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propriétaire, quoiqu’il ne le fût pas. Il en est le possesseur & non pas le propriétaire, quoique la cause de sa possession soit translative de propriété ; la raison est que celui de qui il a acheté n’a pu transférer en sa personne plus de droit qu’il n’en avoit lui-même. Cette possession civile sert néanmoins au possesseur à faire les fruits siens tant que sa possession n’est pas interrompue par le propriétaire : elle lui sert aussi à acquérir la propriété de la chose par le moyen de la prescription.

Quoique cette possession ne puisse être acquise par la seule intention de posséder sans une possession réelle & actuelle ; elle peut néanmoins se conserver par l’intention seule. Ainsi un homme qui sort de sa maison à dessein d’y revenir, en conserve la possession civile jusqu’à ce qu’un autre s’en soit emparé : en quoi notre usage differe du droit romain, suivant lequel le premier possesseur conservoit sa possession civile tant qu’il ignoroit qu’un autre se fût emparé de la chose. Voyez Possession naturelle.

Possession clandestine, est celle qui a été acquise secrétement & non publiquement : cette possession ne sert point pour la prescription.

Possession continue, est celle qui a toujours été suivie & non interrompue.

Possession corporelle, est lorsque l’on possede réellement & véritablement la chose, & non pas lorsqu’on a une simple possession de droit, qui est magis animi quam facti.

Possession de droit, est celle qui est fondée sur une saisine légale, & qui est plutôt de volonté présumée que de fait, comme la possession d’un héritier présomptif ; ou bien comme celle d’un pourvu qui prend une possession fictive d’un bénéfice dont un autre est en possession réelle : cette possession est la même chose que la possession civile. (A)

Possession de fait, n’est qu’une détention de la chose sans intention ni habileté, pour en acquérir la propriété. Telle est la possession du dépositaire, du commodataire, du fermier, & autres qui possedent pour & au nom d’autrui. Voyez Possession precaire.

Possession de fait & de droit, animi & facti, est celle où la détention de la chose est accompagnée de l’intention de la posseder propriétairement, telle que la possession d’un acheteur légitime.

Possession fictive, est celle qui n’est pas réelle, mais que l’on suppose comme si elle existoit réellement ; telle est la possession civile ou de droit simplement.

Possession furtive, est celle qui a été usurpée par de mauvaises voies, & qui n’est ni publique ni légitime, comme quand on a enlevé les grains la nuit.

Possession immémoriale, est celle qui passe la mémoire des personnes vivantes, & dont on ne voit point le commencement. La possession centenaire est une possession de cent ans, une possession immémoriale ; mais il n’est pas nécessaire de prouver cent ans de possession, pour pouvoir qualifier sa possession d’immémoriale : il suffit qu’elle soit au-dessus de trente ans.

Possession manuelle est celle que l’on a d’une chose que l’on tient en ses mains, comme un meuble ou effet mobilier. Il n’y a point de possession manuelle pour les immeubles, ces sortes de biens ne pouvant être tenus dans la main.

Possession de mauvaise foi, est celle où le possesseur a connoissance que la chose ne lui appartient pas.

Possession momentanée, est celle qui n’a point été suivie, & en vertu de laquelle on n’a pu acquérir ni la possession ni la propriété.

Possession naturelle, est la détention de quelque chose qui appartient à autrui : cette possession est

de deux sortes ; l’une qui est juste, comme quand un créancier possede la chose qui lui a été donnée en gage par son débiteur ; l’autre qui est injuste, est celle d’un voleur & d’un possesseur de mauvaise foi, qui joint à la détention de la chose, l’envie de la retenir, quoiqu’il n’ait pas droit de le faire. Voyez Possession civile.

Possession paisible, est celle qui n’a point été interrompue de fait ni de droit. Voyez Interruption & Prescription.

Possession precaire est celle que l’on tient d’autrui & pour autrui, & dont l’objet n’est point de transférer la propriété au possesseur : telle est la possession d’un fermier ou locataire, d’un dépositaire ou sequestre.

Possession publique est celle qui a été acquise au vu & au sçu de tous ceux qui étoient naturellement à portée d’être témoins de cette possession.

Possession (quasi) est celle que le détenteur n’acquiert pas pour lui, mais pour un autre ; de maniere qu’il n’est pas censé être personnellement en possession : telles sont toutes les possessions précaires des fermiers, dépositaires, sequestres, & autres semblables.

Possession réelle est la même chose que possession corporelle : elle est différente de la possession naturelle & de fait seulement, en ce que la possession réelle peut être tout à la fois de fait & de droit.

Possession triennale, en matiere bénéficiale, est celle d’un bénéficier qui a possédé paisiblement & avec un titre coloré, pendant trois années consécutives & non interrompues.

Cette possession opere en sa faveur une prescription qui le rend possesseur paisible tant au possessoire qu’au pétitoire.

L’exception résultante de la possession triennale, a lieu pour les bénéfices consistoriaux, de même que pour les autres.

Si celui qui a la possession triennale est troublé par quelqu’un prétendant droit au bénéfice, obtient en chancellerie des lettres ou commission appellées de pacificis possessoribus, par lesquelles le roi ordonne aux juges de maintenir l’exposant, s’il leur appest qu’il soit en possession plus que triennale ;

Au moyen de ces lettres, il excipe de sa possession & de la regle de triennale possession, ou de pacificis possessoribus, qui est du pape Paul III.

Ceux qui sont intrus ne peuvent, quoiqu’ils ayent possédé paisiblement pendant trois années, se servir de la regle de pacificis, parce que le tems ne diminue pas l’énormité du crime.

Il en est de même de celui qui est coupable de simonie.

On tient néanmoins qu’il en est autrement de celui qui est entré dans un bénéfice avec irrégularité, parce que ce cas n’est pas excepté de la regle de pacificis.

La possession triennale d’un bénéfice pour lequel on est en procès, s’acquiert lorsque le collitigant a discontinué sa procédure pendant trois ans ; mais elle ne court point dans le cas de l’appel comme d’abus, parce que l’abus ne se couvre pas.

Pour interrompre la possession triennale, il faut qu’il y ait eu assignation donnée au possesseur ; qu’en conséquence les parties se soient communiqué leurs titres & capacités, & que les délais établis par les ordonnances, avant que d’entrer dans la véritable contestation, soient expirés.

L’interruption civile ne suspend la possession triennale qu’à l’égard de celui qui a fait le trouble, & non à l’égard d’un tiers ; mais l’interruption naturelle & la dépossession servent à tous les contendans.

La possession triennale n’est pas interrompue par la résignation, lorsque le résignant rentre dans son bénéfice par la voie du regrès, parce que sa possession est