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& qu’il y a eu des hommes assez impies pour mêler avec tout cela de l’eau benite, du saint-chrême, des reliques des saints, des fragmens d’ornemens d’église, &c. On a des exemples de personnes ainsi maléficiées & précipitées dans une rage d’amour ; mais l’auteur que nous venons de citer prétend qu’un philtre ne peut pas agir à moins qu’il n’y ait dans la personne à qui on l’a donné, un penchant & des dispositions à aimer la personne qui le lui a donné, & encore qu’un ferme refus de consentement de la part de la premiere empêche l’effet du philtre. Delrio, Disquisit. magic. lib. III. part. I. quæst. iij. sect. 1 & 2.

On entend par véritables philtres ceux qui peuvent concilier une inclination mutuelle entre une personne & une autre, par l’interposition de quelque moyen naturel & magnétique qui transplante, pour ainsi dire, l’affection. Mais on demande s’il est des philtres de cette nature ; & d’ordinaire on répond que non. Quelques-uns croient avoir des expériences contraires. On dit que si un homme met un morceau de pain sous son aisselle, pour l’imbiber de sa sueur & de la matiere de l’insensible transpiration, le chien qui en aura mangé ne le quittera jamais. On tient qu’Hartmannus ayant donné un philtre tiré des végétaux à un moineau, cet oiseau ne le quitta plus depuis, demeurant avec lui dans son cabinet, & volant pour le suivre quand il visitoit ses malades. Vanhelmont a écrit qu’ayant tenu une certaine herbe dans sa main durant quelque tems, & pris ensuite la patte d’un petit chien de la même main, cet animal le suivit partout & quitta son premier maître. Le même auteur ajoûte que les philtres demandent une consermentation de mumie, pour attirer l’amour à un certain objet, & rend par-là raison pourquoi l’attouchement d’une herbe échauffée transplante l’amour à un homme ou à une brute. C’est, dit-il, parce que la chaleur qui échauffe l’herbe n’étant pas seule, mais animée par les émanations des esprits naturels, détermine l’herbe vers soi & se l’identifie ; & ayant reçu ce ferment, elle attire magnétiquement l’esprit de l’autre objet, & le force d’aimer ou de prendre un mouvement amoureux ; delà il conclut qu’il y a des philtres déterminés. Les malades, après avoir mangé ou bu quelque chose, soupçonnent quelquefois certaines personnes de leur avoir donné quelque charme, & se plaignent principalement du desordre de l’estomac & de l’esprit. On dit encore que la passion amoureuse causée par un philtre revient périodiquement. Le docteur Langius témoigne qu’il a guéri un Jeune homme, qui ayant mangé à quatre heures après midi, la moitié d’un citron qu’il avoit reçu d’une femme, sentoit tous les jours à la même heure un amour empressé qui le faisoit courir de côté & d’autre, pour la chercher & la voir. Cela lui duroit une heure ; & comme il ne pouvoit satisfaire son envie, à cause de l’absence de cette femme, son mal augmenta & le jetta dans un état pitoyable. Les philtres causent de fréquentes manies & assez souvent la perte de la mémoire. Il peut y avoir des breuvages qui produisent cet effet ; mais il est difficile de croire qu’il y en ait qui inspirent de l’amour plûtôt pour une personne que pour une autre. Dictionn. des arts.

PHILYRA, s. f. (Littérat.) peau fort déliée qui se trouve entre l’écorce des arbres & l’aubier ; les anciens en faisoient des bandelettes, dont ils entrelaçoient leurs couronnes de fleurs : le tilleul étoit particulierement estimé pour cet usage. (D. J.)

PHILYRES, (Géog. anc.) peuples qui habitoient sur le Pont-Euxin, selon Etienne le géographe. Valerius Flaccus Apollinius, l. II. met dans le Pont Euxin une île appellée Philyrida, qui pouvoit tirer son nom de celui de ses peuples, ou lui avoir donné le sien ; & il y a apparence que ce sont les maisons des Philyres

qu’Ovide, Métamorph. lib. VII. appelle philyrea tecta. (D. J.)

