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sieurs siecles, nous devons l’être encore plus que le mauvais goût de ces siecles d’ignorance regne encore quelquefois sur notre théâtre : nous serions bien tentés de croire que l’on a peut-être montré trop d’indulgence pour ces especes de recueils de scenes isolées, qu’on nomme comédies à tiroirs. Momus Fabuliste mérita sans doute son succès par l’invention & l’esprit qui y regnent ; mais cette piece ne devoit point former un nouveau genre, & n’a eu que de très-foibles imitateurs.

Quel abus ne fait-on pas tous les jours de la facilité qu’on trouve à rassembler quelques dialogues, sous le nom de comédie ? Souvent sans invention, & toujours sans intérêt, ces especes de parades ne renferment qu’une fausse métaphysique, un jargon précieux, des caricatures, ou de petites esquisses mal dessinées, des mœurs & des ridicules ; quelquefois même on y voit regner une licence grossiere ; les jeux de Thalie n’y sont plus animés par une critique fine & judicieuse, ils sont deshonorés par les traits les plus odieux de la satyre.

Pourra-t-on croire un jour que dans le siecle le plus ressemblant à celui d’Auguste, dans la fête la plus solemnelle, sous les yeux d’un des meilleurs rois qui soient nés pour le bonheur des hommes, pourra-t-on croire que le manque de goût, l’ignorance ou la malignité, aient fait admettre & représenter une parade, de l’espece de celles que nous venons de définir ?

Un citoyen, qui jouissoit de la réputation d’honnête homme (M. Rousseau de Geneve), y fut traduit sur la scene, avec des traits extérieurs qui pouvoient le caractériser. L’auteur de la piece, pour achever de l’avilir, osa lui prêter son langage. C’est ainsi que la populace de Londres traine quelquefois dans le quartier de Drurylane, une figure contrefaite, avec une bourse, un plumet & une cocarde blanche, croyant insulter notre nation.

Un murmure général s’éleva dans la salle, il fut à peine contenu par la présence d’un maître adoré ; l’indignation publique, la voix de l’estime & de l’amitié, demanderent la punition de cet attentat : un arrêt flétrissant fut signé par une main qui tient & qui honore également le sceptre des rois, & la plume des gens de lettres. Mais le philosophe fidele à ses principes, demanda la grace du coupable, & le monarque crut rendre un plus digne hommage à la vertu en accordant le pardon de cette odieuse licence, qu’en punissant l’auteur avec sévérité. La piece rentra dans le néant avec son auteur ; mais la justice du prince & la générosité du philosophe passeront à la postérité, & nous ont paru mériter une place dans l’Encyclopédie.

Rien ne corrige les méchans : l’auteur de cette premiere parade en a fait une seconde, où il a embrassé le même citoyen, qui avoit obtenu son pardon, avec un grand nombre de gens de bien, parmi lesquels on nomme un de ses bienfaiteurs. Le bienfaiteur indignement travesti, est l’honnête & célebre M. H… & l’ingrat, est un certain P… de M.....

Tel est le sort de ces especes de parades satyriques, elles ne peuvent troubler ou séduire qu’un moment la société ; & la punition ou le mépris suit toujours de près les traits odieux & sans effet, lancés par l’envie contre ceux qui enrichissent la littérature, & qui l’éclairent. Si la libéralité des personnes d’un certain ordre, fait vivre des auteurs qui seroient ignorés sans le murmure qu’ils excitent ; nous n’imaginons pas que cette bienfaisance puisse s’étendre jusqu’à les protéger. Lisez l’article Eclectisme, p. 284. t. V. seconde col.

Cet article est de M. le comte de Tressan, lieutenant général des armées du Roi, grand maréchal-des-logis

du roi de Pologne, duc de Lorraine & membre des académies des Sciences de France, de Prusse, d’Angleterre, &c.

PARADIAZEUXIS, s. m. dans la Musique grecque, est, au rapport du vieux Bacchius, l’intervalle d’un ton seulement entre les cordes homologues de deux tétracordes ; & c’est l’espece de disjonction qui regne entre le tétracorde synnemenon & le tétracorde diezeugmenon. Voyez tous ces mots.

PARADIGME, s. m. ce mot vient du grec παράδειγμα, exemplar, dérivé du verbe παραδείκνυω, manifestè ostendo ; RR. Παρά, préposition souvent ampliative, quand elle entre dans la composition des mots ; & δεικνύω, ostendo. Les Grammairiens se sont approprié le mot paradigme, pour désigner les exemples de déclinaisons & de conjugaisons, qui peuvent servir ensuite de modeles aux autres mots, que l’usage & l’analogie ont soumis aux mêmes variations de l’une ou de l’autre espece. Les paradigmes sont des exemples, des modeles pour d’autres mots analogues ; & c’est le sens littéral du mot.

Les paradigmes étant principalement destinés à inculquer la regle générale, par l’image sensible d’une application particuliere proposée comme un objet d’imitation : M. le Fevre de Saumur, avoit raison, sans doute, de desirer que ces modeles fussent présentés aux jeunes gens sous une forme agréable & propre à intéresser leur imagination : il faudroit, selon ses vûes, qu’ils fussent imprimés sur de beau papier, en beaux caracteres, & dans le format de l’inquarto, afin que chaque article du paradigme n’occupât qu’une ligne, & qu’on ne fut pas obligé d’en renvoyer quelque chose à la ligne suivante.

Ces petites attentions peuvent paroître minutieuses à bien des gens, qui prétendent au mérite de ne voir les choses qu’en grand : mais ce qu’il est permis aux spectateurs oisifs d’envisager ainsi, doit être exécuté dans toutes ses parties par les maîtres ; & les meilleurs sont toujours ceux qui analysent le plus exactement les détails. Qu’il me soit donc permis d’ajouter ici quelques observations qui me paroissent intéressantes sous ce point de vûe. Je les rapporterai sur-tout aux élémens de la langue latine ; & l’on en sent bien la raison.

1. Déclinaison. Il est généralement avoué, qu’il y avoit une barbarie insoutenable dans les anciens rudimens, où les nombres & les cas étoient désignés en latin, singulariter nominativo, &c. comme si les commençans avoient déja entendu la langue dans laquelle on prétendoit pourtant les initier par-là même : on ne sauroit leur parler trop clairement ; & il est singulier qu’on se soit avisé si tard d’employer leur propre langue pour les instruire.

Une autre méprise, c’est d’avoir joint au paradigme d’un nom, celui de l’article du même genre ; hæc musa, hujus musæ, &c. c’est une imitation maladroite des paradigmes des déclinaisons grecques, où l’article paroît plus nécessaire, d’où cependant il est encore plus avantageux de le retrancher, pour ne pas partager l’attention des commençans en la surchargeant mal-à-propos ; & c’est le parti que vient de prendre le P. Giraudeau jésuite, dans son Introduction à la langue grecque. A plus forte raison doit-on supprimer cette addition superflue dans les paradigmes latins : & si l’on ne veut y présenter aucun nom, sans en faire connoître le genre aux enfans ; que ce soit simplement par l’une des lettres initiales m, f ou n, quand le nom est d’un genre déterminé ; par deux de ces lettres & le mot ou entre deux, il est d’un genre douteux, &c. Voyez Genre.

On a coutume encore de traduire chaque cas latin, en se servant de notre article défini le, la, les, pour les noms appellatifs ; de la préposition de pour le génitif ; de à pour le datif, & de de ou par pour