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c’est-à-dire, de gens des plus distingués par la valeur, la naissance & les talens. Voyez Argo. (D. J.)

Navire d’Argos, (Astron.) grande constellation méridionale près du chien au-dessous de l’hydre. Elle est composée de 57 étoiles.

M. Halley se trouvant dans l’île de sainte Helene, a déterminé la longitude & la latitude de 46 de ces étoiles, qu’Hevelius a réduites à l’année 1700 dans son prodromus astronomiæ, pag. 312. Le P. Noel a déterminé l’ascension & la déclinaison de ces étoiles pour l’année 1687 dans les observations mathématiques & physiques. Il a aussi donné la figure de la constellation entiere dans cet ouvrage, de même que Bayer Vranometria, Plan. q. q. & Hévelius Firmamentum sobiescianum, fig. EEe. Quelques astronomes donnoient à cette constellation le nom de l’arche de Noé. On l’appelle encore currus volitans, marea & sephina. Dictionn. de mathémat. (D. J.)

Navire profoncié, terme de Marine, vaisseau qui tire beaucoup d’eau, & à qui il en faut beaucoup pour le faire flotter.

Navire sacré, (Antiquit. égypt. grecq. & rom.) On appelloit navires sacrés chez les Egyptiens, les Grecs & les Romains, des bâtimens qu’on avoit dédiés aux dieux.

Tels étoient chez les Egyptiens 1o . le vaisseau qu’ils dédioient tous les ans à Isis ; 2o . celui sur lequel ils nourrissoient pendant quarante jours le bœuf Apis, avant que de le transférer de la vallée du Nil à Memphis, dans le temple de Vulcain. 3o . La nacelle nommée vulgairement la barque à Caron, & qui n’étoit employée qu’à porter les corps morts du lac Achéruse ; c’est de cet usage des Egyptiens qu’Orphée prit occasion d’imaginer le transport des ames dans les enfers au-delà de l’Achéron.

Les Grecs nommerent leurs navires sacrés, θεωγίδες ou ἰεραγωγοὶ. Mais entre les bâtimens sacrés qu’on voyoit en différentes villes de la Grece, les auteurs parlent sur-tout de deux galeres sacrées d’Athènes, qui étoient particulierement destinées à des cérémonies de religion, ou à porter les nouvelles dans les besoins pressans de l’état.

L’une se nommoit la Parale, ou la galere Paraliene, ναῦς παράλος ; elle emprunta son nom du héros Paralus, dont parle Euripide, & qui joint à Thésée, se signala contre les Thébains. Ceux qui montoient ce navire s’appelloient Paralliens, dont la paie étoit plus forte que celle des autres troupes de marine. Quand Lisandre eut battu la flotte athénienne dans l’Hellespont, l’on dépêcha la galere Paralienne, avec ordre de porter au peuple cette triste nouvelle.

L’autre vaisseau, dit le Salaminien, ou la galere Salaminienne, ναῦς σαλαμίνια, prit, selon les uns, sa dénomination de la bataille de Salamine, & selon les autres, de Nausitheus, son premier pilote, natif de Salamine ; c’étoit cette célebre galere à trente rames, sur laquelle Thésée passa dans l’île de Crête, & en revint victorieux ; on la nomma depuis Déliaque, parce qu’elle fut consacrée à aller tous les ans à Délos y porter les offrandes des Athéniens, à l’acquit du vœu que Thésée avoit fait à l’Apollon Délien pour le succès de son expédition de Crete. Pausanias assure que ce navire étoit le plus grand qu’il eût jamais vu. Lorsqu’on rappella de Sicile Alcibiade, afin qu’il eût à se justifier des impiétés dont on l’accusoit, on commanda pour son transport la galere Salaminienne. L’une & l’autre de ces galeres sacrées servoit aussi à ramener les généraux déposés ; & c’est en ce sens que Pitholaüs appelloit la galere paralienne, la massue du peuple.

