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Lorsque les Sarrasins firent irruption en Italie, la ville de Paternum fut détruite de fond en comble, & dans la suite on bâtit dans le même lieu une nouvelle ville, connue aujourd’hui sous le nom de Ziro. On ne peut douter que Paternum n’ait été un des plus anciens évêchés d’Italie, puisque son évêque Abundantius fut un des trois légats que le pape Agathon envoya au concile de Constantinople. La commune opinion est, qu’après la destruction de cette ville par les Sarrasins, le siege épiscopal fut transféré à Umbriatico. Aujourd’hui même la ville de Ziro est la résidence de l’évêque d’Umbriatico.

Pater Patratus, (Antiq. rom.) on appelloit ainsi le chef & le premier du college des féciaux. C’étoit lui qui, après avoir prononcé de certaines paroles, lançoit une fleche ou un dard sur le territoire de l’ennemi lorsqu’on vouloit lui faire la guerre ; on nommoit ce premier acte d’hostilité clarigatio, terme qui vient de clarus, quia clarâ voce bellum indicebatur. Voyez Fécial.

Voici présentement la maniere dont Plutarque en parle dans ses questions romaines : « Pourquoi le premier des féciaux est-il nommé pater patratus, ou le pere établi, nom qu’on donnoit à celui qui a des enfans du vivant de son pere, & qu’il conserve encore aujourd’hui avec ses privileges ? Pourquoi les préteurs leur donnent-ils en garde les jeunes personnes que leur beauté met en péril ? Est-ce parce leurs enfans les obligent à se retenir, ou que leurs peres les tiennent en respect ? Ou bien parce que leur nom même les retient ; car patratus veut dire parfait ; & il semble que celui qui devient pere du vivant de son pere même, doit être plus parfait que les autres ? Ou peut-être est-ce que comme, selon Homere, il faut que celui qui prête serment & fait la paix, regarde devant & derriere, celui-là peut mieux s’en acquitter, qui a des enfans devant lui auxquels il est obligé de pourvoir, & un pere derriere avec lequel il peut déliberer » ?

Le pater patratus étoit élu par le suffrage du collége des féciaux ; c’étoit lui qu’on envoyoit aussi pour les traités, pour conclure la paix, & qui livroit aux ennemis les violateurs de la paix & des traités. A cause du violement du traité fait devant Numance, dit Ciceron, le pater patratus livra, par un decret du sénat, C. Mancinus aux Numantins. (D. J.)

Pater, terme de Cordonnier ; c’est coller les cuirs des ouvrages de cordonnerie avec une sorte de colle qu’on appelle pâte.

PATERE, s. f. patera, (Littér.) instrument des sacrifices ; on les employoit à recevoir le sang des taureaux & autres victimes qu’on immoloit, ou pour verser du vin entre les cornes des victimes. C’est ainsi que Didon, dans Virgile, tenant d’une main la patere, la versa entre les cornes de la vache blanche ; il paroît par-là que les pateres devoient avoir un creux capable de contenir quelque liqueur. (D. J.)

PATERNEL, adj. (Jurisprud.) se dit de ce qui appartient au pere, ou qui vient de son côté, comme l’autorité paternelle, la puissance paternelle, un parent paternel, le bien paternel, la succession paternelle, un propre paternel, le côté paternel, la ligne paternelle. Voyez Côté, Ligne, Propre, Puissance, Succession, & le mot Maternel. (A)

PATERNIENS, s. m. (Hist. ecclésiast.) hérétiques qui semerent leurs erreurs dans le iv. siecle. Ils étoient disciples de Symmaque le samaritain, & soutenoient entr’autres choses que la chair étoit l’ouvrage du démon ; mais loin de la mortifier, ils se plongeoient dans toutes sortes de voluptés. S. Aug. des héres. ch. lxxxv.

PATERNITÉ, s. f. (Gram. & Théol.) qualité d’un pere ou sa relation à l’égard de son fils. Voyez Pere & Fils.

Dans le mystere de la sainte. Trinité il y a une re-

lation immédiate entre la paternité du pere & la filiation

du fils. Voyez Trinité.

Les Théologiens ont disputé long-tems sur la question, si la paternité a un caractere réel & spécifique qui distingue absolument le pere d’avec le fils, ou si c’est une pure relation d’économie & de subordination. D’un côté, si l’on suppose que la paternité, ne puisse pas être communiquée au fils, & qu’elle continue une distinction réelle & positive, il semble qu’on tombe dans le tritheisme. Voyez Tritheisme.

Si, d’un autre côté, on ne considere la paternité que comme un mode ou un terme d’ordre & d’économie, il n’y a point de différence essentielle & intrinseque entre le pere & le fils, & l’on confond les personnes. C’est donner dans le sabellianisme. Voyez Sabellianisme.

Pour éviter ces écueils & les erreurs, il suffit de reconnoître, avec les Théologiens catholiques, que la paternité est une perfection relative à la personne du pere, & non à la nature divine ; qu’elle est réelle, tant à raison de son sujet, qui est le pere, qu’à raison de son terme, qui est le fils ; & que, quoiqu’elle soit incommunicable au fils, elle ne fait pas de Dieu le pere, un Dieu différent de Dieu le fils, parce qu’elle ne tombe pas sur l’essence ou sur la nature divine, dès-lors plus de trithéisme. Du même principe il s’ensuit que la paternité n’étant pas un mode de simple subordination ; mais une relation réelle qui a un terme à quo, & un terme ad quem, on ne sauroit confondre ces deux termes ; & par conséquent point de sabellianisme, puisque le pere en tant que personne, est réellement distingué par sa paternité du fils, en tant que celui-ci est aussi personne divine.

PATEUX, adj. (Gram.) il se dit de tout ce qui a pris la consistence moëlleuse de la pâte, ainsi de l’encre devient pâteuse par l’évaporation. Il y a des fruits pâteux, des couleurs pâteuses, une qualité de salive qu’on appelle pâteuse ; le palais dans les malades est pâteux.

PATHÉTIQUE, le (Eloquence, Poësie, Art orat.) le pathétique est cet enthousiasme, cette véhémence naturelle, cette peinture forte qui émeut, qui touche, qui agite le cœur de l’homme. Tout ce qui transporte l’auditeur hors de lui-même, tout ce qui captive son entendement, & subjugue sa volonté, voilà le pathétique.

Il regne éminemment dans la plus belle & la plus touchante piece qui ait paru sur le théâtre des anciens, dans l’Œdipe de Sophocle ; à la peinture énergique des maux qui desoloient le pays, succede un chœur de Thébains qui s’écrie :

Frappez Dieux tout puissans, vos victimes sont prêtes !
O mort écrasez-nous ! Dieux tonnez sur nos têtes !
O mort ! nous implorons ton funeste secours,
O mort ! viens nous sauver, viens terminer nos jours.


C’est-là du pathétique. Qui doute que l’entassement des accidens qui suivent & qui accompagnent, surtout des accidens qui marquent davantage l’excès & la violence d’une passion, puisse produire le pathétique ? Telle est l’ode de Sapho.

Heureux qui près de toi, pour toi seule soupire, &c.


Elle gele, elle brûle, elle est sage, elle est folle, elle est entierement hors d’elle-même, elle va mourir ; on diroit qu’elle n’est pas éprise d’une simple passion, mais que son ame est un rendez-vous de toutes les passions.

Voulez-vous deux autres exemples du pathétique ? Prenez votre Racine, vous les trouverez dans les discours d’Andromaque & d’Hermione à Pyrrhus : le premier est dans la iij. scene du III. acte d’Andromaque.

Seigneur, voyez l’état où vous me réduisez, &c.