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qu’il paroît, les malades sont hors d’affaire ; la peau seroit-elle l’organe le plus affecté dans ces maladies ? Les vésicatoires qui en reveillent le ton sont bien efficaces. Dans les phthisies, les fievres lentes hectiques, la peau est pour l’ordinaire sur la fin seche & raboteuse, la transpiration se fait mal ; les sueurs abondantes qui épuisent le malade ne rendent pas la peau plus souple & plus humectée ; ce n’est qu’en rétablissant la transpiration qu’on guérit surement ces malades ; & il n’est pas aisé d’y réussir, sur-tout avec les laitages & autres remedes lents & affadissans de cette espece, qui diminuent encore la transpiration ; on s’apperçoit du succès des remedes qu’on donne quand la peau s’humecte, s’adoucit, & devient souple & huileuse. C’est toujours par-là que commence leur guerison ; remarque qu’il est important d’approfondir & de mettre en exécution.

4°. La couleur de la peau varie très-souvent ; cet effet est plus fréquent & plus sensible au visage où la peau est plus fine ; le changement de couleur y est excité par la moindre émotion, par la plus légere passion subite ; le visage, lorsqu’il n’est pas encore instruit à feindre, est le miroir de l’ame, & le dépositaire indiscret de ses secrets ; mais il perd à bonne heure cette prérogative ; & lors même qu’il la conserve, on a trouvé le moyen de voiler son changement de couleur par le masque de rouge & de blanc dont on le recouvre. Voyez Visage, Passion. Les maladies font aussi changer la couleur : dans les phrénésies, les fievres ardentes, le visage est rouge, animé ; la peau du reste du corps prend aussi une couleur plus rouge ; dans les défaillances, pendant le froid des fievres intermittentes, dans des maladies de langueur, la peau de tout le corps pâlit, mais moins que celle du visage. Il y a des maladies dont le principal symptome se tire de la décoloration de la peau ; elles sont comprises sous le nom prétendu générique d’ictere ou jaunisse ; voyez ces mots. La peau y prend diverses teintes de jaune, de verd, de brun & de noirâtre ; les jeunes filles pressées par des desirs, effets du besoin naturel, qu’elles ne doivent ou ne peuvent satisfaire, sont sujettes à une maladie qui tire son nom & son caractere de la décoloration de la peau ; on l’appelle pales-couleurs, febris alba amatoria. Voyez Pales-couleurs.

5°. Enfin l’éruption de taches, d’exanthèmes, de pustules, changent & alterent en même tems la couleur, l’égalité & la souplesse de la peau, il en résulte différentes maladies qu’on peut voir aux articles particuliers & sur lesquelles on peut consulter l’article précédent ; nous observerons seulement que dans les maladies aiguës, lorsque l’éruption paroissant, diminue la violence des symptomes, on doit les regarder comme un bon signe ; si au contraire les accidens ne sont point calmés, elle augmente le danger ; la nature & la couleur des exanthèmes peut encore concourir à le rendre plus pressant ; par exemple, si elles sont en grand nombre, d’un mauvais caractere, livides, noirâtres, &c. Voyez Fievres éruptives. (m)

Peau, (Critiq. sacrée.) pellis ; ce mot signifie d’ordinaire dans le vieux Testament, la peau qui couvre la chair, & les os de tout animal ; il se prend aussi pour le corps entier, pour la personne, Habac. xl. 26. & au figuré pour des tentes, parce qu’elles se faisoient de peaux de bêtes. Pelles terræ Madian turbabuntur ; Habac. iij. 7, l’effroi se mettra dans les tentes des Médianites. (D. J.)

Peau, terme de marchands & artisans ; ce mot en général se dit particulierement de cette dépouille de l’animal qui est différemment apprêtée ou préparée par les Pelletiers, Tanneurs, Mégissiers, Chamoiseurs, Peaussiers, Corroyeurs, Parcheminiers, Maroquiniers, Gantiers, &c.