Les Athéniens conserverent la galere salaminien-

ne pendant plus de mille ans, depuis Thésée jusques

sous le regne de Ptolomée Philadelphe ; ils avoient un très-grand soin de remettre des planches neuves à la place de celles qui vieillissoient ; d’où vint la dispute des philosophes de ce tems-là, rapportée dans Plutarque ; savoir, si ce vaisseau, dont il ne restoit plus aucune de ses premieres pieces, étoit le même que celui dont Thésée s’étoit servi : question que l’on fait encore à présent au sujet de Bucentaure, espece de galéace sacrée des Vénitiens.

Outre ces deux vaisseaux sacrés dont je viens de parler, les Athéniens en avoient encore plusieurs autres ; savoir, l’Antigone, le Démétrius, l’Ammon, & celui de Minerve. Ce dernier vaisseau étoit d’une espece singuliere, puisqu’il étoit destiné à aller non sur mer, mais sur terre. On le conservoit très religieusement près l’aréopage, ainsi que le dit Pausanias, pour ne paroître qu’à la fête des grandes panathénées, qui ne se célébroient que tous les cinq ans le 23 du mois Hécatombéon, qui, selon Potter, répondoit en partie à notre mois de Juillet. Ce navire servoit alors à porter en pompe au temple de Minerve, l’habit mystérieux de la déesse, sur lequel étoient représentées la victoire des dieux sur les géants, & les actions les plus mémorables des grands hommes d’Athènes. Mais ce qu’on admiroit le plus dans ce navire ; c’est qu’il voguoit sur terre à voile & à rames, par le moyen de certaines machines que Pausanias nomme souterraines ; c’est-à-dire, qu’il y avoit à fond de cale des ressorts cachés qui faisoient mouvoir ce bâtiment, dont la voile, selon Suidas, étoit l’habit même de Minerve. (D. J.)

Navire, nom d’un ordre de chevalerie, nommé autrement l’ordre d’outremer, ou du double croissant, institué l’an 1269 par S. Louis, pour encourager par cette marque de distinction, les seigneurs à le suivre dans la seconde expédition contre les infideles. Le collier de cet ordre étoit entrelacé de coquilles d’or & de doubles croissans d’argent, avec un navire qui pendoit au bout dans une ovale, où il paroissoit armé & fretté d’argent dans un champ de gueules, à la pointe ondoyée d’argent & de sinople. C’étoient, comme on voit, autant de symboles & du voyage, & des peuples contre lesquels on alloit combattre. Quoique ce prince en eût décoré ses enfans, & plusieurs grands seigneurs de son armée, cet ordre ne subsista pas long-tems en France ; mais il conserva son éclat dans les royaumes de Naples & de Sicile, où Charles de France, comte d’Anjou, frere de saint Louis, & qui en étoit roi, le prit pour ses successeurs ; & René d’Anjou, roi de de Sicile, le rétablit en 1448, sòus le nom d’ordre du croissant. Voyez Croissant. Favin, theat. d’honn. & de chevalerie.

Navires, (Hist. anc.) les anciens en ont eu d’un grand nombre d’especes. Il y en avoit qu’on faisoit naviger fort vîte, par le moyen de 10, 20, 30, 50, & même 100 rames d’un & d’autre bord, naves actuariæ, ou actuariolæ ; ceux qui avoient le bec garni de bronze, & qui étoient employés à percer le flanc ennemi, s’appelloient æratæ, ou æneæ. Ceux qui apportoient des vivres, annotinæ, ou frumentariæ ; ceux qui avoient été construits dans l’année, hornotinæ ; ceux qui avoient au-derriere & à l’avant deux tillacs séparés par une ouverture ou vuide placé entre deux, apertæ. Les combattans étoient sur ces tillacs, ces bâtimens étoient communément à deux rames, ou même plus petits. Les rameurs s’appelloient thranitæ. Ceux qui étoient à voiles & à rames, & qui n’alloient dans le combat qu’à rames, armatæ. Ceux dont on usoit sur le Tibre, & qui étoient faits de planches épaisses, caudicariæ, ou codicariæ. Ceux dont le tillac occupoit tout le dessus de l’arriere à l’avant, constratæ. Ceux où l’on avoit pratiqué des appartemens &toutes les autres commodités