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puleusement. La science de la guerre leur en fournissoit de particuliers suivant les occasions ; ils savoient suppléer au nombre par la bonté de l’ordre de bataille, & déconcerter l’ennemi par des manœuvres inattendues, en changeant leur ordre de bataille au moment du combat. Ces manœuvres dont l’exécution étoit prompte & facile, parce que les généraux prenoient eux-mêmes le soin d’exercer & de discipliner leurs troupes, les faisoient souvent triompher du plus fort ; mais il n’y a que la science & le génie militaire qui puissent produire ces ressources : jamais la simple pratique de la guerre ne fera imaginer ces chefs-d’œuvres de conduite qu’on admire dans Scipion & Annibal, dans plusieurs autres généraux de l’antiquité, & dans quelques modernes, tels que les Condé, les Turenne, les Luxembourg, les Créqui, &c. La pratique, comme on l’a déjà dit ailleurs, ne peut donner ni le génie ni la science de la guerre ; le premier est à la vérité un don de la nature que l’art ne donne point, mais l’autre est le fruit d’une étude longue, sérieuse & réfléchie. Cette étude fournit des idées qu’il seroit fort difficile de se procurer soi-même ; par son secours on se fait un amas de préceptes & d’exemples qu’on peut appliquer ensuite selon les occasions ; c’est pourquoi nous pensons qu’on peut tirer un très-grand avantage des ordres de bataille qu’on trouve dans les historiens & dans les auteurs militaires, & cela soit qu’ils ayent été exécutés ou qu’ils soient de pure imagination, comme le sont la plûpart de ceux que M. le chevalier de Folard a insérés dans son commentaire sur Polybe. Ce n’est pas dans la vûe d’imiter absolument ces dispositions qu’on doit les étudier, mais pour en saisir l’esprit, & pour examiner la maniere dont ils répondent au but que leurs auteurs se proposoient.

On n’entrera point ici dans un plus grand détail sur ce qui concerne les ordres de bataille : cette matiere pour être traitée avec toute l’étendue dont elle est susceptible, exigeroit une espece de volume. On s’est renfermé dans les observations les plus générales & les plus essentielles. On renvoie ceux qui voudront des détails plus circonstanciés & plus étendus, à Vegece, au commentaire sur Polybe du chevalier de Folard, aux Mémoires militaires de M. Guischard, qu’il faut absolument mettre à la suite du précédent ouvrage, qui le rectifie dans beaucoup d’endroits, & qui donne des idées plus exactes de la Tactique des anciens. À ces ouvrages on fera très bien de joindre l’Art de la guerre de M. le maréchal de Puysegur, les Mémoires de Montecuculi, les Réflexions militaires de M. le marquis de Santacrux, les Mémoires de M. le marquis de Feuquieres, les Rêveries ou Mémoires sur la guerre de M. le maréchal de Saxe, &c. À l’égard de l’ordre particulier de chaque espece de troupe pour combattre, voyez Évolution ; voyez aussi Phalange & Légion.

Ordre, dans l’Art militaire, se dit du mot que l’on donne tous les jours aux troupes, voyez Mot. Ainsi aller à l’ordre, c’est aller recevoir ou prendre le mot : c’est aussi aller recevoir du général ou du commandant les ordres qu’il a à donner pour tout ce qu’il juge à propos de faire exécuter concernant le service.

À l’armée le lieutenant général de jour prend l’ordre du général ; il le donne au maréchal de camp de jour, qui le distribue au major général de l’infanterie, au maréchal des logis de la cavalerie, au major général des dragons, au général des vivres, au capitaine des guides, & au prevôt de l’armée.

Les majors de brigade de l’infanterie reçoivent l’ordre du major général, & ceux de cavalerie & de dragons du maréchal des logis de la cavalerie & du major général des dragons. Dans les places le

commandant donne l’ordre & le mot au major de la place, qui le donne ensuite aux majors & aides-majors des régimens. Voyez Mot. (Q)

Ordre de marche, de bataille, &c. (Marine.) Voyez Évolutions navales.

Ordre, en terme de Commerce, de billets & de lettres de change, est un endossement ou écrit succinct que l’on met au dos d’un billet ou d’une lettre de change, pour en faire le transport & le rendre payable à un autre.

Quand on dit qu’une lettre ou billet de change est payable à un tel ou à son ordre, c’est-à-dire que cette personne peut, si bon lui semble, recevoir le contenu en cette lettre, ou en faire le transport à un autre en passant son ordre en faveur de cet autre. Voyez Endossement.

Ordre, parmi les négocians, signifie aussi le pouvoir & commission qu’un marchand donne à son correspondant ou commissionnaire de lui faire telles & telles emplettes, à tel ou tel prix, ou sous telle autre condition qu’il lui prescrit ; un commissionnaire ou correspondant qui fait quelque chose sans ordre, ou qui va au-delà de l’ordre que lui a donné son commettant, est sujet à désaveu. Voyez Commissionnaire & Correspondant.

Ordre se dit encore de la bonne regle qu’un marchand tient dans le maniement de ses affaires, écritures &c. les livres d’un marchand qui ne sont pas tenus en bon ordre, ne peuvent faire foi en justice. Diction. de commerce.

Ordre, s. m. (Archit.) c’est un arrangement régulier de parties saillantes, dont la colonne est la principale pour composer un bel ensemble. Un ordre parfait a trois parties principales, qui sont le piédestal, la colonne & l’entablement. Cependant, suivant que les circonstances le demandent, on fait des colonnes sans piédestal, & on y substitue une plinthe ; cela n’empêche pas qu’on ne dise qu’un bâtiment est construit selon un tel ou tel ordre, quoiqu’il n’y ait point de colonnes, pourvû que sa hauteur & ses membres soient proportionnés aux regles de cet ordre. L. C. Sturm prétend qu’il n’y a eu d’abord que deux ordres, dont le roi Salomon a fait usage du plus beau pour son temple & de l’autre pour son palais, & que les Corinthiens se sont ensuite appropriés le premier & les Doriens le second ; qu’après cela on en a inventé un qui tient le milieu entre ces deux ordres, & qu’on appelle l’ionien ; que les peuples Toscans en Italie ont contrefait l’ordre dorique, quoique d’une maniere plus simple & plus massive, & que c’est de-là que s’est formé l’ordre toscan.

Ces quatre ordres, le toscan, le dorique, l’ionique & le corinthien, sont les seuls que les Grecs ayent connu ; aussi Vitruve ne parle point de cinquieme ordre. Les Romains ont enfin composé un nouvel ordre de l’ionique & du corinthien, qu’on appelle communément le romain ou le composite. Louis XIV. avoit promis une récompense considérable à celui qui inventeroit un sixieme ordre. Cette promesse mit toutes les imaginations en feu ; mais quoiqu’on se soit donné beaucoup de peine, on n’a rien découvert qui mérite l’approbation des connoisseurs ; car ou l’on a avancé des absurdités qu’on ne sauroit admettre dans l’architecture, ou l’on n’a rien présenté qui ne fût déja compris dans les quatre ordres décrits par Vitruve, & qui n’appartînt à l’ordre composé, dont les Romains ont donné le premier exemple. Cela devoit être, selon Vilalpande, puisqu’on avoit voulu trouver un ordre plus beau que le corinthien qui, selon lui, vient de Dieu immédiatement. Prenant sa pieuse conjecture pour une vérité, Sturm, dans la recherche qu’il a faite d’un nouvel ordre, en a trouvé un inférieur