Les maroquins se font avec des peaux de boucs &

de chevres, ou d’un autre animal à-peu-près semblable, que l’on nomme menon. Le parchemin se fabrique d’ordinaire avec des peaux de béliers, de moutons, de brebis, & quelquefois de chevres. Le vélin, qui est aussi une espece de parchemin, se fait de la peau d’un veau mort-né, ou d’un veau de lait. Le vrai chamois se fabrique de la peau d’un animal de même nom, que l’on appelle aussi isard, & il se contrefait avec des peaux de bouc, de chevre & de mouton. Les basanes sont des peaux de béliers, moutons ou brebis, passées en tan ou en redon, & quelquefois en mégie.

Les fourrures ou pelleteries se font de peaux de martres, d’hermines, de castors, de tigres, de loutres, de vautours, de cygnes, de petits gris, de fouines, d’ours, de putois, de lapins, de lievres, de renards, de chats, de chiens, d’agneaux, &c. dont on conserve le poil, en les préparant d’une maniere particuliere.

Les peaux de boucs & de chevres en poil, qu’on a cousues & disposées d’une maniere propre à pouvoir contenir des liqueurs, se nomment simplement boucs, & quelquefois outres. Quand elles n’ont été employées qu’à transporter des huiles, on peut encore les passer en chamois, aulieu de les laisser sécher & se perdre. Savary. (D. J.)

Peau, (Jardinage.) la peau des fruits est la superficie qui enveloppe leur chair ; c’est leur épiderme.

Peau de chagrin, (Comm. du Levant.) à Constantinople la peau de chagrin est faite de la partie de derrierre de la peau de cheval, mule ou âne du pays ; on la prépare & on la tanne ; & lorsqu’elle est devenue souple & maniable, on l’étend sur un chassis, & l’on l’expose au soleil ; après cela, l’on répand sur cette peau de la graine de moutarde qu’on a soin de repasser plusieurs fois avec la main, & cette graine, aidée de la chaleur du soleil, éleve le grain qui se durcit ensuite. Ces peaux sont grises ordinairement, mais on les teint de la couleur qu’on veut. La partie de derriere de l’animal est plus propre que toutes les autres pour être mises en chagrin. Diction. du commerce. (D. J.)

Peau humaine passée, (Arts mod.) on peut passer la peau humaine comme celles des quadrupedes. Cette préparation consiste dans une lessive composée de 2 livres ou plus de sel commun, de 4 onces de vitriol commun, & de 8 onces d’alun ; on fait fondre le tout dans trois pintes d’eau presque bouillante. On y plonge la peau après l’avoir dépouillée de la graisse. On l’agite pendant une demi-heure, & on la laisse reposer pendant vingt-quatre heures dans la même eau. Ensuite on renouvelle cette eau, & on n’en retire la peau que deux jours après avoir éprouvé qu’elle blanchit lorsqu’on souffle dessus. Enfin on la fait sécher à l’air sans l’exposer au soleil. M. Suë, chirurgien de Paris, a donné au cabinet du roi une paire de pantoufles faites avec de la peau humaine, préparée selon ce procédé, qui n’a point détruit les poils de cette peau, ce qui prouve bien que les poils sont implantés profondément dans une capsule bulbeuse, revêtue en-dedans d’une membrane qui enveloppe la bulbe.

La peau humaine passée, selon le procédé dont on vient de parler, reste d’une consistence ferme, assez lisse sur sa face extérieure, quoique les sillons qui environnent les mamellons en forme de losanges irréguliers, y paroissent plus profondément gravés que dans le naturel ; la surface intérieure est inégale, &, pour ainsi dire, laineuse, parce qu’il y reste presque nécessairement des feuillets de la membrane adipeuse. (D. J.)

Peaux d’Espagne, ou Peaux de senteur, (Parfum.) ce sont des peaux bien passées, puis parfumées de différentes odeurs dont on faisoit autrefois des gants,