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& qui sert à préparer leur nourriture. Ce corps est différent du cordon qui porte la nourriture à ces mêmes semences. (D. J.)

PLACENTÆ, (Hist. nat.) nom donné par quelques auteurs à des échinites ou oursins applatis & en forme de gâteaux pétrifiés.

PLACENTIA, (Géog. anc.) ville d’Italie dans la Gaule cisalpine, sur la rive méridionale du Pô. Elle fut bâtie, ainsi que Crémone, à la nouvelle qu’on eut qu’Annibal avoit passé l’Ebre, & se préparoit à porter ses armes en Italie. Tite-Live & Velleius-Paterculus lui donnent dès-lors le titre de colonie romaine. Dans la suite, comme tant d’autres villes, elle eut le titre de municipe. Elle étoit recommandable par ses richesses ; c’est aujourd’hui la ville de Plaisance. Placentia étoit une ville d’Espagne qui a conservé son nom, & qui est située au royaume de Castille ; elle s’appelle en effet Plasencia. (D. J.)

PLACER, POSER, METTRE, (Synon.) mettre a un sens plus général ; poser & placer en ont un plus restraint ; mais poser, c’est mettre avec justesse dans le sens & de la maniere dont les choses doivent être mises ; placer, c’est le mettre avec ordre dans le rang & dans le lieu qui leur conviennent. Pour bien poser, il faut de l’adresse dans la main ; pour bien placer, il faut du goût & de la science : on met des colonnes pour soutenir un édifice ; on les pose sur des bases ; on les place avec symmétrie. Girard.

Ce verbe placer a autant d’acceptions différentes que le nom place. Voyez l’article Place.

Placer, mettre une chose en sa place, la ranger, un marchand doit placer ses marchandises avec ordre, ensorte qu’il les trouve aisément sous sa main.

Placer son argent, c’est l’employer à quelque chose, & quelquefois le mettre à profit. J’ai placé mon argent à la grosse aventure, & sur tel vaisseau. J’ai placé vingt mille francs à 7 pour cent d’intérêt. Voyez Aventure & Intérêt.

Placer un jeune homme, en termes de Commerce, c’est le mettre en apprentissage. Une boutique bien placée est une boutique bien exposée à la vûe des chalands qui est dans un quartier de grand débit. On dit aussi dans le même sens un marchand bien placé. Diction. de commerce.

Placer pointe à pointe, en terme d’Epinglier, c’est mettre toutes les pointes du même côté, afin que l’enfileur ne se trompe point de bout. On appelle aussi cette opération détourner.

Placer bien sa tête, (Maréchal.) se dit du cheval lorsqu’il ne leve ni ne baisse trop le nez. La placer mal arrive lorsque le cheval avance trop le bout du nez, ou qu’il l’approche trop du poitrail. Placer à cheval se dit du maître quand il enseigne à l’écolier l’attitude qu’il veut qu’il tienne à cheval. Se placer ou être placé à cheval, c’est y être dans une belle & bonne attitude.

PLACET, s. m. (Histoire.) ces sortes de requêtes, de supplications faites par écrit que l’on présente au roi, aux grands seigneurs & aux juges sont appellés placets, parce qu’ils commencent toujours plaise à votre majesté, plaise, &c. les Latins les nomment elogia.

Comme je ne connois point dans toute l’histoire de placet plus simple, plus noble, &, selon toutes les apparences, plus juste que celui d’Anne de Boulen à Henri VIII. son époux, & qu’on conserve encore écrit de la propre main de cette reine dans la bibliotheque Cotton, je crois devoir le rapporter ici.

Il est presque inutile de rappeller aux lecteurs le jugement de cette princesse par des commissaires, sa fin tragique sur un échaffaut, & ce que l’histoire manifeste, qu’on lui fit plutôt son procès par les ordres exprès du roi, alors amoureux de Jeanne Seymour,

que pour aucun crime qu’elle eût commis. Aussi son placet respire l’innocence, la grandeur d’ame & les justes plaintes d’une amante méprisée, Shakespear n’auroit pu lui prêter un style si conforme à son caractere & à son état. Sa douleur éloquente & profonde est pleine de traits plus pathétiques que ceux dont la plus belle imagination pourroit se parer. Voici donc de quelle maniere s’exprimoit cette mere infortunée de la célebre Elisabeth :

« Sire, le mécontentement de votre grandeur & mon emprisonnement me paroissent des choses si étranges, que je ne sai ni ce que je dois écrire, ni sur quoi je dois m’excuser. Vous m’avez envoyé dire par un homme que vous savez être mon ennemi déclaré depuis long-tems, que pour obtenir votre faveur je dois reconnoître une certaine vérité. Il n’eut pas plutôt fait son message que je m’apperçus de votre dessein ; mais si, comme vous le dites, l’aveu d’une vérité peut me procurer ma délivrance, j’obéirai à vos ordres de tout mon cœur & avec une entiere soumission.

» Que votre grandeur ne s’imagine pas que votre pauvre femme puisse jamais être amenée à reconnoître une faute dont la seule pensée ne lui est pas venue dans l’esprit : jamais prince n’a eu une femme plus fidelle à tous ses devoirs, & plus remplie d’une tendresse sincere que celle que vous avez trouvée en la personne d’Anne de Boulen, qui auroit pu se contenter de ce nom & de son état, s’il avoit plû à Dieu & à votre grandeur de l’y laisser. Mais au milieu de mon élévation & de la royauté-où vous m’avez admise, je ne me suis jamais oubliée au point de ne pas craindre quelque revers pareil à celui qui m’arrive aujourd’hui. Comme cette élévation n’avoit pas un fondement plus solide que le goût passager que vous avez eu pour moi, je ne doutois pas que la moindre altération dans les traits qui l’ont fait naître ne fût capable de vous faire tourner vers quelque autre objet.

» Vous m’avez tirée d’un rang inférieur pour m’élever à la royauté & à l’auguste rang de votre compagne. Cette grandeur étoit fort au-dessus de mon peu de mérite, ainsi que de mes desirs. Cependant si vous m’avez crue digne de cet honneur, ne soufrez pas, grand prince, qu’une inconstance injuste, ou que les mauvais conseils de mes ennemis me privent de votre faveur royale. Ne permettez pas qu’une tache aussi noire & aussi indigne que celle de vous avoir été infidelle, ternisse la réputation de votre femme & celle de la jeune princesse votre fille.

» Ordonnez donc, ô mon roi, que l’on instruise mon procès ; mais que l’on y observe les lois de la justice, & ne permettez point que mes ennemis jurés soient mes accusateurs & mes juges. Ordonnez même que mon procès me soit fait en public ; ma fidélité ne craint point d’être flétrie par la honte ; vous verrez mon innocence justifiée, vos soupçons levés, votre esprit satisfait, & la calomnie réduite au silence, ou mon crime paroîtra aux yeux de tout le monde. Ainsi, quoi qu’il plaise à Dieu ou à vous d’ordonner de moi, votre grandeur peut se garantir de la censure publique, & mon crime étant prouvé en justice, vous serez en liberté devant Dieu & devant les hommes, non-seulement de me punir comme une épouse infidelle, mais encore de suivre l’inclination que vous avez fixée sur cette personne qui est la cause du malheureux état où je me vois réduite, & que j’aurois pu vous nommer il y a long-tems, puisque votre grandeur n’ignore pas jusqu’où alloient mes soupçons à cet égard.

» Enfin si vous avez résolu de me perdre, & que ma mort fondée sur une infâme calomnie vous doive mettre en possession du bonheur que vous