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nard, roi d’Italie, & Carloman, pour rebellion contre son pere.

Dans des tems bien postérieurs, en 1536, ce fut ce parlement qui decréta d’ajournement personnel l’empereur Charles-Quint.

Edmont rapporte qu’un pape ayant excommunié le comte de Toscanelle Formose, évêque du Port, le pape fit porter au parlement son procès-verbal de ce qu’il avoit fait.

Les rois étrangers y ont quelquefois envoyé leurs accords & contrats pour y être homologués ; & les rois de France eux-mêmes y ont plusieurs fois perdu leur cause quand elle n’a pas paru bien fondée.

Enfin le parlement a toujours connu des affaires les plus importantes.

Il connoît seul des causes qui concernent l’état & la personne des pairs, comme on le dira ci-après en parlant du parlement considéré comme cour des pairs.

Lui seul a la connoissance des matieres de régale dans toute l’étendue du royaume.

Il connoît en premiere instance de certaines matieres, dont la connoissance lui a été réservée privativement à tous autres juges.

Il connoît aussi de tems immémorial du bien ou mal jugé des sentences dont l’appel est porté devant lui.

Cette voie étoit usitée dès le tems de la premiere race ; on prenoit quelquefois la voie de la plainte, ou prise à partie contre le juge ; quelquefois on demandoit à fausser le jugement, c’est-à-dire à prouver qu’il étoit faux, & que les premiers juges avoient mal jugé ; mais on se servoit aussi quelquefois du terme d’appellation pour exprimer ces procédures, comme il paroît au quatrieme registre olim, fol. 107, où il est dit, à quo judicato tanquam falso & pravo ad parlamentum nostrum appellavit ; ce fut ainsi qu’en 1224, il est dit que la comtesse de Flandre appellavit ad curiam regis ; les olim sont pleins d’exemples de semblables appellations verbales & autres.

Il est vrai que ces appels ne furent pas d’abord portés en si grand nombre au parlement, parce que la manie des hauts seigneurs étoit de s’opposer par des violences à ce que l’on appellât de leurs juges au parlement.

On défendit en 1228 au comte d’Angoulême de mettre aucun empêchement à ceux qui voudroient venir au parlement pour se plaindre de lui.

Le roi d’Angleterre, comme duc d’Aquitaine, faisoit pendre les notaires qui en avoient dressé les actes ; il exerçoit des cruautés inouies contre ceux qui les avoient interjettés ; un manifeste de Philippe le Bel, qui est à la fin des olim, dit qu’on ne se contentoit pas de les enfermer dans d’étroites prisons, & de mettre leurs maisons au pillage, on les dépouilloit de leurs biens, on les banissoit du pays, on les pendoit même pour la plûpart ; quelques-uns furent déchirés en quatre parts, & leurs membres jettés à l’eau.

Les seigneurs ecclésiastiques n’étoient pas plus doux que les laïcs ; un évêque de Laon entr’autres dépouilloit de leurs biens ses vassaux, qui appelloient au parlement : un abbé de Tulles, les emprisonnoit & mutiloit ; & parce qu’un homme condamné par ses juges à perdre la main gauche, en avoit appellé au parlement, il lui fit couper la main droite ; l’abbé fut condamne en 4000 liv. d’amende ; l’évêque eut des défenses de récidiver, avec injonction au duc de Bretagne d’y tenir la main.

Le roi d’Angleterre ayant refusé de comparoître, son duché de Guienne fut confisqué.

Il y a d’autres arrêts semblables contre le comte de Bretagne, celui de Flandres & le duc de Bourgogne.

Grand Chambre. Avant que le parlement eût été rendu sédentaire à Paris, toute la compagnie s’assembloit dans une même chambre, que l’on appelloit la chambre du parlement, ou la chambre des plaids, camera placitorum.

Quelques-uns ont écrit qu’elle s’appelloit aussi la chambre des prélats, ce qui pourroit être venu de ce que l’assemblée étoit principalement composée d’évêques, abbés, & autres ecclésiastiques qu’on appelloit tous d’un nom commun les prélats.

Mais il paroît que c’est par une méprise du premier copiste, qui a lu prælatorum pour placitorum, que cette opinion a pris cours ; car la grand chambre n’a jamais eu ce nom ; tous les monumens du tems l’appellent camera placitorum, chambre des plaids, c’est-à-dire du plaidoyer ; elle est ainsi appellée dans le quatrieme registre olim, fol. 344 ; & dans l’ordonnance de Philippe le Bel en 1291.

M. de la Rocheflavin cite une ordonnance de Philippe le Hardi en 1275, qui fait mention à ce qu’il prétend, de la chambre des prélats ; mais cette ordonnance ne se trouve point ; elle n’est point dans le recueil des ordonnances imprimées au Louvre.

Cette chambre fut dans la suite surnommée la grand’chambre du parlement, soit parce que l’on y traitoit les plus grandes affaires, soit parce qu’elle étoit composée des plus grands personnages, tels que les princes, pairs, prélats, ducs, comtes, barons, les officiers de la couronne, le chancelier & autres ; & aussi pour la distinguer des chambres des enquêtes & requêtes, & de celles des requêtes qui furent établies peu de tems après que le parlement eut été rendu sédentaire.

Elle fut aussi appellée la chambre du plaidoyé, parce que c’étoit la seule chambre du parlement où on plaidât ; comme elle est encore destinée principalement pour les affaires d’audiences.

On l’a aussi appellée la grand’voûte.

Enfin le vulgaire lui a encore donné le nom de chambre dorée, depuis qu’elle eût été réparée par le roi Louis XII. lequel y fit faire le plafond orné de culs-de-lampe dorés, que l’on y voit encore présentement ; le tableau du crucifix est d’Albert Dure, & le tableau qui est au-dessous représente Charles VI. habillé comme sont aujourd’hui les présidens à mortier.

La décoration du surplus de cette chambre a été faite de ce regne en 1722. Les présidens & conseillers de la grand’chambre commencerent le 3 Août à s’assembler en la salle de S. Louis pendant que l’on travailloit à ces ouvrages.

C’est en la grand’chambre que le Roi tient son lit de justice, & que le chancelier, les princes & les pairs laïcs & ecclésiastiques viennent siéger quand bon leur semble.

C’est aussi dans cette chambre que les conseillers d’honneur ont séance, ainsi que les maîtres des requêtes, au nombre de quatre seulement.

La grand’chambre étoit autrefois seule compétente pour connoître des crimes ; la chambre de la tournelle, qui fut instituée pour la soulager, ne connoissoit que des causes criminelles, & non des crimes ; ce ne fut qu’en 1515 qu’elle fut rendue capable de la connoissance des crimes ; aussi du tems que le parlement étoit à Portiers, il se trouve un réglement rapporté par Pasquier, dans ses recherches, contenant entr’autres choses, qu’en la tournelle se vuideroient les causes criminelles, à la charge toutefois que si en définitive, il falloit juger d’aucun crime qui emportât peine capitale, que le jugement s’en feroit en la grand’chambre.

Les ecclésiastiques, les nobles, les magistrats de cours supérieures, & officiers des siéges ressortissans nuement en la cour, ont conservé le droit d’être ju-