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avec la hauteur & la distance de l’œil, on doit premierement en construire la figure avec une échelle géométrique, & y déterminer, par le même moyen, le point fondamental & le point de distance.

Il n’est pas toujours nécessaire que l’objet soit tracé sous la ligne de terre, quand on fait la projection des quarrés & des planchers, il est mieux de s’en passer ; mais quand cela est nécessaire & que l’espace manque, on le trace en particulier, & après avoir trouve les divisions dont on a besoin, on les transporte sur la ligne de terre qui est dans le tableau.

Si l’on attache des fils au point principal & au point de distance, & qu’on les étende au point de division sur la ligne de terre, la commune section de ces fils donnera très-distinctement la projection des différens points, & cette méthode peut souvent être employée avec succès, car il est fort difficile d’éviter la confusion quand on est obligé de tracer un grand nombre de lignes.

La perspective scénographique, ou la projection des corps sur un plan, est la représentation d’un corps sur un plan avec toutes ses dimensions, tel qu’il paroît aux yeux. Voyez l’article Scénographie.

Toute la difficulté se réduit au problème suivant : sur un point donné C (fig. 1. & 2.) élever une hauteur perspective correspondante à la hauteur objective PQ donnée.

Sur la ligne de terre élevez une perpendiculaire PQ, égale à la hauteur objective donnée. Des points P & Q menez à un point quelconque, tel que T, les lignes droites PT & QT. Du point donné C tirez une ligne CK parallele à la ligne de terre DE, & qui rencontre en K la ligne droite QT : au point K élevez une perpendiculaire IK sur KC ; cette ligne IK, ou son égale CB, est la hauteur scénographique que l’on demandoit.

De la perspective d’un bâtiment. Dans la pratique de cette perspective on considere deux choses, le plan & l’élévation du bâtiment : le plan est ce qu’on appelle autrement ichnographie. Voyez Ichnographie. On trace ce plan de maniere que les parties les plus éloignées soient plus petites, suivant la proportion qu’on y veut mettre & qui dépend de la position du point de vûe, & on éleve ensuite sur ce point les perpendiculaires qui marquent les hauteurs correspondantes des différentes parties du bâtiment ; après quoi on ajoute à la figure de la carcasse du bâtiment les ornemens des différentes parties. Ainsi on voit que le probleme qui consiste à mettre un bâtiment en perspective se réduit à mettre en perspective des surfaces ou des solides placés à des distances connues.

Perspective à vue d’oiseau, est la représentation que l’on fait d’un objet en supposant l’œil fort élevé au-dessus du plan où cet objet est représenté, ensorte que l’œil en apperçoive un très-grand nombre de dimensions à-la-fois : par exemple, le plan d’une ville avec ses rues & ses maisons, est un plan à vûe d’oiseau ; tel est le plan en grand de Paris qui a été fait il y a quelques années par ordre de la ville. (E)

Perspective aérienne, est celle qui représente les corps diminués & dans un moindre jour à proportion de leur éloignement.

La perspective aérienne dépend sur-tout de la teinte des objets que l’on fait plus ou moins forte, ou plus ou moins claire, selon qu’on veut représenter l’objet plus ou moins proche. Voyez Couleur & Clair-obscur. Cette méthode est fondée sur ce que plus est longue la colonne d’air à-travers laquelle on voit l’objet, plus est foible le rayon visuel que l’objet envoye à l’œil. Voyez Vision.

Perspective, se dit aussi d’une espece de peinture que l’on voit ordinairement dans les jardins,

ou au fond des galeries, qui est faite exprès pour tromper la vûe, en représentant la continuation d’une allée, d’un bâtiment, d’un paysage, d’un lointain, ou de quelque chose semblable.

Perspective, (Peinture.) la perspective est l’art de représenter les objets qui sont sur un plan, selon la différence que l’éloignement y apporte, soit pour la figure, soit pour la couleur ; elle est fondée sur la grandeur des angles optiques & des images qu’ils portent à différentes distances.

On distingue donc deux sortes de perspectives, la linéaire, & l’aérienne. La perspective linéaire consiste dans le juste racourcissement des lignes ; l’aérienne, dans une juste dégradation des couleurs ; car dégrader, c’est en terme de peinture, ménager le fort & le foible des jours, des ombres & des teintes, selon les divers degrés d’éloignement. C’est par cette sorte d’illusion que la peinture séduit les sens & qu’on attribue du relief à ce qui n’en a pas. Voici le méchanisme qui produit cette erreur agréable.

Le jugement que l’instinct porte de la grandeur & des dimensions des corps, se mesure par leurs éloignemens apparens, & par leurs différens degrés de clarté. Un objet qui se trouve placé à une grande distance de l’œil qui le voit, paroît sous des dimensions diminuées, mais l’instinct habituel frappé de la distance corrige cette altération, & rend à l’objet sa véritable grandeur.

Ainsi pour séduire le jugement involontaire, il doit suffire de donner sur un tableau les apparences des distances réelles. Ces apparences sont décidées & par la diminution de l’objet, & par l’affoiblissement de sa clarté. Une extrémité de paysages dont les traits sont diminués & incertains, les couleurs mal décidées & la lumiere affoiblie, ne peut rappeller que des objets éloignés. L’instinct involontaire transporte au loin ces représentations qui par la foiblesse de leur clarté ne peuvent être supposées qu’à de grandes distances.

La distance apparente peut être encore augmentée par le nombre d’objets réels ou apparens & intermédiaires. Dans un tableau où les traits ne seroient point terminés, ni la lumiere fixe, il paroîtroit qu’on eût peint de petits objets dans le crépuscule ; mais si on décide le jour par la vivacité de certaines couleurs, par la force & la correction du dessein de certaines parties, alors ce qui est sur la surface plate & dont la clarté est affoiblie, frappe l’instinct comme il feroit dans l’éloignement. Le jugement involontaire sépare ces objets de ce qui est fixement éclairé.

Pour rendre sur une surface plate un lointain dans lequel la vue puisse se perdre, on peint une suite d’objets dégradés par nuances. Ce sont ou des palais, ou des campagnes, ou des figures qui dans leurs successions suivent les diminutions optiques, & qui à proportion d’un plus grand éloignement, où l’on veut les faire paroître, ont des dessein, moins arrêtés & une lumiere plus affoiblie. Cette imitation de l’éloignement séduisant l’instinct, le tableau prend du relief, les objets y paroissent séparés, & à de grandes distances ; il n’est pas même possible à la réflexion de détruire ces effets méchaniques.

Il est constant que l’imitation est non-seulement la premiere regle de la Peinture, mais qu’elle est son principe, sa source, enfin ce qui lui a donné la naissance ; il est constant encore qu’il ne faut pas avoir eu une connoissance & une pratique bien étendue, dans ce même art pour avoir exprimé ou indiqué des le premier instant qu’il a été exercé, le fuyant, la diminution & la dégradation que la nature présente & dessine de tous les côtés ; c’est-là, comme nous l’avons dit, ce qu’on appelle perspective, c’est-à-dire le changement & la diminution que l’air pour la cou-