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l’ablatif. Cela peut induire quelquefois en erreur, parce que ces cas ne se traduisent pas toujours de la même maniere ; & c’est peut-être ce parallélisme de françois & de latin qui a donné lieu à nos Grammairiens d’imaginer faussement que nos noms ont des cas. Voyez Cas : je voudrois donc que l’on mît simplement après le nominatif singulier, la signification françoise du nom, en parenthèse, en caracteres différens de ceux du latin, sans aucun article, & qu’on en fît autant après le nominatif pluriel, en indiquant la différence d’orthographe qu’exige ce nombre, & marquant soigneusement le genre du françois dans chacun des deux nombres.

Comme il y a autant d’avantage réel à mettre en parallele les choses véritablement analogues & semblables, qu’il peut y avoir de danger à comparer des choses qui, sous les apparences trompeuses de l’analogie, sont véritablement dissemblables ; je crois qu’il pourroit être de quelque utilité de mettre sur deux colonnes paralleles les cas du singulier & ceux du pluriel. Alors pour ne pas occuper trop de largeur, on pourroit mettre la traduction françoise de chaque nombre à la tête des six cas, sous la forme déja indiquée ; & le format in-octavo devient suffisant.

M. Lancelot, dans l’abrégé de sa Méthode latine, avoit imaginé de faire imprimer en lettres rouges les terminaisons qui caractérisent chaque cas : mais il me semble que cette bigarrure n’a d’autre effet que de choquer les yeux, & il paroît que le public, en applaudissant aux autres vûes de ce sage & laborieux grammairien, n’a pas approuvé cet expédient, puisqu’on n’en a fait aucun usage dans aucun des livres élémentaires que l’on a imprimés depuis. Ce sont en effet les explications & les remarques du maître qui doivent fixer l’attention des disciples sur ces différences ; voici donc un exemple de ce que je veux dire par rapport aux noms.

S I N G. P L U R.
(Table f.) (Tables f.)
Nom. Mensa. f. Mensæ. f.
Gén. Mensæ. Mensarum.
Dat. Mensæ. Mensis.
Acc. Mensam. Mensas.
Voc. Mensa. Mensæ.
Abl. Mensâ. Mensis.

J’ai choisi le nom Mensa (Table), parce qu’il exprime une chose connue de tous les enfans ; au lieu qu’ils apprennent à décliner Musa, sans savoir ce que c’est qu’une Muse ; ou bien il faut les distraire de leur analogie, pour leur donner les notions mythologiques que suppose ce nom : c’est un double inconvénient qu’il faut également éviter, dans les commencemens sur-tout.

Les pronoms personnels ego, tu, sui, peuvent & doivent être présentés sous le même aspect : & les adjectifs mêmes ne demandent d’autres différences, que celles que l’on va voir dans l’exemple suivant.

S I N G. P L U R.
Bon, m. Bonne, f. Bons, m. Bonnes, f.
m. f. n. m. f. n.
Nom. Bonus, bona, bonum, Boni, bonoe, bona.
Gén. Boni, bonoe, boni. Bonorum, bonarum, bonorum.
Dat. Bono, bonoe, bono. Bonis, bonis, bonis.
Acc. Bonum, bonam, bonum, Bonos, bonas, bona.
Voc. Bone, bona, bonum, Boni, bonoe, bona.
Abl. Bono, bonâ, bono. Bonis, bonis, bonis.

Si un adjectif a dans plusieurs cas une même terminaison pour plusieurs genres, on peut marquer les genres après chaque terminaison ; par exemple :

S I N G. P L U R.
Sage, m. f. Sages, m. f.
Nom Sapiens, m. f. n. Sapientes, m. f. Sapientia, n.
Gen. Sapientis. Sapientium ou Sapientum, m. f. n.
Dat. Sapienti. Sapientibus.
Acc. Sapientem, m. f.Sapiens,n. Sapientes, m. f. Sapientia, n.
Voc. Sapiens. Sapientes, m. f. Sapientia, n.
Abl. Sapiente ou Sapienti. Sapientibus.

Dans cet exemple ; on marque les trois lettres, m, f, n, au premier cas de chaque nombre qui n’a qu’une terminaison pour les trois genres ; les autres qui n’ont également qu’une terminaison sont de même pour les trois genres.

Ce n’est pas assez d’avoir déterminé la forme qui m’a paru la plus convenable pour les paradigmes. L’ensemble du système grammatical adopté dans cet ouvrage, exige encore quelques observations qui auroient dû entrer au mot Déclinaison ; mais que M. du Marsais ne pouvoit pas prévoir, parce qu’il n’avoit pas les mêmes idées que moi sur les différentes especes de mots. Voyez Mot.

Je regarde comme deux especes très-différentes les noms & les adjectifs ; voyez Genre, Mot, Nom & Substantif, & je crois qu’il n’y a de mots qui soient primitivement & véritablement pronoms, que les trois personnels ego, tu, sui, voyez Pronom. Je conclus de-là que les déclinaisons doivent être partagées en trois sections : que la premiere doit comprendre les cinq déclinaisons des noms ; la seconde, les trois pronoms déclinés ; & la troisieme, les déclinaisons des adjectifs.

I. La premiere déclinaison des noms comprend ceux qui ont le nominatif singulier en a ou en as, en e ou en es : ainsi après la regle propre à chaque espece, il faut un paradigme de chacune. On ajoutera à la fin, comme en exception, le petit nombre de noms en a qui ont le datif & l’ablatif pluriels en abus, afin que le féminin ne soit pas confondu dans ces cas avec ceux des noms masculins en us ; si mula avoit formé mulis, comme on le forme de mulus, il y auroit eu équivoque.

La seconde déclinaison comprend les noms en er ou ir, en um & en us : voilà trois especes & trois paradigmes. On mettra à la suite la déclinaison de Deus, parce que ce mot étant d’un usage fréquent doit être connu ; & l’on remarquera l’irrégularité des noms propres en ius, de ceux en eus venus du grec, & de ceux qui changent de genre au pluriel.

La troisieme déclinaison ne peut se diviser qu’en deux classes, les noms masculins & féminins dans l’une, & les neutres dans l’autre : mais on fera bien de présenter aux enfans des paradigmes de différentes terminaisons dans chaque classe. Il faut, je crois, ne faire mention que de peu d’exceptions, parce qu’on ne diroit pas tout, ou l’on excéderoit les bornes qui conviennent à des élémens.

Dans la quatrieme déclinaison, il suffira de donner un paradigme en us, & un autre en u ; de décliner ensuite domus qui revient fréquemment, & de remarquer quelques noms qui ont le datif & l’ablatif pluriels en ubus.

La cinquieme déclinaison ne demande qu’un paradigme, & n’a aucune difficulté.

II. Les trois pronoms ego, tu, sui, doivent être déclinés l’un après l’autre, sans aucune regle énoncée ; ce sont trois mots particuliers qui ne servent d’exemple à aucun autre.

III. Il doit y avoir trois déclinaisons des adjectifs, différenciées, comme celles des noms, par le génitif singulier.

La premiere déclinaison comprend les adjectifs dont le génitif singulier est en i pour le masculin, en æ pour le féminin, & en i pour le neutre : l’adjectif masculin se décline comme les noms en er ou ir, ou