Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/849

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quant à ce qui regarde l’harmonie du vers, en tant que composé de syllabes reglées par des mesures, & soumises à des regles fixes & positives, voyez Vers (D. J.)

Poétique, style, (Poésie.) il consiste dans des images ou des figures hardies, par lesquelles le poëte imitateur parfait peint tout ce qu’il décrit ; & donnant du sentiment à tout, rend son image vivante & animée. Ce style poétique, qu’on appelle autrement style de fiction, inséparable de la Poésie, & qui la distingue essentiellement de la prose, est le style & le langage de la passion ; c’est-à-dire, de cet enthousiasme dont les Poëtes se disent remplis.

Le style poétique doit non-seulement frapper, enlever, peindre, toucher, mais même ennoblir des choses qui n’en paroissent pas susceptibles. Rien de plus simple que de dire que le vers iambe ne conviendroit pas à la tragédie, s’il n’étoit mêlé de spondées ; c’est ainsi qu’on parleroit en prose ; mais Horace, en qualité de poëte, personnifie l’iambe, qui, pour arriver aux oreilles d’un pas plus lent & plus majestueux, fait un traité avec le grave spondée, qu’il associe à l’héritage paternel ; à condition qu’il n’usurpera ni la seconde, ni la quatrieme place.

Tardior, ut paulo, graviorque veniret ad aures
Spondæos stabiles, in jura paterna recepit,
Commodus & patiens, non ut de sede secundâ
Cederet, aut quartâ socialiter.


De même lorsque Boileau veut nous apprendre qu’il a 58 ans, il se plaint que la vieillesse

Sous ces faux cheveux blonds, déja toute chenue
A jetté sur sa tête avec ses doigts pesans
Onze lustres complets surchargés de trois ans.

Le style poétique abandonne les termes naturels pour en emprunter d’étrangers : il parle le langage des dieux dans l’olympe ; & quand il chante les combats, on croit voir Mars ou Bellone. Enfin dans le style poétique qui est fait pour nous enchanter,

Tout prend un corps, une ame, un esprit, un visage.
Chaque vertu devient une divinité :
Minerve est la prudence, & Vénus la beauté :
Ce n’est plus la vapeur qui produit le tonnerre :
C’est Jupiter armé pour effrayer la terre.
Un orage terrible aux yeux des matelots,
C’est Neptune en courroux qui gourmande les flots.
Echo n’est plus un son qui dans l’air retentisse :
C’est une nymphe en pleurs qui se plaint de Narcisse.
Ainsi dans cet amas de nobles fictions,
Le poëte s’égaie en mille inventions,
Orne, éleve, embellit, agrandit toutes choses ;
Et trouve sous sa main des fleurs toujours écloses.


(D. J.)

Poétique, composition, (Peint.) la composition poétique d’un tableau est un arrangement ingénieux de figures, inventé pour rendre l’action qu’il représente plus touchante & plus vraissemblable. Elle demande que tous les personnages soient lies par une action principale ; car un tableau peut contenir plusieurs incidens, à condition que toutes ces actions particulieres se réunissent en une action principale, & qu’elles ne fassent toutes qu’un seul & même sujet. Les regles de la Peinture sont autant ennemies de la duplicité d’action que celles de la poésie dramatique. Si la Peinture peut avoir des épisodes comme la Poésie, il faut dans les tableaux, comme dans les tragédies, qu’ils soient liés avec le sujet, & que l’unité d’action soit conservée dans l’ouvrage du peintre comme dans le poëme.

Il faut encore que les personnages soient placés avec discernement & vétus avec décence, par rapport à leur dignité, comme à l’importance dont ils

sont. Le pere d’Iphigénie, par exemple, ne doit pas être caché derriere d’autres figures au sacrifice ou l’on doit immoler cette princesse. Il doit y tenir la place la plus remarquable après celle de la victime. Rien n’est plus insupportable que des figures indifférentes placées dans le milieu d’un tableau. Un soldat ne doit pas être vétu aussi richement que son général, à moins qu’une circonstance particuliere ne demande que cela soit ainsi. En un mot, tous les personnages doivent faire les démonstrations qui leur conviennent ; & l’expression de chacun d’eux doit être conforme au caractere qu’on lui fait soutenir. Surtout il ne faut pas qu’il se trouve dans le tableau des figures oiseuses, & qui ne prennent point de part à l’action principale. Elles ne servent qu’à distraire l’attention du spectateur. Il ne faut pas enfin que l’artiste choque la décence ni la vraissemblance pour favoriser son dessein ou son coloris, & qu’il sacrifie la poésie à la méchanique de son art. Du Bos. (D. J.)

POGE, s. m. (Com.) droit de coutume qui est dû à l’évêque de Nantes sur le hareng ou sardine blanc ou soret passant le trepas S. Mazaire ; ce droit est de demi-obole par millier. Diction. de comm.

Poge ou Pouge, (Marine.) c’est un terme de commandement dont les levantins se servent sur mer, & qui signifie arrive-tout. L’officier prononce ce mot poge, quand il veut que le timonnier pousse sa barre sous le vent, comme si on vouloit faire vent arriere. Voyez Pouger.

POGGIO, (Géog. mod.) bourg d’Italie, dans la Toscane, à dix milles de Florence, & à égale distance de Pistoie. Poggio est fameux par la maison de plaisance des grands-ducs. Ce palais fut commencé par Laurent de Médicis surnommé le magnifique, continué par Léon X. & achevé par le grand-duc François de Médicis. André del Sarto, Jacques Pontorno, & Alexandre Allori, l’ont enrichi de leurs peintures qui font autant d’allusions aux événemens de la vie de Médicis. (D. J.)

POIDS, s. m. (Phys.) est l’effort avec lequel un corps tend à descendre, en vertu de sa pesanteur ou gravité. Il y a cette différence entre le poids d’un corps & la gravité, que la gravité est la force même ou cause qui produit le mouvement des corps pesans, & le poids comme l’effet de cette cause, effet qui est d’autant plus grand que la masse du corps est plus grande, parce que la force de la gravité agit sur chaque particule du corps. Ainsi le poids d’un corps est double de celui d’un autre, quand sa masse est double ; mais la gravité de tous les corps est la même, en tant qu’elle agit sur de petites parties égales de chaque corps. Voyez Gravité, Pesanteur.

M. Newton a prouvé que le poids de tous les corps à des distances égales du centre de la terre est proportionnel à la quantité de matiere qu’ils contiennent ; & il suit de là que le poids des corps ne dépend en aucune maniere de leurs formes ou de leur texture, & que tous les espaces ne sont pas également remplis de matiere. Voyez Vuide.

Le même M. Newton ajoute que le poids du même corps est différent à différens endroits de la surface de la terre à cause qu’elle n’est point sphérique, mais sphéroïde. En effet l’élévation de la terre à l’équateur fait que la pesanteur y est moindre qu’aux poles, parce que les points de l’équateur sont plus éloignés du centre que les poles ; c’est ce qu’on a vérifié par les expériences des pendules. Voyez Figure de la Terre.

Un corps plongé dans un fluide qui est d’une pesanteur spécifique moindre que lui, perd de son poids une partie égale à celle d’un pareil volume du fluide ; en effet, si un corps étoit du même poids que l’eau, il s’y soutiendroit en quelque endroit qu’on le plaçât, puisqu’il seroit alors dans le même cas qu’une portion