PHIMOSIS, s. m. (Chirurgie.) c’est une maladie de la verge, dans laquelle le prépuce est collé & fortement resserré sur le gland ; de maniere qu’on ne peut pas le tirer en-arriere, pour découvrir le gland. V., Prépuce. Ce mot est grec ; il signifie proprement une ligature avec une ficelle, φίμωσις signifiant ligature faite avec une corde.

Quelquefois un phimosis cache des chancres qui sont sur le gland, ou qui l’environnent. Il est quelquefois si violent, qu’il cause une inflammation & enfin la gangrene dans cette partie.

On distingue le phimosis en naturel & en accidentel. Le naturel vient de naissance ; il n’est point ordinairement dangereux, à moins qu’il n’y survienne une inflammation par l’acrimonie de l’urine, si elle séjourne long-tems entre le gland & le prépuce. L’accidentel est benin ou malin. Le premier vient de quelque cause externe qui irrite le prépuce, y attire une inflammation & un gonflement, & le fait tellement resserrer, qu’il se forme à son extrémité un bourrelet circulaire qui l’empêche de se renverser & de découvrir le gland. Le phimosis malin est semblable à celui-ci ; mais il reconnoît pour cause un virus vénérien ; il survient souvent à la chaudepisse, aux chancres, & à d’autres maladies vénériennes qui attaquent la verge.

Le phimosis naturel peut mettre dans le cas d’une opération, même sans qu’il y survienne d’inflammation. Si l’ouverture du prépuce ne répondoit pas précisément à l’orifice de l’uretre, l’urine ne sortiroit point par un jet continu, mais s’épancheroit entre le gland & le prépuce. Le défaut de soin dans ce cas a souvent donné lieu à la concrétion de l’urine, & conséquemment à la formation des pierres dans cette partie. Si l’on a soin de presser le prépuce après qu’on a uriné, on évitera cet inconvénient ; mais on sent que ces personnes sont hors d’état d’avoir des enfans, parce qu’il arrivera à la liqueur séminale ce qui arrive à l’urine. Une petite scarification au prépuce à l’un des côtés de la verge, lui donnera la facilité de découvrir l’orifice de l’uretre, & levera les obstacles qui s’opposent à l’éjaculation.

On a imaginé un petit instrument d’acier élastique. pour dilater le prépuce trop étroit. Voyez fig. 5. Planche VII. L’extrémité antérieure se met dans le trou du prépuce, & on dilate les branches, en lâchant la vis qui les contient.

Lorsque le phimosis est accidentel, il faut saigner le malade relativement à la nature & aux progrès de l’inflammation, faire des injections adoucissantes entre le prépuce & le gland, appliquer des cataplasmes anodins & résolutifs, en observant la situation de la verge, qui doit être couchée sur le ventre, pour les raisons que nous avons dites au mot Paraphimosis : ce n’est qu’après avoir employé tous ces moyens sans succès, qu’on doit en venir à l’opération.

Le malade peut être assis dans un fauteuil, ou rester couché sur le bord de son lit. Le chirurgien prend la verge de sa main gauche, & tient de sa main droite des ciseaux droits & mousses ; il introduit une des deux lames à plat, entre le prépuce & le gland au-delà de la couronne ; on en releve ensuite la lame, & on coupe tout ce qui est compris entre deux. Cette incision doit se faire au milieu de la partie supérieure, à l’opposite du filet. Si le prépuce étoit chancreux ou infiltré d’une lymphe gangreneuse, comme je l’ai vu presque toujours lorsque le phimosis a été négligé, il faut emporter tout le prépuce en ôtant les levres de la plaie obliquement pour aller mourir au filet qu’il n’est point nécessaire de couper. Cela se fait avec les ciseaux ou avec le bistouri.

La perfection de l’opération du phimosis consiste à couper également la peau & la membrane interne du