port. Le cardinal Ximenès prit cette ville au commencement du seizieme siecle. Les Algériens la reprirent en 1708. Le comte de Montemar s’en empara en 1732 pour l’Espagne. Elle est à un jet de pierre de la mer, partie dans une plaine, partie sur la pente d’une montagne fort escarpée, vis-à-vis de Carthagène, à une lieue de Marsalquivir, vingt de Trémécen, cinquante d’Alger. Long. 17. 40. lat. 37. 40. (D. J.)

ORANCAIES, (Hist. mod.) c’est le titre que l’on donne à la cour du roi d’Achem, dans l’île de Sumatra, à des gouverneurs que ce prince charge des départemens des provinces. Leur conduite est continuellement éclairée par ces souverains despotiques & soupçonneux, de peur qu’ils n’entreprennent quelque chose contre leurs intérêts. Ces seigneurs tiennent à grand honneur d’être chargés du soin des coqs du monarque qui, ainsi que ses sujets, s’amuse beaucoup des combats de ces sortes d’animaux.

ORANGE, (Diete, Médecine, &c.) c’est le fruit de l’oranger : voyez l’article Oranger. Les meilleures oranges, ou, pour parler avec les Poëtes, les pommes d’or du jardin des Hespérides, nous sont apportées des pays chauds, des îles d’Hières en Provence, de Nice, de la Cioutat, d’Italie, d’Espagne, de Portugal, de l’Amérique même, & de la Chine. On distingue deux especes générales de ce beau fruit : l’orange douce, & l’orange amere. Le suc, l’écorce, le sirop, l’essence, la teinture, la conserve, & l’eau distillée des fleurs, sont d’usage en Médecine.

Le suc d’orange humecte, rafraîchit, convient dans toutes sortes de fievres, sur-tout dans les fievres ardentes & putrides, dans toutes les maladies inflammatoires & bilieuses ; c’est un vrai spécifique dans le scorbut alkalin & muriatique. Les autres préparations d’orange comme l’écorce, la teinture, la conserve, la fleur confite, &c. sont recommandables à toutes sortes d’âges aux personnes d’un tempérament flegmatique, dans les maladies des visceres lâches, dans celles qui naissent d’un suc visqueux ou de l’inertie des fibres musculaires.

L’écorce d’orange contient beaucoup d’huile essentielle & grossiere, mêlée avec un sel essentiel, tartareux & austere. L’écorce d’orange aigre est préférable à l’écorce d’orange douce. On donne l’huile essentielle de cette écorce distillée avec du sucre, ou sous la forme d’eleosaccharum. On tire aussi de cette même écorce seche ou fraîche, une teinture avec l’esprit-de-vin tartarisé que l’on recommande pour diviser les humeurs épaisses, exciter les regles, & fortifier l’estomac. On confit avec le sucre ces mêmes écorces, & c’est une confiture des plus délicates.

Le suc exprimé d’orange, délayé dans de l’eau & adouci avec le sucre, fait une boisson que l’on appelle communément orangeade. Elle est très-agréable en santé, propre dans les grandes chaleurs, & très utile dans la fievre & le scorbut.

La fleur d’orange contient un sel essentiel ammoniacal, un peu austere, uni à beaucoup d’huile aromatique, soit subtile soit grossiere. Cette fleur à cause de son odeur agréable est fort en usage, soit dans les parfums, soit dans les assaisonnemens. C’est presque cette seule odeur qui a pris le dessus parmi nous, sur celle de l’ambre & du musc.

On tire des fleurs d’orange, par la distillation, une eau pénétrante, suave, & utile par sa douce & agréable amertume. Elle calme pour le moment les mouvemens spasmodiques de l’hystérisme ; si elle sent l’empyreume, elle perd cette odeur par la ge-