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ler de calalou, sorte de farce composée d’herbes potageres, de crabes & de poisson. Voyez Calalou. (M. le Romain.)

OU-ARACABA, s. m. c’est un morceau de bois en forme de planche fort épaisse, d’environ 3 piés de hauteur, sur autant de largeur à sa partie supérieure, & d’un pié & demi à deux piés par le bas, ayant la figure d’un trapeze élevé debout sur le plus petit de ses côtés, & posé en travers sur la proue d’une pirogue caraybe. Cette piece est ordinairement sculptée sur sa surface extérieure, d’une espece de bas-relief, représentant une grosse tête hideuse, de figure ovale, plate, & vue de face, dont les yeux & la bouche sont formés avec des morceaux de coquillages incrustés dans le bois. La grandeur énorme de cette tête ne laisse vers le bas de la planche qu’un espace d’environ un pié au plus, dans lequel est peint à plat, & sans relief, le corps disproportionné du monstre, représentant à-peu-près celui d’un lézard à queue courte ; le tout barbouillé de blanc & de noir d’une façon bisarre : c’est une espece de maboya ou idole caraybe. Voyez Maboya. (M. le Romain.)

OU-AROULY, s. m. corbeille très-proprement ouvragée, & tissue de brins de latanier & de roseau, serrés & passés les uns entre les autres.

Le fonds de cette corbeille est parfaitement quarré, d’environ un pié de largeur ; mais ses bords de cinq à six pouces de hauteur, s’évasent à mesure qu’ils s’élevent, & se terminent en rond autour d’un cercle, lequel est surmonté d’une balustrade à jour, de 2 à 3 pouces de hauteur ; le tout est supporté sur 4 petits piés, hauts de 4 à 5 pouces & peints en rouge. Les sauvages emploient le ou-arouly à-peu-près aux mêmes usages que le matatou. Voyez Matatou. (M. le Romain.)

OU-ATREGAN, s. m. (Hydr.) canal que l’on coupe dans un terrein afin d’en faire écouler l’eau. Voyez Canal, &c. Ce mot, qui n’est pas fort usité, vient de l’anglois water, qu’on prononce ouaitre, & qui signifie eau, & gang, amas.

OUATE, s. f. (Comm.) espece de coton très-fin & un peu lustré. Quoique quelques auteurs prétendent que la véritable ouate se trouve en orient, autour de quelques fruits à qui elle sert de premiere enveloppe ; il est néanmoins certain que l’ouate est produite dans les gousses d’une plante qui croît communément en Egypte, & que quelques curieux cultivent par rareté.

Cette plante se plaît dans des lieux humides & marécageux ; ses feuilles sont assez larges, rondes & arrondies par le bout ; ses fleurs sortent en bouquets qui forment une maniere d’ombelle, & elles ont leurs feuilles renversées comme celles de martagon. L’ouate est renfermée dans des gousses qui s’ouvrent quand elles sont en maturité ; la semence qui s’y trouve mêlée est petite, ronde, plate, tirant sur le gris-brun. C’est d’Alexandrie que l’on tire cette marchandise, & elle vient en France par la voie de Marseille.

Il y a encore une sorte de coton que l’on nomme aussi ouate, quoiqu’improprement ; ce n’est autre chose que la bourre ou premiere soie qui couvre la coque des vers à soie : on la fait bouillir, & après cette seule préparation, on la vend pour la véritable ouate, quoiqu’elle n’en approche en aucune maniere, ni pour la finesse, ni pour la beauté.

Les ouates ne servent que pour fourrer des robes de chambre, des courtepointes, & autres meubles ou habillemens qu’elles rendent très-chauds sans les rendre pesans. Elles ont communiqué leur nom à presque toutes les autres fourrures qui se mettent entre deux étoffes ; & l’on appelle communément ouatée, une robe fourrée, un jupon, &c. quoique le

plus souvent on n’y emploie simplement que du coton ordinaire ou de la laine. Savary. (D. J.)

