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le titre xviij. de l’Ordonnance de 1669. (A)

Paisson, s. m. terme de Gantier & de Peaussier, morceau de fer ou d’acier délié qui ne coupe pas, fait en maniere de cercle, large d’un demi-pié ou environ, & monté sur un pié de bois, servant à déborder & à ouvrir le cuir pour le rendre plus doux : les Gantiers disent paissonner, pour signifier étendre & tirer une peau sur le paisson. (D. J.)

PAITA, (Géog. mod.) petite ville de l’Amérique méridionale, au Pérou, dans l’audience de Quito, avec un port qui ne peut guère passer que pour une baie. Long. 296. 56. lat. 5. 12.

La ville de Paita est située dans un canton fort stérile, dont le terrein n’est composé que de sable & d’ardoise. Elle ne contient qu’environ deux cens familles ; les maisons n’y sont que d’un étage, & n’ont que des murs de roseaux refendus & d’argille, & des toîts de feuilles séches : cette maniere de bâtir, toute légere qu’elle paroît, est assez solide pour un pays où la pluie est un phénomène rare.

L’amiral Anson prit cette ville en 1741, avec cinquante soldats, la brûla, & partit avec un butin considérable qu’il enleva aux Espagnols. (D. J.)

PAITRE, v. act. (Gramm.) il se dit des animaux, c’est l’action de se nourrir des substances végétales éparses dans les campagnes. Les moutons paissent aux prés, les chevres aux collines, les cochons aux forêts.

Paitre l’oiseau, (Fauconnerie) la maniere de le faire est de le laisser manger par poses, & lui cacher quelquefois la chair de peur qu’il ne se débatte ; on lui fait plumer de petits oiseaux comme il faisoit aux bois ; la bonne chair est un peu de la cuisse ou du cou d’une vieille geline ; les entrailles aussi lui dilatent le boyau.

PAITRIN, s. m. (Boulang.) vaisseau dans lequel on paitrit & l’on fait la pâte. Les paitrins des Boulangers sont des especes de huches ou coffres de bois à quatre ou six piés, suivant sa grandeur ; car il y en a où l’on peut paitrir jusqu’à vingt & vingt-quatre boisseaux de farine à-la-fois. Dans les petits paitrins, c’est-à-dire dans ceux qui ne peuvent contenir que sept ou huit boisseaux ; le couvercle est attaché avec des couplets, & se leve sur le derriere comme aux bahus. Pour les grands, ils ont un couvercle coupé en deux, qui se tire à coulisse, par le moyen d’une piece de bois à rainure qui traverse la largeur du paitrin, & qui étant mobile, s’ôte & se remet à volonté ; près du paitrin se placent deux tables, l’une qu’on appelle le tour, ou table à tourner, & l’autre la table à coucher. (D. J.)

PAITRIR, v. n. (Boulang.) faire de la pâte pour en former ensuite du pain ou des pâtisseries, en les mettant cuire au four ; l’on commence toujours à paitrir la pâte destinée à faire du pain avec les mains ; mais souvent, lorsque l’ouvrage est difficile, & qu’il y a beaucoup de farine, on l’acheve avec les piés, quelquefois nuds, & quelquefois pour plus de propreté, enfermés dans un sac. Cette maniere de paitrir aux piés se fait assez souvent dans les paitrins mêmes s’ils sont grands & solides, mais plus souvent encore sur une table placée à terre, où l’on étend la pâte qu’on veut achever aux piés. Les Pâtissiers en France paitrissent sur une espece de dessus de table mobile, qui a des bords de trois côtés, qu’ils appellent un tour, & quelquefois sur une table ordinaire. Savary. (D. J.)

PAITRISSEUR, s. m. (Boulang.) celui qui paitrit dans la boulangerie où l’on fait du biscuit de mer. Les Boulangers sont pour ainsi dire de deux ordres, savoir les paitrisseurs & les gindres ou maîtres de pelle ; ceux-ci sont seuls chargés d’en former les galettes ; les autres ne font seulement que paitrir la pâte

& de la dresser en galettes : dans chaque boulangerie il y a deux paitrisseurs & un gindre.

PAIX, s. f. (Droit nat. politique. & moral.) c’est la tranquillité dont une société politique jouit ; soit au-dedans, par le bon ordre qui regne entre ses membres ; soit au-dehors, par la bonne intelligence dans laquelle elle vit avec les autres peuples.

Hobbes a prétendu que les hommes étoient sans cesse dans un état de guerre de tous contre tous ; le sentiment de ce philosophe atrabilaire ne paroît pas mieux fondé que s’il eût dit, que l’état de la douleur & de la maladie est naturel à l’homme. Ainsi que les corps physiques, les corps politiques sont sujets à des révolutions cruelles & dangereuses, quoique ces infirmités soient des suites nécessaires de la foiblesse humaine, elles ne peuvent être appellées un état naturel. La guerre est un fruit de la dépravation des hommes ; c’est une maladie convulsive & violente du corps politique, il n’est en santé, c’est-à-dire dans son état naturel que lorsqu’il jouit de la paix ; c’est elle qui donne de la vigueur aux empires ; elle maintient l’ordre parmi les citoyens ; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire ; elle favorise la population, l’agriculture & le commerce ; en un mot elle procure aux peuples le bonheur qui est le but de toute société. La guerre au contraire dépeuple les états ; elle y fait regner le désordre ; les lois sont forcées de se taire à la vûe de la licence qu’elle introduit ; elle rend incertaines la liberté & la propriété des citoyens ; elle trouble & fait negliger le commerce ; les terres deviennent incultes & abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatans ne peuvent dédommager une nation de la perte d’une multitude de ses membres que la guerre sacrifie ; ses victoires mêmes lui font des plaies profonde que la paix seule peut guérir.

Si la raison gouvernoit les hommes, si elle avoit sur les chefs des nations l’empire qui lui est dû, on ne les verroit point se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre, ils ne marqueroient point cet acharnement qui caractérise les bêtes féroces. Attentifs à conserver une tranquillité de qui dépend leur bonheur, ils ne saisiroient point toutes les occasions de troubler celle des autres ; satisfaits des biens que la nature a distribués à tous ses enfans, ils ne regarderoient point avec envie ceux qu’elle a accordés à d’autres peuples ; les souverains sentiroient que des conquêtes payées du sang de leurs sujets, ne valent jamais le prix qu’elles ont coûté. Mais par une fatalité déplorable, les nations vivent entre elles dans une défiance réciproque ; perpétuellement occupées à repousser les entreprises injustes des autres, ou à en former elles-mêmes, les prétextes les plus frivoles leur mettent les armes à la main, & l’on croiroit qu’elles ont une volonté permanente de se priver des avantages que la Providence ou l’industrie leur ont procurés. Les passions aveugles des princes les portent à étendre les bornes de leurs états ; peu occupés du bien de leurs sujets, ils ne cherchent qu’à grossir le nombre des hommes qu’ils rendent malheureux. Ces passions allumées ou entretenues par des ministres ambitieux, ou par des guerriers dont la profession est incompatible avec le repos, ont eu dans tous les âges les effets les plus funestes pour l’humanité. L’histoire ne nous fournit que des exemples de paix violées, de guerres injustes & cruelles, de champs dévastés, de villes réduites en cendres. L’épuisement seul semble forcer les princes à la paix ; ils s’apperçoivent toujours trop tard que le sang du citoyen s’est mêlé à celui de l’ennemi ; ce carnage inutile n’a servi qu’à cimenter l’édifice chimérique de la gloire du conquérant, & de ses guerriers turbulens ; le bonheur de ses peuples est la pre-