OVATION, s. f. (Antiq. rom.) ovatio ; petit triomphe, qui ne consistoit qu’en une assez modique pompe, comparée à celle du grand triomphe. Ici le vainqueur, vêtu seulement d’une robe blanche bordée de poupre, marchoit à pié, ou à cheval, à la tête de ses troupes, sans autre marque de ses succès, que les acclamations populaires, que quelques couronnes de myrte, & qu’une partie de son armée qui le précédoit au son des flûtes. Le sénat néanmoins, les chevaliers, & les principaux citoyens, assistoient à son triomphe, dont la marche se terminoit au capitole, où l’on sacrifioit aux dieux des brebis blanches ; mais dans le grand triomphe le vainqueur, monté sur un char, étoit couronné de lauriers, & précédé de lauriers ; il parcouroit la ville jonchée de fleurs, & se rendoit au capitole, où il sacrifioit un taureau.

Cependant la même liberté qu’avoient les soldats de brocarder leurs généraux dans les grands triomphes, regnoit aussi dans les ovations. Le consul Valérius ayant fait des levées malgré la faction de Ménenius tribun du peuple, & ayant repris par sa valeur la forteresse de Caravantane sur les ennemis, le sénat lui décerna l’honneur du petit triomphe. Il crut devoir le lui accorder, quoiqu’il fût mal voulu du peuple & de l’armée, tant à cause de l’opposition qu’il avoit faite à la loi agraire, proposée par le même tribun Ménenius, que parce qu’il avoit mis tout le butin dans le trésor de l’épargne. Le soldat ne manqua pas, dit Tite-Live, d’user de sa licence ordinaire, & de brocarder son général dans des chansons grossieres, où il affecta d’élever le mérite du tribun par une infinité de louanges, auxquelles le peuple qui étoit accouru en foule, répondit à l’envi par ses acclamations. Les nouveaux applaudissemens du peuple jetterent plus d’effroi dans le sénat, que n’avoit fait l’insolence du soldat à l’égard du consul.

Le petit triomphe a été nommé ovation, dit Denis d’Halicarnasse, d’un mot grec que les Romains ont corrompu : le mot grec dont Denis d’Halicarnasse prétend que les Romains firent celui d’ovatio, est εὐασμὸς, qui signifie clameur ou cri de joie, que poussent les soldats après le gain d’une bataille. La corruption de ce mot est le changement de l’e en o, qui n’est pas extraordinaire chez ses Grecs. Ce sentiment est appuyé de Festus : quasi vero romani, dit cet auteur, εὐασμὸν, græcorum vocem, quæ clamorem significat, ovationis nomine voluerint imitari : « comme si les Romains, dit-il, eussent voulu imiter des Grecs, le mot εὐασμὸς, qui signifie cri de joie, par celui d’ovatio ».

Pour donner encore une interpretation plus précise du mot grec εὐασμὸς, ou εὐαστὴς, d’où les Romains formerent le terme d’ovatio, quelques savans croient pouvoir le tirer de l’ancien cri de joie εὐοῖ ou εὐὰν, que les Grecs faisoient retentir dans les bacchanales en l’honneur de Bacchus. Les Romains dans ce nouveau genre de triomphe, emprunterent ces mêmes termes εὐοῖ, εὐὰν, par lesquels ils applaudissoient au vainqueur, & pour en conserver l’origine, ils le nommerent ovatio ; & de même que les Grecs firent le mot εὐάζειν, pour signifier applaudir, les Latins firent pareillement celui d ovari, pour signifier la même chose. D’où vient qu’on lit dans Virgile, liv. VI. de l’Enéide : Evantes orgia circum Ducebat phrygias.

Ensuite du verbe evari, les Romains firent le nom evationes, pour rendre l’εὐασμὸς des Grecs. Enfin par une corruption qui fit perdre de vûe l’ancienne étymologie, ils firent le mot ovatio.